Le sacrifice d'Abraham

et le conflit israélo-palestinien




Le bélier qui s'est pris les cornes dans un buisson

* Mohamed Diab, psychologue clinicien
*Etienne Duval, sociologue

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Rembrandt - Le sacrifice d'Abraham

http://judaisme.sdv.fr/traditio/tishri/goestch.htm

 

Le sacrifice d'Abraham et le conflit israélo-palestinien

Le retour aux mythes, utilisés comme miroir, peut nous aider à déchiffrer les situations actuelles inextricables et à trouver des solutions inattendues à des problèmes apparemment insolubles. Ils contiennent les grands archétypes qui structurent le comportement humain, affronté à des drames qu'il faut arriver à dépasser. Il en va ainsi du sacrifice d'Abraham, qui a fait progresser la conscience humaine. Or on peut se demander si Israël, aujourd'hui, ne se retrouve pas dans une situation similaire, à travers le conflit qui l'oppose aux Palestiniens. Dans le mythe, Ismaël, l'ancêtre des Arabes, est aussi fils d'Abraham, c'est-à-dire un Sémite comme le Juif lui-même. Après Isaac, c'est lui, le fils premier-né, qui se trouve, aujourd'hui, en position de victime. Il est insoutenable de penser que la survie d'Israël puisse conduire à son sacrifice, sous la figure du Palestinien. Ce serait un drame non seulement pour Israël et la Palestine mais aussi pour l'humanité tout entière. Mais si le drame est évité, si la solution adéquate est enfin trouvée, ce sera une forme de bénédiction pour tout le Proche-Orient. Une condition, toutefois, s'impose, celle d'opérer un déplacement du regard pour découvrir le bélier, qui s'est pris par les cornes dans un buisson.

Pour se conformer à une pratique de l'époque, qui semble engager sa conscience, Abraham, la mort dans l'âme, est prêt à sacrifier son fils Isaac, décision qui compromet radicalement l'avenir de sa descendance. Il s'en va vers la montagne, qui relie le ciel et la terre, pour répondre à ce qu'il prend pour un ordre de Dieu. Il est accompagné par son fils, un âne et deux serviteurs. Après plusieurs jours de marche, lorsque la montagne est enfin à portée de vue, il abandonne l'âne et ses deux serviteurs. C'est Isaac lui-même, qui devient l'âne. Son père le charge du bois du sacrifice, comme on charge la victime de la responsabilité de sa mort prochaine. Tout cela est trop dur à comprendre. Son esprit s'embrume. Où est donc l'agneau du sacrifice ? Il n'est pas possible de jouer en même temps le rôle de l'âne et celui de la victime à sacrifier. Abraham, qui perçoit son drame et qui le vit déjà de l'intérieur depuis de longues heures, ne sait que répondre. Il s'en remet à Dieu. Puisqu'il donne un ordre inhumain, c'est à lui de se justifier. Chacun continue sa marche dans la nuit jusqu'au lieu du sacrifice. Et là, le père élève l'autel, le charge du bois de l'holocauste, comme il avait chargé Isaac, et lie son fils par-dessus. Le couteau qui est fait pour délier va-t-il servir à tuer ? Abraham le pense. Il le prend de sa main droite et élève le bras, prêt à frapper. C'est là que tout bascule. Il a l'impression que quelqu'un retient sa main. Son esprit fait un pas de plus, un pas décisif : de manière inattendue, il prend conscience de l'interdit du sacrifice humain. Le sacrificateur détourne alors le regard de sa victime et découvre un bélier qui s'est pris les cornes dans un buisson. C'est sa propre image qui lui apparaît alors. Abraham a un problème avec l'arbre de vie et donc avec Dieu lui-même. Abraham déjà le saisit confusément. Il s'empare du bélier et le sacrifie à la place d'Isaac. En fait, c'est sa toute-puissance paternelle qu'il sacrifie, pour permettre à son fils de devenir père à son tour, en assurant sa descendance. Il peut maintenant redescendre de la montagne.

Sans s'en apercevoir vraiment, aujourd'hui encore, Israël comme Abraham s'est pris les cornes dans un buisson.. Son rapport à la vie et son rapport à Dieu s'en trouvent perturbés. Il est dans un combat, terre à terre, oubliant de remonter sur la montagne pour trouver la lumière. Il cherche à s'emparer de territoires qui ne lui appartiennent pas, ne sachant plus que la vie est partage. Plus il prend sur l'autre pour assurer sa sécurité et plus son avenir est menacé. Le Palestinien a perdu l'espérance. Il manifeste son désarroi par des suicides organisés, qui mettent en péril la vie des autres. Israël ne comprend pas qu'il en a fait une victime. Il l'accable de sa propre faute, le chargeant comme l'âne d'Abraham de la responsabilité de son malheur. Il est prêt à élever sa main pour le sacrifier plus encore. Une prise de conscience commence à se faire chez les citoyens Israéliens eux-mêmes : le sacrifice du Palestinien est sous le coup de l'interdit. Il est temps que l'ouverture de l'esprit se fasse aussi chez les gouvernants pour arrêter leurs bras vengeurs. Israël doit définitivement renoncer à sa toute-puissance pour entrer dans un rapport de partage avec les Palestiniens. C'est là qu'est la promesse d'un renouveau complet pour la Région.


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