Le sacrifice d'Abraham




De la violence sacrificielle au sacrifice de la toute-puissance

Mosaïque

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Il y a près de quinze ans déjà, Abraham a dû se séparer d'Ismaël qu'il chérissait par-dessus tout, parce qu'il était son premier enfant. Sarah, sa femme légitime, ne supportait plus, à côté d'elle, la présence de sa rivale, une servante, qui était la mère du jeune garçon. Elle se croyait stérile, mais, depuis quelque temps, elle sentait un enfant remuer dans son sein. Alors celle qui avait fait la place à la servante pour satisfaire son mari, en quête de descendance, a exigé qu'Abraham libère l'espace, qu'il chasse la première mère et le fils qu'elle lui avait donné. Aussi, est-ce à contre cœur que le père, la mort dans l'âme, s'était soumis au désir de sa femme légitime.

Aujourd'hui, un drame se profile à l'horizon, à propos du fils légitime, Isaac. Abraham a la conscience déchirée et nul ne sait encore ce que sera le sort du jeune adolescent et l'avenir de la famille. Une fois encore, la violence n'a pas dit son dernier mot.

Le sacrifice d'Abraham

Après ces événements, il arriva que Dieu éprouva Abraham
Et lui dit : " Abraham ! Abraham ! "
Il répondit : " Me voici ! "
Dieu dit : " Prends ton fils, ton unique que tu chéris, Isaac,
Et va-t'en au pays de Moriyya,
Et là tu l'offriras en holocauste
Sur une montagne que je t'indiquerai. "

Abraham se leva tôt, sella son âne et prit avec lui
Deux de ses serviteurs et son fils Isaac.
Il fendit le bois de l'holocauste
Et se mit en route pour l'endroit que Dieu lui avait dit.
Le troisième jour, Abraham, levant les yeux,
Vit l'endroit de loin.
Abraham dit à ses serviteurs :
" Demeurez ici avec l'âne.
Moi et l'enfant nous irons là-bas,
Nous adorerons et reviendrons vers vous. "

Abraham prit le bois de l'holocauste
Et le chargea sur son fils Isaac.
Lui-même prit en mains le feu et le couteau
Et ils s'en allèrent tous deux ensemble.
Isaac s'adressa à son père Abraham et dit :
" Mon père ! " Il répondit : " Oui, mon fils ! "
- " Eh bien, reprit-il, voilà le feu et le bois,
Mais où est l'agneau pour l'holocauste ? "
Abraham répondit : " C'est Dieu qui pourvoira
A l'agneau pour l'holocauste, mon fils. "
Et ils s'en allèrent tous deux ensemble.

Quand ils furent arrivés à l'endroit
Que Dieu lui avait indiqué,
Abraham y éleva l'autel et disposa le bois,
Puis il lia son fils Isaac et le mit sur l'autel par-dessus le bois.
Abraham étendit la main
Et saisit le couteau pour immoler son fils.

Mais l'Ange de Yahvé l'appela du ciel et dit :
" Abraham ! Abraham ! "
Il répondit : " Me voici ! "
L'Ange dit : " N'étends pas la main contre l'enfant !
Ne lui fais aucun mal !
Je sais maintenant que tu crains Dieu :
Tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique. "
Abraham leva les yeux et vit un bélier,
Qui s'était pris par les cornes dans un buisson,
Et Abraham alla prendre le bélier
Et l'offrit en holocauste à la place de son fils.
A ce lieu Abraham donna le nom de " Yahvé pourvoit ",
En sorte qu'on dit aujourd'hui :
" Sur la montagne, Yahvé pourvoit. "

L'Ange de Yahvé appela une seconde fois Abraham du ciel
Et dit : " Je jure par moi-même, parole de Yahvé :
Parce que tu as fait cela, que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique,
Je te comblerai de bénédictions,
Je rendrai ta postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel
Et que le sable qui est sur le bord de la mer,
Et ta postérité conquerra la porte de ses ennemis.
Par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre,
Parce que tu m'as obéi. "

Abraham revint vers ses serviteurs
Et ils se mirent en route ensemble pour Bersabée.
Abraham résida à Bersabée.
(Bible de Jérusalem, Genèse, 22, 1-19)

La structure du récit

Verre gravé, représentant Abraham et Sarah ...

http://happydoo.com/membre/bonheur/maurice/fr/nlm7.shtml

La structure du récit

1. Un ordre est donné par Yahvé à Abraham : sacrifier son fils Isaac
L'ordre semble impératif et Abraham ne voit pas comment échapper à l'exigence de son Dieu.

2. Abraham prend le départ pour le lieu du sacrifice avec son fils, son âne et deux serviteurs
Ce départ est aussi une mise en marche de la conscience du patriarche.

3. La question d'Isaac à son père : " Où est l'agneau du sacrifice ? - Dieu y pourvoira "
Après avoir laissé les deux serviteurs, Abraham continue sa marche avec Isaac. Le jeune adolescent commence à se poser des questions : il voit le feu et le bois pour le sacrifice, mais il n'y a pas d'agneau. A ce moment, la conscience du père s'embrume et il s'en remet à Dieu pour débrouiller la situation.

4. Abraham étend la main pour immoler Isaac
Arrivé à l'endroit indiqué, Abraham élève l'autel, dispose le bois, lie son fils qu'il met par-dessus le bois et lève sa main avec le couteau pour l'immoler.

5. Le geste d'immolation est arrêté par Yahvé
L'ange de Dieu demande à Abraham d'arrêter sa main. L'épreuve est passée avec succès : le père n'a pas refusé son fils unique à Dieu. C'était ce détachement qui était important.

6. En détournant les yeux d'Isaac, Abraham aperçoit un bélier qui s'est pris les cornes dans un buisson
Il y a passage du relais de la victime entre Isaac et le bélier. Tout se passe dans la simultanéité, la voix de la conscience (l'Ange de Yahvé) et la vision de l'animal. C'est Dieu qui pourvoit.

7. Le bélier est offert en holocauste à Yahvé, à la place d'Isaac
Le bélier s'était pris les cornes dans un buisson, comme Abraham s'était emmêlé la conscience avec un Dieu qu'il connaissait mal. Abraham va chercher l'animal, décroche ses cornes du buisson comme il démêle les fils de sa conscience et offre le bélier en sacrifice à la place d'Isaac.

8. L'ouverture de l'avenir avec la bénédiction de Yahvé
Parce qu'Abraham a su se détacher de son fils, en s'en remettant à Yahvé, celui-ci le bénit et en fait un exemple pour tous les hommes.

9. Abraham revient à Bersabée, lieu de départ où il a invoqué le nom de Yahvé
Il revient aux sources de sa conscience pour intégrer le saut qu'elle vient de faire.

Ici, la structure du texte souligne le déplacement qui s'est opéré au cours des étapes du sacrifice : le passage d'Isaac au bélier, la transformation du père qui fait maintenant la place à son fils et la purification de la conception de Dieu, qui passe de la toute-puissance à la bienveillance.

L'éclairage du texte par les images

Angoisse - papier peint

http://strasstos.free.fr/peintpapier2.htm

L'éclairage du texte par les images

1. L'angoisse d'Abraham face à l'obligation de sacrifier son fils
L'angoisse de perdre son fils

2. Le pèlerinage vers le lieu du sacrifice
Le pèlerinage évoque le temps de la transformation

3. Isaac qui s'interroge sur la victime et l'embarras du père
Le temps du questionnement

4. La main d'Abraham, étendue au-dessus d'Isaac
La menace de mort

5. La voix de l'ange qui arrête le geste d'immolation du fils
Prise de conscience d'une parole de Dieu

6. La vision du bélier qui s'est emmêlé les cornes dans un buisson
Le bélier, image de la toute-puissance sexuelle et paternelle

7. Le bélier sacrifié à la place du fils et à la place de l'agneau
La toute-puissance du père sacrifiée à la place de l'enfant

8. La reconnaissance d'Abraham par Dieu qui le bénit et bénit tous les hommes à travers lui
L'ouverture de l'avenir

9. Le retour d'Abraham à la source
Il revient de là où il était parti pour assumer fondamentalement le chemin parcouru

Les images nous font pénétrer dans l'intériorité d'Abraham, d'Isaac et de Yahvé lui-même : l'angoisse du père, le questionnement du fils, la bienveillance de Dieu qui refuse le sacrifice d'un homme. En même temps, elles font apparaître le jeu des reconnaissances. Abraham ouvre un espace pour son fils et reconnaît le véritable Dieu, passé de la toute-puissance intransigeante à l'attention bienveillante. En même temps Yahvé reconnaît Abraham et tous les hommes à travers lui.

La signalétique ou les paroles du texte

La toute-puissance de son maître

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La signalétique ou les paroles du texte

1. Un Dieu qui exige le sacrifice d'un fils unique
Abraham ! Abraham ! - Me voici ! - Prends ton fils, ton unique que tu chéris, Isaac et va-t-en au pays de Moriyya, et là tu l'offriras en holocauste sur une montagne que je t'indiquerai.

2. Abraham et son fils se séparent des deux serviteurs
Abraham dit à ses serviteurs : Demeurez ici avec l'âne. Moi et l'enfant nous irons là-bas, nous adorerons et reviendrons vers vous.

3. Le questionnement d'Isaac
Mon père ! - Oui, mon fils ! - Eh bien, voilà le feu et le bois, mais où est l'agneau pour l'holocauste ? - C'est Dieu qui pourvoira à l'agneau pour l'holocauste, mon fils. "

4. Un Dieu qui refuse le sacrifice de l'enfant
Abraham ! Abraham ! - Me voici ! - N'étends pas la main contre l'enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique.

5. Yahvé pourvoit
A ce lieu Abraham donna le nom de Yahvé pourvoit, en sorte qu'on dit aujourd'hui : Sur la montagne, Yahvé pourvoit.

6. La bénédiction et la reconnaissance d'Abraham, de sa postérité et de tous les hommes par Yahvé
Je le jure par moi-même, parole de Yahvé : Parce que tu as fait cela, que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel, et que le sable qui est sur le bord de la mer, et ta postérité conquerra la porte de ses ennemis. Par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre, parce que tu m'as obéi.

Dieu est au centre de toutes les paroles du texte : il est celui qu'on va prier, celui qui pourvoit à l'agneau pour le sacrifice ; il exige le sacrifice d'Isaac, puis il le refuse ; il est enfin celui qui bénit et reconnaît. En réalité, il s'intercale entre Abraham et son fils pour les séparer, en libérant le père de sa toute-puissance paralysante et en permettant au fils de devenir père à son tour. On pourrait dire qu'il introduit le jeu nécessaire dans les relations pour ouvrir l'avenir de la famille et du peuple en gestation, et finalement celui de toute l'humanité. C'est un moment décisif, où chacun est mis sur sa voie pour entrer dans une histoire humano-divine ; l'homme est invité à se défaire de sa toute-puissance pour faire sa place à l'autre au lieu de le sacrifier.

De la violence sacrificielle à la séparation

Séparation du grain et de la paille

http://www.supair.com/photo/Ethiopie/ethiopie0223

 

De la violence sacrificielle à la séparation

 

Abraham est mis au pied du mur. C'est son avenir, celui de sa famille, qui est aujourd'hui en jeu. Il doit jouer avec la violence elle-même. Pour le moment, il ne voit que sa face meurtrière, qui pourrait l'atteindre au plus profond de lui-même en atteignant son propre fils. A-t-elle des secrets qu'il ne connaît pas encore ? Il voudrait bien le croire mais il n'ose l'espérer.

La conscience d'Abraham écartelée

Aujourd'hui, son second fils, Isaac, est en pleine adolescence. La coutume veut qu'on sacrifie l'aîné, pour obéir à un impératif de la conscience collective. En réalité, n'a-t-il pas satisfait à cette exigence en renvoyant Ismaël ? Il se dit que son renvoi a été aussi difficile qu'un sacrifice. Mais, après tout, Isaac n'est pas l'aîné. Depuis quelque temps, le grand patriarche est devenu un homme fragile et plein de tourments. Il passe et repasse le pour et le contre de l'exigence qui envahit sa conscience. En désespoir de cause, il finit par céder et accepte de se séparer d'Isaac. Cet arrachement qu'il s'impose est au-delà de toute mesure humaine. Il pressent pourtant, sans arriver à en trouver la raison, qu'il est une condition nécessaire pour ouvrir l'avenir. Sa foi en Yahvé, qui le guide, a contribué, en le privant de toutes ses défenses, à le rendre irraisonnable. Il croit entendre sa voix pressante, qui lui intime de sacrifier Isaac dans les plus brefs délais. Finalement, sa décision est prise : il partira demain, à la première heure, pour rejoindre, en trois jours, la montagne du sacrifice.

Le déplacement

Le lendemain matin, il se lève très tôt, réveille Isaac, selle son âne et s'en va avec son fils et deux serviteurs, initiant un pèlerinage dont il ne comprend pas le sens. Sa conscience reste en éveil et se met aussi en marche. Le troisième jour, il aperçoit la montagne où il a décidé de se rendre. Il demande à ses deux serviteurs de rester sur place, avec l'âne. Il ne veut pas de témoin pour l'acte insensé qu'il a l'intention d'accomplir. Cet acte le lie à son fils en coupant les liens qui le rattachent encore à lui ; il doit rester secret comme un pacte entre deux hommes, qui les unit au-delà de la mort. Mais pourquoi l'âne doit-il lui aussi rester en dehors du jeu ? Est-ce pour laisser aux deux hommes leur dernier moment d'intimité sans autre témoin que Yahvé lui-même ? Peut-être, mais le texte ne dit pas. L'enjeu véritable est le déplacement de la conscience elle-même, qui pourrait opérer un nouveau surgissement au cœur d'une révélation possible de Dieu.

L'ouverture de la foi

Cette fois, Isaac semble régresser. C'est lui qui devient l'âne, en se chargeant du bois de l'holocauste. Mais la charge est trop lourde pour l'adolescent qui redevient un enfant comme s'il devait porter une faute dont il ignore encore l'existence. Il voit bien son père avec le feu et le couteau. Mais où est l'agneau pour le sacrifice ? Déjà il pressent un lien existentiel entre l'agneau absent et lui, qui reste sans armes et sans défense. Mais il est encore trop écarté de la vie pour mériter le sacrifice. Abraham se cache pour retenir ses larmes et finit par répondre : "Mon fils, il n'y a pas d'agneau, mais Dieu y pourvoira". Il s'en remet à Yahvé pour choisir sa victime. Il faut qu'il la désigne plus clairement. Un doute envahit son esprit et laisse la place pour un acte de foi. Isaac sent qu'Abraham hésitant lui cache quelque chose, et pourtant il est encore à l'âge où l'enfant fait confiance à son père, comme le père fragile fait confiance à son Dieu. Au moment où le futur patriarche se sent plus père que jamais, il découvre la paternité de Yahvé. C'est sur elle qu'il cherche maintenant à s'appuyer.


L'affrontement à l'absurde de la violence

Après plusieurs heures de marche pourtant, Isaac est obligé de se rendre à l'évidence sans rien comprendre à ce qui est en train de se passer. Ils sont arrivés à l'endroit prévu. Abraham dresse un autel, dispose le bois du sacrifice et lie au-dessus son fils. Il est là, livré à l'angoisse et pourtant pleinement décidé à aller jusqu'au bout du geste à accomplir. Le père se heurte à l'absurde de la violence et à l'absurde de Dieu. Puisqu'il est père, comment Yahvé peut-il lui imposer de tuer son fils encore à l'aube de sa vie ? Le père finit par lever son couteau, mais, tout à coup, quelqu'un l'arrête, un être qu'il ne voit pas mais dont il entend la voix. C'est la voix même de Celui qui avait ordonné d'offrir Isaac en holocauste. Au début les mots sont les mêmes, mais l'ordre est contraire : il ne faut pas porter la main contre l'enfant. A ce moment précis, la violence change de sens. Apparemment faite pour tuer, elle doit maintenant restituer l'enfant à la vie, en reconnaissant la paternité divine. Il fallait se séparer d'Isaac pour l'inscrire dans la filiation de Dieu et lui ouvrir l'horizon d'un avenir encore indicible. C'est l'horizon même d'Abraham, qui est maintenant en train de craquer sous les coups de la violence séparatrice de Yahvé.

La conscience libérée

La conscience d'Abraham se délie au creux même de la révélation de Dieu. Yahvé n'est pas simplement père mais il est aussi tout entier du côté de la vie. La violence elle-même est le moment indispensable de la séparation qui va permettre au fils d'exister à part entière. La conscience écartelée se libère en se hissant au niveau du Dieu Père, qui convertit la violence apparemment absurde en force de vie. Jusqu'ici Abraham s'était construit un Dieu à l'image de l'homme, tout entier soucieux d'exercer sa domination par la violence mortifère. Aujourd'hui, c'est un homme à l'image du Dieu de vie qu'il est chargé de promouvoir.

Le bélier à la place de l'agneau

Au moment même où il entend la voix de Dieu, Abraham découvre un bélier, qui s'est pris les cornes dans un buisson. Comme un éclair, cette soudaine vision déchire le voile qui recouvre encore son esprit. En le regardant, c'est sa toute-puissance sexuelle et paternelle qu'il reconnaît et cette toute-puissance est en train de perturber sa relation avec l'Arbre de vie, figurée par le buisson, et donc avec Yahvé lui-même. C'est elle qui l'amène à détruire la vie et à construire un Dieu à son image : en croyant lui obéir, c'est à une idole qu'il va sacrifier son fils. Immédiatement, il comprend que le bélier est là pour remplacer l'agneau promis à la vie. Il ramène alors le couteau vers lui, délie Isaac et s'en va prendre l'animal, retenu par un buisson, pour l'offrir en holocauste.

L'ouverture à l'humain par le sacrifice de la toute-puissance du père

Abraham sait maintenant que c'est sa propre toute-puissance qu'il sacrifie. Elle empêchait Isaac de vivre parce qu'elle l'enfermait dans une relation de complète dépendance. En voulant se séparer de lui, comme lui intimait Yahvé, de manière un peu confuse il est vrai, le père n'avait d'autre solution que de le détruire. Par contre, en acceptant de sacrifier sa toute-puissance, il libère un espace pour son fils, en libérant l'espace même de Dieu. Le sacrifice reprend ici toute sa force : il ne s'agit plus de sacrifier l'autre promis à la vie, mais de sacrifier, chez soi, ce qui l'empêche de vivre.

La bénédiction de Yahvé

Yahvé souligne le pas important que vient de faire l'humanité, à travers Abraham, en multipliant les bénédictions. La bénédiction est ici la reconnaissance de l'homme effectuée par Dieu. Elle veut souligner que le passage réalisé par Abraham est décisif pour toute sa filiation à venir. Bien plus, il l'est aussi pour chaque homme et pour toute l'humanité. Il acquiert une dimension universelle. Le père doit se séparer de son fils pour lui permettre d'être père à son tour. Et une telle séparation est liée à la reconnaissance de Dieu comme Père de tous les hommes. Il s'agit en effet de se désapproprier de son enfant pour reconnaître qu'il est, en dernier ressort, le fils d'un Autre, qui lui donne son véritable espace de vie. C'est, à ce niveau, liant, dans la séparation, paternité humaine et paternité divine, que semble s'opérer la transmutation de la force de mort, présente dans la violence meurtrière, en énergie qui doit promouvoir et libérer la vie. Ici est mis en évidence l'un des passages essentiels de l'homme, si ce n'est le plus décisif pour l'avenir de toute l'humanité. Il faut se heurter à l'absurde de la violence meurtrière et à l'absurde de la divinité pour pouvoir passer dans cet espace, qui unit et sépare l'homme et Dieu. Selon le texte présenté ici, c'est le véritable espace de l'être humain.

Le retour aux sources de la conscience

Après son passage, Abraham retourne avec ses serviteurs à Bersabée. C'est là où il avait récemment planté un tamaris et invoqué le nom de Yahvé. C'est là aussi où il avait conclu une alliance avec Abimélek, en prêtant serment devant Dieu. Il revient ainsi aux sources de la vie, figurées par un puits et aux sources de la conscience manifestées par le serment. Bersabée devient le lieu de la grande remise en ordre et des fondations de l'humanité. A la base, le patriarche dispose sa nouvelle conception de Dieu. Il l'imaginait comme un dieu guerrier assoiffé de violences et de sacrifices meurtriers. Maintenant, cet Être a perdu les habits de la toute-puissance pour promouvoir la vie elle-même et faire preuve de miséricorde. Il est le passeur de l'homme en le transformant à sa propre image, sous l'effet d'une violence qui sépare et unit, en même temps. L'inscription dans l'être humain d'une telle transmutation, instauratrice de paradoxe, suppose le sacrifice de la toute-puissance du père dans son rapport à son fils et de tout homme dans sa relation à l'autre.

Bénédictions dans le paradis

http://www.islam-paradise.com/paradis_islam.php

 

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