Ma plus belle histoire de Noël
Marine Four qui blogue tous les jours, http://domino-marineslife.blogspot.com/,
m'a donné une idée pour cette période de fêtes
: raconter chacun sa plus belle histoire de Noël.
Je vais vous raconter la mienne :
J'ai trois ans et demi. Il y a donc bien longtemps. Le " Petit Jésus
" vient de m'apporter dans la cheminée une superbe voiture rouge.
Mes frères plus grands, un peu délaissés parce que leur
parrain, plus pauvre que le mien, leur apporte des jouets plus communs, s'acharnent
sur la voiture et, en quelques jours, la laissent dans un piètre état.
Je crie mon désespoir à qui veut bien m'entendre. Mon père
qui passe par là essaie de me consoler et, voyant que c'est inutile,
me propose de laisser ma voiture dans la cheminée, le soir même.
Au cours de la nuit, je dors à peine, épiant tous les bruits
de la maison. A cinq heures du matin, n'y tenant plus, je saute de mon lit,
descends précipitamment les escaliers et me dirige vers la cheminée.
Ô miracle ! La voiture est là, remise à l'état
neuf. Je regarde comment travaille l'artisan du ciel : il a utilisé
un tout petit fil de fer pour raccorder les pièces disjointes. Il travaille
comme mon père ! Ce jour là, pour moi, le ciel et la terre se
sont étrangement rapprochés. Cette histoire restera comme un
des plus beaux souvenirs de mon enfance. Toute ma vie reprenait sens : le
ciel s'intéressait à moi. Et, aujourd'hui, où je ne crois
plus vraiment comme à trois ans et demi, je découvre que mon
père a souvent été dans la ligne de la fête de
Noël.
Pour vous convaincre, je vais vous raconter une histoire plus spectaculaire
encore. Cette fois, j'ai huit ans. Je viens de sortir de l'école, et,
au lieu d'aller au catéchisme, avec quelques camarades, je monte sur
un arbre fruitier, dans un verger voisin, pour y cueillir des cerises. Les
fruits sont si bons que nous oublions le catéchisme. Le curé
s'impatiente, fait sa petite enquête et vient, à grands pas,
nous chasser du paradis. Surpris en plein travail, l'un après l'autre,
nous descendons de l'arbre, dans l'état piteux de ces êtres qui
se sentent coupables d'une faute qu'ils n'ont pas commise. Nous voilà
conduits devant une grande croix en bois sculpté au tournant d'une
route. C'est le lieu du supplice. Comme des pénitents nous devons nous
agenouiller pour offrir nos joues aux gifles de notre curé. Manifestement
le bon prêtre, sans bien s'en rendre compte, perd le sens de la mesure
et, pour faire bon poids, nous impose de recopier cinq cents fois une phrase
dont j'ai oublié le contenu. Le lendemain matin, je suis malade, incapable
de reprendre le chemin de l'école. Mon père, qui a bien saisi
ce qui s'était passé, me dit : " J'ai une petite affiche
à faire pour convoquer à une réunion. C'est toi qui vas
l'écrire ". Et aussitôt, il va chercher son stylo waterman
muni d'une plume en or, avec un réservoir qu'il remplissait à
l'aide d'une pipette. Habituellement, c'était ma mère qui en
avait la garde et malheur à qui se hasarderait à usurper le
pouvoir du père. Maintenant, le père lui-même franchit
l'interdit : je dois utiliser son stylo personnel pour recopier le texte de
l'affiche. Sans critiquer le prêtre, il dénonce ainsi son attitude
insensée et s'efforce de guérir le traumatisme qu'il a provoqué
injustement. Dieu lui-même, si je crois qu'il existe, est en train de
changer de camp, et c'est là que surgit la révélation
de Noël. Il n'est pas dans l'autorité abusive du curé qui
s'est égaré, il est dans l'attention bienveillante du père
qui cherche à faire de son fils un homme véritable. C'est peut-être
là que devrait résider la signification du Père Noël…
Je viens de raconter mon histoire ; à chacun maintenant de rapporter
la sienne.
Etienne Duval, le 26 décembre 2009
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