Whisky, le chien du Bon Dieu
Whisky, le chien du Bon Dieu
Je viens de découvrir que le Bon Dieu a un chien : il s'appelle " Whisky ". Vous pensez qu'il s'agit du fruit de mon imaginaire. Non c'est la pure et simple réalité.
Le compagnon
Elisabeth, une voisine, vient de rentrer d'une maison de repos. Mais une grave maladie la tient encore prisonnière dans son appartement. Bien plus son mari est mort, il y a un peu plus de deux mois. Il avait peur de voir disparaître sa compagne et le sort a voulu qu'il s'en aille sans crier gare, après quelques semaines de clinique. Elisabeth reste seule, mais non pas tout à fait, car elle a, avec elle, le petit Whisky.
Les promenades de Whisky
Avec Maria, une autre voisine, nous nous consultons. Il faut faire quelque chose. Qui va s'occuper des courses et surtout qui va promener le chien ? Vraiment, je ne me vois pas emmener cette petite bête dans la cour intérieure. J'aurais l'air trop ridicule. Ce sera tout mais pas ça. C'est alors qu'en imagination, j'aperçois le mari disparu, qui me fait les gros yeux. Avec le temps, il était devenu un ami. Je ne peux supporter le reproche de l'au-delà : je suis obligé de faire le saut. Oui c'est d'accord, j'accompagnerai Whisky pour une ou deux promenades journalières.
Whisky, grand personnage
Alors, me voilà avec la laisse dans les mains et le petit chien qui trottine derrière moi. Les habitants sont étonnés ; ils reconnaissent l'animal, l'interpelle et lui font des caresses. Malgré sa petite taille, Whisky est un grand personnage, beaucoup plus important que je ne le suis moi-même. Mais quand même sa réputation rejaillit sur moi. Je deviens celui qui l'accompagne dans sa promenade, autrement dit son homme de compagnie. C'est un monde bien étrange que je suis en train de découvrir.
Le tisseur de relations
Dans la cour intérieure où je m'engage, il y a d'autres chiens. On dirait qu'ils se sont donné rendez-vous. Là ils sont les rois et deviennent le centre de toutes les conversations : " Alors, ma petite fille, comme tu es belle !… César a été malade cette nuit, je ne pouvais l'empêcher d'aboyer… " Et puis, de fil en aiguille, chacun passe aux nouvelles de la famille. D'autres relations s'ébauchent entre les propriétaires des petits animaux. Manifestement, sans le vouloir, le chien est un merveilleux passeur. Comme l'araignée qui tisse sa toile, il tisse des liens entre les habitants, quelle que soit leur condition sociale. Grâce à Whisky, je donne des nouvelles d'Elisabeth. Elle sort de l'anonymat et trouve une place nouvelle et un peu privilégiée dans la communauté des habitants que les chiens, avec d'autres, et en particulier les enfants, contribuent à construire.
L'odeur du paradis
C'est drôle comme quoi Whisky m'interpelle sur les questions les plus
fondamentales. On dirait qu'il connaît la voie des humains au point de
devenir leur guide dans les situations difficiles. Il peut être le guide
des aveugles que nous sommes. Il paraît que, depuis très, très
longtemps, Dieu Lui-même a confié au chien le soin d'emmener les
hommes jusqu'au paradis. C'est en tout cas, ce que nous révèle
un conte mauritanien.
"L'ancêtre du chien avait manifesté à l'homme, son
maître, une grande fidélité. Il lui gardait sa maison, son
troupeau, il l'accompagnait partout et ne lui coûtait presque rien, car,
pour sa nourriture, le chien se contentait des restes de son maître. L'homme
l'aimait beaucoup et l'avait pris comme son compagnon de tous les jours. Toute
leur vie, ils avaient vécu ensemble sans aucun problème.
Dieu fut tellement ému et content de cette amitié que le jour
de leur mort, car ils étaient morts le même jour, Il décida
de leur donner la plus grande des récompenses : le Paradis.
L'homme et son chien, très contents, prennent donc la direction du Paradis
; l'homme devant, le chien derrière. Quand ils arrivent à la porte,
l'homme entre, avance un moment puis se retourne pour regarder son chien. Il
le voit debout devant la porte, la tête dedans et le reste du corps dehors.
Il l'appelle lui demandant de se dépêcher pour entrer, le chien
répond :
- " Il me suffit de respirer l'odeur du paradis ". Et il se dépêche
de rebrousser chemin…
http://www.conte-moi.net/contes/chien-et-ses-compagnons
Et depuis, il se laisse toujours guidé par cette odeur exquise venue
d'on ne sait où, qui, depuis les temps les plus anciens, ne l'a jamais
quitté.
Du flair du chien au flair de l'homme
Personnellement, je pense qu'avec son flair, le chien a un sens que nous avons
perdu. Il ne se laisse pas conduire par les méandres du raisonnement,
il va droit au but, " au bout de son désir ", passant, grâce
à son instinct, de l'inconscient au conscient, de l'invisible au visible
ou du visible à l'invisible. Naturellement plein de compassion pour les
hommes, il nous enseigne que l'attention à l'autre est le moyen privilégié
pour se trouver soi-même et que la fidélité est une vertu
majeure pour la vie en société. Sans même le vouloir, il
nous invite à sortir de notre cécité, à passer du
flair du chien au flair de l'homme, guidés par le souvenir enfoui d'un
amour indicible qui nous précède.
Etienne Duval