Cafés philosophiques interculturels de
Formidec
Saison 2012-2013
Le clip, place Gabriel Péri, près du café philosophique
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Troisième samedi du mois à 15 heures
Centre social, 5, rue Bonnefoi
(Lyon 3è, à 150 mètres du métro Guillotière )
Prendre la rue Paul Bert : la rue Bonnefoi est la seconde à droite
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Programme du café philosophique 2012-2013
Nous aborderons l'étude du bouddhisme en parcourant le Lankâvatâra sûtra, proposé par le lama Tsultrim Gvamtso. Nous prendrons d'abord les 8 premiers chapitres et nous terminerons par le chapitre XIII consacré au nirvana :
1. La discrimination
2. Fausses imaginations, connaissances des apparences
3. Connaissance correcte ou connaissance des relations
4. Parfaite connaissance ou connaissance de la réalité
5. Le système mental
6. L'intelligence transcendantale
7. L'auto-réalisation
8. L'accession à l'auto-réalisation
13. Le nirvâna
Intégralité du Lankâvatâra sûtra
Dictionnaire des termes bouddhiques
Café philosophique interculturel de Formidec
Samedi 20 octobre 2012 à 15 heures
Centre social, 5, rue Bonnefoi
(Lyon 3è, à 150 mètres du métro Guillotière)
Prendre la rue Paul Bert : la rue Bonnefoi est la seconde à droite
Pagodes anciennes
Lankavâtara Sûtra
Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse
Transmission par le Lama Tsultrim Gyamtso
Hautes-Alpes
Le Jardin de Grande Compassion Les Blancs - Chantaussel, 05500 Saint-Julien
en Champsaur Tel 04 92 50 76 29 - http://thouktchenling.free.fr - E-mail thouktchenling@free.fr
Autorité spirituelle : Sa Sainteté Le Gyalwa Karmapa et le Vénérable
Guèndun Rinpoché Lama responsable : Lama Tsultrim Gyamtso
I. Introduction par Daisetz Teitaro Suzuki
Ce sûtra, selon la tradition, a été transmis
par Bodhidharma à son plus grand disciple Huike et contient l'essentiel
de la doctrine zen. Depuis, il a surtout été étudié
par les philosophes du Zen. Mais, comme il est rempli de termes techniques
difficiles et que le style en est quelque peu rugueux, ce sûtra n'a
pas reçu le même succès populaire que d'autres soutras
du Mahâyana tels que le Pundarika, le Vimalakirti ou le Vajracchedika
[Diamant].
Le personnage principal y est un Bodhisattva du nom de Mahâmati ; divers
sujets de spéculation philosophique sont abordés sur un fond
profondément religieux. Le point le plus intéressant pour le
lecteur est l'étude de svapratyatmagati, c'est-à-dire de la
réalisation intérieure de la plus haute vérité.
Explication de quelques termes
Il n'est peut-être pas inutile d'expliquer ici quelques-uns des termes
qui reviennent constamment dans le texte : " naissance et mort "
(sanskrit : samsara) se trouve toujours en contraste avec " Nirvâna
". Nirvâna est la plus haute vérité et la norme de
l'existence alors que la naissance et la mort s'appliquent à un monde
de particularités soumis au karma et à la loi de causalité.
Tant que nous sommes dépendants du Karma, nous passons d'une naissance
à l'autre et souffrons de tous les maux nécessairement inhérents
à ce genre de vie, bien que ce soit une forme d'immortalité.
Ce que les bouddhistes recherchent, c'est autre chose. "Mental Cosmique
" (cittamatra) est un terme difficile. Il signifie mental absolu, à
distinguer d'un mental empirique pouvant être l'objet d'une étude
psychologique. Commençant par une majuscule, il s'applique à
la réalité ultime sur laquelle s'appuie l'univers entier des
objets individuels pour en tirer sa valeur. Réaliser cette vérité,
tel est l'objectif de la vie bouddhiste.
Le monde est une illusion et ce qui existe
vraiment, c'est le Mental
L'expression " ce que l'on voit du Mental Cosmique ", désigne
ce monde visible, y compris ce que l'on appelle communément le mental.
Dans notre expérience ordinaire du monde, nous considérons celui-ci
comme une chose ayant sa " nature propre ", c'est-à-dire
une chose qui existe par elle-même. Mais une intuition plus profonde
nous dit qu'il n'est rien, que le monde est une illusion et que ce qui existe
réellement, c'est le Mental qui, par le fait qu'il est absolu, est
sans second. Tout ce que nous voyons, entendons, tout ce que nous considérons
comme objets des vijñanas (consciences) sont des événements
qui naissent et disparaissent dans le Mental Cosmique.
Le mental absolu appelé Dharma de Solitude
Ce Mental Absolu est également appelé, dans le Lankavatâra,
le Dharma de Solitude (vivikta-dharma) parce qu'il existe par lui-même.
Cela signifie aussi qu'il est le Dharma absolument tranquille. Il n'y a, dans
ce Dharma de Solitude, aucune "discrimination", ce qui veut dire
que la discrimination règne de ce côté-ci de l'existence,
côté de multiplicités et de causalité. Bien plus,
sans cette discrimination, il n'y a pas de monde possible.
La conscience-magasin s'éveille tout
d'un coup
La discrimination provient de " l'énergie de l'habitude "*
de la " mémoire " qui demeure latente dans l'alayavijñana,
conscience-magasin où tout est conservé. Cette conscience n'a
pas, à elle seule, le pouvoir d'agir. Elle est entièrement passive
et reste au repos jusqu'à ce qu'une opération spécifique
vienne l'activer. L'apparition de cette opération est un grand mystère
devant lequel l'intellect est impuissant ; c'est un phénomène
qu'il faut accepter simplement, sans chercher davantage. Selon Asvagosha,
elle s'éveille " tout d'un coup".
Comprendre cette opération subite est la fonction de la " noble
sagesse " (aryajñana), mais, en tant qu'expérience, l'éveil
subit de la discrimination ne recouvre aucune signification. Le fait est simplement
qu'elle est éveillée, rien de plus ; ce n'est pas une expression
cherchant à désigner quelque chose d'autre. L'Alayavijñana
ou cette conscience de conservation, considérée comme un magasin-entrepôt,
ou mieux, comme une matrice créatrice dont tous les Tathagatas proviennent
est appelée "Tathagatagarbha". Garbha est la matrice.
Le retournement ou la révolution
Normalement, notre appareil cognitif est fait pour fonctionner à l'extérieur,
dans un monde de relativité et c'est pour cette raison que nous sommes
profondément intégrés en lui que nous ne réalisons
pas que nous sommes tous intrinsèque ment libres ; pour finir, nous
sommes gênés de tous les côtés. Pour nous sortir
de cette situation, il nous faut effectuer au fond de notre conscience ce
que l'on peut appeler, sur le plan psychologique, un " retournement "
ou une " révolution ". Cependant, il ne s'agit pas d'un simple
événement psychologique empirique que l'on puisse expliquer
en termes de conscience. Ce processus surgit dans les zones les plus profondes
de notre être. Le terme sanskrit pour l'exprimer est paravrittasraya.
une expression qu'utilise aussi Thich Nhat Hanh.
II. Chapitre I. La discrimination
…Tout ce qu'on voit dans le monde est privé d'effort et d'action parce que toutes choses dans le monde sont comme un rêve, ou comme une image miraculeusement projetée. Ceci n'est pas compris par les philosophes et par les ignorants, mais par ceux qui les voient vraiment.
L'image réfléchie dans un
miroir
Ceux qui voient les choses autrement marchent dans la discrimination et, comme
ils dépendent de la discrimination, ils s'accrochent au dualisme. Le
monde, tel qu'il est vu par la discrimination est comme de voir sa propre
image réfléchie dans un miroir, ou sa propre ombre, ou la lune
réfléchie dans l'eau, ou un écho entendu dans la vallée.
Les gens, en s'attachant à leurs propres ombres de discrimination,
s'attachent à cette chose-ci et à cette chose-là et,
en n'arrivant pas à quitter le dualisme, ils continuent pour toujours
à discriminer et n'atteignent ainsi jamais la tranquillité.
Par tranquillité, on veut dire l'Unité, et l'Unité donne
naissance au samadhi le plus élevé qu'on gagne en entrant dans
le royaume de la Noble Sagesse qui n'est réalisable qu'à l'intérieur
de sa propre conscience la plus profonde".
Les ignorants s'attachent à la multiplicité
des objets extérieurs
… "Mahâmati, vu que les ignorants et les simples d'esprit,
ne sachant pas que le monde est seulement vu par l'esprit lui-même,
s'attachent à la multiplicité des objets extérieurs,
s'attachent aux notions d'être et de non-être, d'homogénéité
et d'hétérogénéité, de dualité et
de non-dualité, d'existence et de non-existence, d'éternité
et de non-éternité, et pensent qu'ils ont une existence propre,
le tout provenant des discriminations de l'esprit et étant perpétué
par l'énergie de l'habitude, ce qui les amène à de fausses
imaginations. C'est tout comme un mirage dans lequel des sources d'eau sont
vues comme si elles étaient réelles. Elles sont ainsi imaginées
par les animaux qui, assoiffés par la chaleur de la saison, se ruent
sur elles. Les animaux, ne sachant pas que ces sources sont une hallucination
de leur propre esprit, ne se rendent pas compte qu'elles n'existent pas. De
la même façon, Mahâmati, les ignorants et les simples d'esprit,
leur esprit brûlant du feu de l'avidité, de la colère
et de la folie, trouvant du plaisir dans un monde aux formes multiples, leur
pensées obsédées par les idées de naissance, de
croissance et de destruction, ne comprenant pas bien ce que signifie l'existence
et la non-existence, et impressionnés par les discriminations erronées
et les spéculations sans commencement ni fin, tombent dans l'habitude
de saisir ceci et cela et s'y attachent en conséquence.
Comme un miroir ou l'écho du vent
… C'est comme un miroir qui réfléchit couleurs et images
telles que déterminées par les conditions, mais sans partialité.
C'est comme l'écho du vent qui rend le son de la voix humaine. C'est
comme un mirage d'eau mouvante qu'on voit dans un désert. De la même
manière l'esprit discriminant de l'ignorant qui a été
échauffé par de fausses imaginations et spéculations
est-il agité en vagues semblables au mirage par les vents de la naissance,
de la croissance et de la destruction.
L'accumulation du karma
…les ignorants s'attachent aux noms, aux signes et aux idées;
comme leur esprit se meut au long de ces canaux, il se nourrissent d'un multiplicité
d'objets et tombent dans la notion d'âme dotée d'une existence
propre et dans ce qui lui appartient; ils discriminent entre le bien et le
mal parmi les apparences et s'attachent à ce qui est agréable.
Comme ils s'attachent ainsi, il se produit une réversion de l'ignorance,
et le karma issu de l'avidité, de la colère et de la folie s'accumule.
Comme l'accumulation du karma se poursuit, ils sont emprisonnés dans
un cocon de discrimination et sont en conséquence incapables de se
libérer du cycle de la naissance et de la mort.
Les ignorants se meuvent avec le flot des
apparences
A cause de la folie, ils ne comprennent pas que toutes choses sont de la nature
de maya, comme le reflet de la lune dans l'eau, qu'il n'existe pas de substance
du soi qu'on puisse imaginer comme une âme-âme dotée d'une
existence propre et ses propriétés, et que toutes leurs idées
définitives proviennent de leurs fausses discriminations de ce qui
n'existe que parce que c'est vu par l'esprit lui-même. Ils ne se rendent
pas compte que les choses n'ont rien à voir avec le qualifié
et le qualifiant, ni avec le cycle de la mort, de la durée et de la
destruction, et au contraire, ils assurent qu'ils sont nés d'un créateur,
du temps, des atomes, de quelque esprit céleste. C'est parce que les
ignorants s'adonnent à la discrimination qu'ils se meuvent avec le
flot des apparences, mais il n'en va pas ainsi des sages
Il épousa la vacuité
Dans une certaine ville, une très belle femme apparut
soudain comme venant de nulle part. Personne ne savait d'où elle venait
; ses origines étaient complètement inconnues. Mais elle était
si belle, si enchanteresse que personne ne se posa même la question.
Les gens se rassemblèrent, toute la ville se réunit et tous
les jeunes hommes - ils étaient presque trois cents - voulurent épouser
cette femme. La femme dit : " Regardez, je suis seule et vous êtes
trois cents. Je ne puis épouser que l'un de vous, alors faites une
chose. Je reviendrai demain ; je vous donne vingt-quatre heures. Si l'un de
vous parvient à répéter le Sutra du Lotus de Bouddha,
je l'épouserai. " Tous les jeunes gens se précipitèrent
chez eux ; ils ne purent ni manger ni dormir, toute la nuit ils récitèrent
le sutra, ils essayèrent de l'apprendre par coeur. Dix réussirent.
Le lendemain matin, la femme vint et ces dix personnes proposèrent
de le réciter. La femme écouta. Ils avaient réussi. Elle
dit : "C'est bien, mais je suis seule. Comment pourrais-je épouser
dix personnes ? Je vous donne encore vingt-quatre heures. J'épouserai
celui qui pourra également expliquer le sens du Sutra du Lotus. Essayez
donc de le comprendre - car réciter c'est quelque chose de facile,
c'est répéter mécaniquement quelque chose dont vous ne
comprenez pas le sens. " Le temps était fort court - une nuit
seulement ! Et le sutra du Lotus est long. Mais quand on est amoureux on peut
faire n'importe quoi. Ils repartirent en hâte et firent de leur mieux.
Le jour suivant, trois personnes se présentèrent. Ils en avaient
compris le sens. Et la femme dit : " La difficulté subsiste encore.
Votre nombre est réduit, mais cela reste difficile. De trois cents
à trois c'est un grand progrès ; mais de nouveau, je ne peux
pas épouser trois personnes - je ne peux me marier qu'avec un seul.
Il faut donc encore vingt-quatre heures… J'épouserai celui qui
non seulement aura compris le sens du sutra, mais qui l'aura également
goûté. Alors essayez d'en goûter le sens pendant ces vingt-quatre
heures. Vous l'expliquez, mais cette explication est intellectuelle. Bien,
c'est mieux qu'hier - vous en avez une certaine compréhension - mais
la compréhension est intellectuelle. J'aimerais y trouver un certain
goût méditatif, un certain parfum. Je voudrais que le lotus pénètre
votre présence, que vous deveniez un peu ce lotus. Je voudrais en respirer
le parfum. Revenez donc demain. " Un seul revint, il avait réussi.
La femme le conduisit à sa maison, hors de la ville. L'homme n'avait
jamais vu cette maison ; elle était très belle, c'était
presque un pays de rêve. Et les parents de la femme se tenaient à
l'entrée. Ils reçurent le jeune homme et lui dirent : "
Nous sommes très heureux. " La femme entra dans la maison, et
l'homme bavarda un peu avec les parents. Puis les parents dirent : "
Allez-y. Elle doit vous attendre. Voici sa chambre. " Ils la lui montrèrent.
Il alla ouvrir la porte, mais il n'y avait personne. La chambre était
vide. Une porte donnait sur le jardin. Il regarda - peut-être était-elle
allée au jardin. Oui, elle avait dû s'y rendre, car il y avait
des traces de pas sur le chemin. Il suivit donc ces traces. Il marcha presque
un kilomètre. Il arriva au bout du jardin et se trouva sur la rive
d'une belle rivière - mais la femme n'était pas là. Les
traces avaient disparu. Il ne restait que deux chaussures dorées qui
lui appartenaient. Alors, il fut dérouté. Que s'était-il
donc passé ? Il regarda derrière lui - il n'y avait ni jardin,
ni maison, ni parents, rien. Tout avait disparu. Il regarda à nouveau.
Les chaussures n'étaient plus là, la rivière avait disparu.
Il n'y avait que le vide - et un grand rire. Il se mit aussi à rire.
Il se maria. C'est une belle histoire bouddhiste. Il épousa le vide,
il épousa la vacuité. C'est le mariage que tous les grands saints
ont recherché. C'est l'instant où vous devenez " la fiancée
du Christ ", ou la gopi de krishna. Mais tout disparaît - le chemin,
le jardin, la maison, la femme, même les traces de pas. Tout disparaît.
Il n'y a plus qu'un rire, un rire qui jaillit des entrailles de l'univers.
Histoire tirée du livre "Autobiographie d'un mystique spirituellement
incorrect" d'OSHO
Café philosophique
interculturel de Formidec
Samedi 17 novembre 2012 à 15 heures
Centre social, 5, rue Bonnefoi
(Lyon 3è, à 150 mètres du métro
Guillotière)
Prendre la rue Paul Bert : la rue Bonnefoi est la seconde à
droite
Statue de Bouddha, couleur or
Lankavâtara Sûtra
Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse
Chapitre II Fausses imaginations et connaissance
des apparences
...L'assertion de vues philosophiques à propos des éléments qui constituent la personnalité et son monde environnant qui sont non-existants, suppose l'existence d'une existence propre, d'un être, d'une âme, d'un être vivant, d'un "nourrisseur" ou d'un esprit.
Des assertions et des négations
fondées sur les mots et la logique
Ceci est un exemple de vues philosophiques qui ne sont pas vraies.
C'est cette combinaison de la discrimination des marques imaginaires
de l'individualité, de leur regroupement, et de leur
avoir donné un nom et de s'y être attachés
comme à des objets, en raison de l'énergie de
l'habitude qui s'est accumulée depuis des temps immémoriaux,
qu'on se construit des vues erronées dont la seule base
consiste en des imaginations fausses. C'est pour cette raison
que les Bodhisattvas devraient éviter toute discussion
à propos des assertions et des négations fondées
uniquement sur les mots et la logique.
La validité des choses
est indépendante de la validité des mots
…Les mots sont des créations artificielles; il y
a des terres de Bouddha où il n'y a pas de mots. Dans
certaines terres de Bouddha, les idées sont indiquées
par un regard constant, dans d'autres par des gestes, et dans
d'autres encore par un froncement de sourcils, par un mouvement
des yeux, par un rire, par un bâillement, par un éclaircissement
de la gorge ou par un tremblement. Par exemple, dans la terre
de Bouddha du Tathagata Samantabhadra, les Bodhisattvas, grâce
à un dhyâna transcendant les mots et les idées,
arrivent à reconnaître toutes choses comme étant
non-nées, et ils font également l'expérience
de divers très excellents Samadhis qui transcendent les
mots. Même en ce monde, des êtres aussi spécialisés
que les fourmis ou les abeilles poursuivent très bien
leurs activités sans avoir recours à des mots.
Non, Mahâmati, la validité des choses est indépendante
de la validité des mots.
Les mots et les choses produits
par la loi de la causalité ne peuvent exprimer la réalité
ultime
…Les mots et les phrases sont produits par la loi de causalité
et se conditionnent mutuellement, ils ne peuvent pas exprimer
la Réalité ultime. Qui plus est, dans la Réalité
ultime, il n'y a pas de différentiations entre lesquelles
discriminer, et il n'y a rien à affirmer à leur
sujet. La Réalité ultime est un état de
béatitude exalté, ce n'est pas un état
de discrimination de mots et on ne peut pas y entrer simplement
avec des postulats la concernant. Les Tathagatas ont de meilleures
façons d'enseigner, en particulier grâce à
l'auto-réalisation de la Noble Sagesse.
Les six éléments
de la causalité
…On peut diviser la causalité en six éléments:
la cause-indifférence, la cause dépendante, la
cause-possibilité, la cause agente, la cause objective,
la cause manifestante. La cause-indifférence signifie
que s'il n'y a pas de discrimination à l'oeuvre, il n'y
a pas de pouvoir de combinaison à l'oeuvre, et donc pas
de combinaison en jeu, ou qu'il y a dissolution de combinaison
présente. La cause dépendante signifie que les
éléments doivent être présents. La
cause-possibilité signifie que pour qu'une cause devienne
effective, il doit y avoir un concours approprié de conditions
autant internes qu'externes. La cause agente signifie qu'il
doit y avoir un principe investi d'une autorité suprême
comme un roi souverain qui est présent et qui s'impose.
La cause objective signifie que pour faire partie du monde objectif,
le système mental doit être existant et doit poursuivre
son activité permanente. La cause manifestante signifie
que lorsque la faculté discriminante du système
mental s'affaire, les marques individuelles sont révélées
à la manière dont la lumière de la lampe
révèle les formes.
Une vision dualiste
… Tant que les gens ne comprennent pas la véritable
nature du monde objectif, ils tombent dans une vision dualiste.
Ils imaginent que les multiples objets extérieurs sont
réels et s'y attachent, et sont nourris par l'énergie
de leur habitude.
Les fausses imaginations
prennent leur origine dans la considération des apparences
… Les fausses-imaginations prennent leur origine dans la
considération des apparences; les choses sont discriminées
selon la forme, les signes et la façon; selon qu'elles
ont couleur, chaleur, humidité, mobilité ou rigidité.
La fausse imagination consiste à s'attacher à
ces apparences et à leurs noms. Par attachement aux objets
on entend le fait de s'attacher aux choses intérieures
et extérieures comme si elles étaient réelles.
Par attachement aux noms on entend le fait de reconnaître
dans ces choses intérieures et extérieures les
marques caractéristiques de l'individuation et de la
généralité, et à les considérer
comme appartenant absolument aux noms des objets. La fausse
imagination enseigne que, puisque toutes choses sont liées
aux causes et conditions de l'énergie de l'habitude qui
s'accumule depuis des temps immémoriaux, du fait de ne
pas reconnaître que le monde extérieur est le fait
de l'esprit lui-même, toutes choses peuvent se comprendre
sous les aspects de l'individualité et de la généralité.
En vertu de cet attachement à ces fausses-imaginations,
il y a une multitude d'apparences qui sont imaginées
comme étant réelles mais qui ne sont qu'imaginaires.
En essence, les choses ne
sont pas deux mais une
…La fausse imagination enseigne que des choses telles que
la lumière et l'ombre, longue et courte, noire et blanche
sont différentes et doivent être discriminées;
mais elles ne sont pas indépendantes l'une de l'autre;
elles ne sont que différents aspects de la même
chose, ce sont des termes de relation et pas de réalité.
Les conditions d'existence ne sont pas de caractère mutuellement
exclusif ; en essence, les choses ne sont pas deux mais une.
Même le Nirvâna et le monde de vie et de mort du
Samsara sont des aspects de la même chose, car il n'y
a pas de Nirvâna sauf là où il y a Samsara,
et pas de Samsara sauf là où il y a Nirvâna.
Toute dualité est faussement imaginée.
Les Démons dans le Désert
On doit toujours avoir assez de sagesse pour ne
pas se faire avoir par les mensonges et les fausses apparences
Par Fondation bouddhiste Vihara Lemanique
Cette histoire se déroule il y a très longtemps.
C'est l'histoire de deux marchands, deux très bons amis.
Tous les deux se préparaient à partir en voyage
d'affaires afin de vendre leurs marchandises et décidèrent
de voyager ensemble. Comme ils avaient chacun 500 chariots et
qu'ils allaient au même endroit par la même route,
ils savaient qu'il y aurait trop de monde en même temps
sur cette route.
Le premier décida qu'il valait mieux partir en premier.
Il se dit : " Comme je serai le premier à partir,
la route sera en bonne état, mes chevaux mangeront toute
l'herbe qu'ils veulent, nous trouverons les meilleurs fruits
et les meilleurs légumes, mes compagnons de voyage seront
tous très contents et, une fois le voyage terminé,
je pourrai gagner beaucoup d'argent en négociant et en
vendant ma marchandise au meilleur prix. "
Le deuxième marchand réfléchit longuement
et réalisa qu'il y a beaucoup d'avantages à partir
le deuxième. Il se dit : " Comme mon ami part le
premier, nous n'aurons pas à dégager la route,
mes chevaux mangeront de la nouvelle herbe bien tendre, nous
cueillerons les fruits et les légumes nouveaux et nous
nous régalerons. Mon ami aura déjà négocié
le prix de la marchandise et je n'aurai plus qu'à faire
des profits. " Ainsi, il décida de laisser partir
son ami en premier. Le premier marchand était tout heureux
car il était convaincu qu'il avait réussi à
avoir son ami - ainsi le lendemain, il partit le premier.
Le premier marchand et ses compagnons de voyage arrivèrent
à un endroit appelé le " Désert sans
eau " qui, selon les gens qui habitaient la région,
était hanté par des fantômes et des démons.
Une fois arrivés au milieu de ce désert, nos amis
rencontrèrent une autre caravane venant en sens inverse.
Les chariots de cette caravane étaient couverts de boue
et de gouttes d'eau. Ils étaient chargés de lotus
et de plantes aquatiques. Le guide de cette mystérieuse
caravane s'adressa alors au marchand : " Pourquoi transportez-vous
tous ces tonneaux d'eaux si lourds ? Dans peu de temps, vous
arriverez à l'oasis que l'on voit là-bas à
l'horizon et vous y trouverez de l'eau et de quoi manger. Vos
chevaux ont l'air si fatigués de tirer tous ces chariots
avec tous ces tonneaux. Alors renversez toute cette eau inutile
et ayez pitié de vos pauvres animaux essoufflés.
Et bien que les gens de la région les avaient prévenus,
le marchand ne voyait pas que ces personnes n'étaient
pas des humains mais les fameux démons déguisés
en voyageurs et qui cherchaient à les dévorer.
Mais comme c'était un homme qui aimait faire confiance
aux autres, notre marchand décida de suivre leurs conseils
et de vider tous ses tonneaux.
Continuant leur chemin, nos amis n'arrivèrent pas à
trouver l'oasis, ni d'ailleurs la moindre goutte d'eau. Certains
d'entre eux finirent par comprendre qu'on leurs avait menti
et que ces voyageurs étaient sûrement les fameux
démons dont les habitants de la région avaient
parlé et ils commencèrent à accuser le
marchand de s'être fait avoir. A la fin de la journée,
tous nos étaient extrêmement fatigués. Les
chevaux, qui n'avaient rien bu depuis si longtemps, n'arrivent
même pus à tirer les chariots. Les hommes aussi
bien que les animaux s'arrêtent et finirent par s'allonger
et s'endormirent. Mais au milieu de la nuit, les démons,
qui avaient repris leur apparence terrifiante, vinrent et attaquèrent
nos pauvres amis sans défense. Et au petit matin, il
ne restait plus que des chariots vides et des os dispersés
à gauche et à droite. Pas un seul survivant.
Quelques mois plus tard, le deuxième marchand commença
son voyage sur la même route. Arrivant devant le même
désert, il rassembla ses compagnons de voyage et leurs
donna ce conseil : " Mes amis, nous sommes arrivés
dans une région très dangereuse. Les gens d'ici
l'appellent le " Désert sans eau " et on raconte
qu'il est hanté par des fantômes et des démons.
Alors faîtes très attention. " Alors tous
ensemble, ils continuèrent leur voyage et traversèrent
le désert.
Arrivés à la moitié du chemin, ils rencontrèrent
eux aussi la mystérieuse caravane remplie de lotis et
de plantes aquatiques, les fameux démons déguisés
en voyageurs. Ces étranges voyageurs leur expliquèrent
à eux aussi qu'il y avait tout près une oasis
avec de quoi boire et de quoi manger. Mais le deuxième
marchand se méfia. Comment pouvait-il y avoir une oasis
dans une région appelée le " Désert
sans eau ". Et d'ailleurs, ces voyageurs avaient l'air
étrange avec leurs yeux rouge sang. C'est pourquoi le
marchand décida de continuer sa route tout en gardant
ses tonneaux remplis d'eau. Il se contenta juste de dire aux
étrangers : " Nous sommes des marchants. Nous ne
jetons rien. Ni même de l'eau. "
Voyant que ses propres compagnons de voyage ne comprenaient
pas pourquoi il ne voulait pas écouter les conseils de
ces voyageurs, le marchand leur expliqua : " Ne les écoutez
pas. Gardons cette eau avant d'être sûr de trouver
l'oasis. D'ailleurs cette oasis qu'ils nous montrent à
l'horizon n'est peut-être qu'une illusion, un mirage.
Avez-vous déjà entendu parlé d'un *Désert
sans eau " avec une oasis ? Si nous jetons toute notre
eau, peut-être qu'après nous n'en aurons pas pour
boire et préparer à manger - nous serons alors
affamés et assoiffés - ce sera alors facile aux
fantômes et aux démons de nous attaquer et de nous
dévorer ! C'est pourquoi vous ne devez pas gaspiller
la moindre goutte d'eau avant d'en trouver ! "
La caravane continua alors de traverser le désert et,
à la nuit tombée, nos amis arrivèrent à
l'endroit où la première caravane avait été
attaquée par les démons. Là, il ne restait
que des chariots vides et des os dispersés à gauche
et à droite. Le marchand et ses amis décidèrent
de passer la nuit à cet endroit et de monter la garde
chacun son tour.
Le lendemain matin, après avoir pris le petit-déjeuner
et avoir nourri les chevaux, nos amis chargèrent dans
leurs chariots ce qui restait de la première caravane
et en fin de journée, ils terminèrent leur voyage.
Après avoir tout vendu, chacun rentra chez lui et retrouva
sa famille.
Moralité : On doit toujours avoir assez de sagesse pour
ne pas se faire avoir par les mensonges et les fausses apparences.
Fondation bouddhiste Vihara Lemanique
Grande Rue 8 - 1110 Morges Suisse
Tél : +41 21-802 42 64 - Fax : +41 21-802 42 74
Café philosophique
interculturel de Formidec
Samedi 15 décembre 2012 à 15 heures
Centre social, 5, rue Bonnefoi
(Lyon 3è, à 150 mètres du métro
Guillotière)
Prendre la rue Paul Bert : la rue Bonnefoi est la seconde à
droite
Buste de Bouddha au dojo de Nuits Saint-Georges
Lankavâtara Sûtra
Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse
Chapitre III Connaissance correcte ou Connaissance
des Relations
Alors Mahâmati dit: Je vous en prie, parlez-nous, ô Béni du Ciel, de l'être et du non-être de toutes choses.
La dépendance de la
notion de l'être ou du non-être
Le Béni du Ciel répondit: Les gens de ce monde
dépendent dans leur pensée de l'une de deux choses
: de la notion de l'être par laquelle ils prennent plaisir
au réalisme, ou de la notion de non-être par laquelle
ils prennent plaisir au nihilisme; dans chacun de ces cas, ils
imaginent une émancipation là où il n'y
a pas d'émancipation. Ceux qui dépendent des notions
de l'être, considèrent que le monde tire son origine
d'une causalité qui existerait réellement, et
que ce monde qui existerait et deviendrait réellement
ne tire pas son origine d'une causalité qui est non-existante.
Ceci est la vue réaliste que soutiennent certaines personnes.
Ensuite il y a d'autres gens qui dépendent de notion
de non-être de toutes choses. Ces gens admettent l'existence
de l'avidité, de la colère et de la bêtise,
et en même temps ils nient l'existence de choses qui produisent
l'avidité, la colère et la bêtise. Ceci
n'est pas rationnel, car l'avidité, la colère
et la bêtise ne doivent plus être tenues pour réelles;
elles n'ont ni substance ni marques individuelles. Là
où il y a un état d'asservissement, il y a des
liens et des moyens pour lier ; mais là où il
y a émancipation, comme dans le cas des Bouddhas, des
Bodhisattvas, des maîtres et des disciples, qui ont cessé
de croire et à l'être et au non-être, il
n'y a ni asservissement, ni liens, ni moyens pour lier. Il vaut
mieux chérir la notion d'une substance de l'existence
propre que d'entretenir la notion d'une vacuité dérivée
de la vue de l'être et du non-être, car ceux qui
croient cela échouent à comprendre le fait fondamental
que le monde extérieur n'est rien qu'une manifestation
de l'esprit. Comme ils voient que les choses sont transitoires,
provenant d'une cause et disparaissant en vertu d'une cause,
parfois se divisant, parfois se combinant dans les éléments
qui constituent les agrégats de la personnalité
et son monde extérieur et parfois disparaissant, ils
sont condamnés à souffrir à chaque instant
des changements qui se suivent, l'un après l'autre, et
sont finalement condamnés à la ruine.
La vacuité
Alors Mahâmati interrogea le Béni du Ciel, en disant:
Dites-nous, ô Béni du Ciel, comment toutes choses
peuvent être vides, non-nées, et ne pas avoir de
nature propre, que nous puissions être éveillés
et réaliser rapidement l'Eveil supérieur?
Le Béni du Ciel répondit: Qu'est-ce que la vacuité,
effectivement! C'est là un terme dont la nature propre
est elle-même une fausse-imagination, mais à cause
de l'attachement de chacun à cette fausse-imagination,
nous sommes obligés de parler de la vacuité, de
la non-naissance, et de l'absence de nature propre. Il y a sept
sortes de vacuité: la vacuité de mutualité
qui est non-existante; la vacuité des marques individuelles;
la vacuité de la nature propre; la vacuité du
non-travail, la vacuité du travail; la vacuité
de toutes choses au sens où ils sont imprédictibles,
et la vacuité dans son sens le plus élevé
de Réalité ultime.
Par la vacuité de mutualité qui est non-existante
on entend que lorsqu'une chose manque ici, on en parle comme
étant vides ici. Par exemple: dans la salle de conférences
de Mrigarama il n'y a pas d'éléphants présents,
ni de taureaux, ni de moutons; mais pour ce qui est des moines,
il y en a beaucoup de présents. Nous pouvons correctement
parler de la salle comme étant vide dans la mesure où
il s'agit d'animaux. On ne dit pas que la salle est vide de
ses propres caractéristiques, ou que les moines sont
vides de ce qui fait leur état de moine, ni qu'à
d'autres endroits, il n'y a pas d'éléphants, de
taureaux, ni de moutons. Dans ce cas nous parlons de choses
sous leur aspect de l'individualité et la généralité,
mais du point de vue de la mutualité certaines choses
n'existent pas quelque part. Ceci est la forme la plus basse
de la vacuité et elle doit être scrupuleusement
écartée.
Par la vacuité des marques individuelles on entend que
toutes choses n'ont aucunes marques distinctives d'individualité
et de généralité. A cause des relations
et interactions mutuelles, les choses sont superficiellement
discriminées mais quand elles sont examinées et
analysées plus avant et avec plus de soins, elles s'avèrent
non-existantes et rien ne peut en être prédiqué
selon l'individualité et la généralité.
Donc quand les marques individuelles ne se peuvent plus voir,
les idées de soi, d'altérité et de dualité,
ne tiennent plus.
Il faut donc dire que toutes choses sont vides de marques du
soi. Par vacuité de la nature propre on entend que toutes
choses dans leur nature propre sont non-nées; c'est pourquoi
l'on dit que les choses sont vides de nature propre. Par la
vacuité de non-travail on entend que l'agrégat
d'éléments qui constitue la personnalité
et son monde extérieur est le Nirvâna lui-même
et depuis le début il n'y a pas d'activité en
eux; en conséquence de quoi, on parle de la vacuité
de non-travail. Par la vacuité du travail on entend que
les agrégats, étant dépourvus d'une existence
propre et de ses accessoires, continuent de fonctionner automatiquement
car il y a conjonction mutuelle de causes et conditions; c'est
ainsi que l'on parle de la vacuité du travail. Par la
vacuité de toutes choses au sens où elles sont
imprédictibles on entend que, comme la nature propre
de la fausse-imagination est en elle-même inexprimable,
de même toutes choses sont imprédictibles, et sont
en conséquence vides en ce sens. Par la vacuité
au sens le plus élevé de la vacuité de
la Réalité ultime, on entend que dans l'accession
à l'auto-réalisation de la Noble Sagesse il n'y
a pas de trace de l'énergie de l'habitude générée
par des conceptions erronées ; c'est ainsi que l'on parle
de la plus élevée Vacuité de la Réalité
ultime.
Toutes choses sont non-nées
Lorsqu'on examine les choses au moyen de la connaissance correcte,
on ne peut pas obtenir de signes qui pourraient les caractériser
avec des marques d'individualité et de généralité,
c'est pourquoi ils sont dits ne pas avoir de nature propre.
Comme on voit que ces signes d'individualité et de généralité
sont existants, tout autant qu'on sait qu'ils sont non-existants,
qu'on voit qu'ils sortent, tout autant qu'on sait qu'ils ne
sortent pas, ils ne sont jamais annihilés. Pourquoi est-ce
vrai? Pour la raison qui suit : les signes individuels qui devraient
constituer la nature propre de toutes choses sont non-existants.
Encore une fois, dans leur nature propre, les choses sont et
éternelles et non-éternelles. Les choses ne sont
pas éternelles parce que les marques d'individualité
apparaissent et disparaissent, c'est-à-dire que les marques
de la nature propre sont caractérisées par la
non-éternité. D'autre part, comme les choses sont
non-nées et ne sont que créations de l'esprit,
elles sont en un sens profond éternelles. C'est-à-dire
que les choses sont éternelles à cause de leur
non-éternité même.
Qui plus est, en plus de comprendre la vacuité de toutes
choses autant en considération de la substance et de
la nature propre, il est nécessaire que les Bodhisattvas
comprennent clairement que toutes choses sont non-nées.
Ce n'est pas en un sens superficiel qu'on postule que les choses
ne sont pas nées, mais bien qu'au sens profond elles
ne sont pas nées d'elles-mêmes.
Le monde tel qu'il se présente
n'est rien d'autre qu'une manifestation de l'esprit
Tout ce qui peut être dit, c'est que, relativement dit,
il y a un flux constant de devenir, un changement momentané
et ininterrompu d'un état d'apparence à un autre.
Lorsqu'il est reconnu que le monde tel qu'il se présente
lui-même n'est rien de plus qu'une manifestation de l'esprit,
alors la naissance est vue comme non-naissance, et tous les
objets existants, à propos desquels la discrimination
postule qu'ils sont et ne sont pas, sont non-existants et ce,
parce que non-nés; étant dépourvus d'agent
et d'action, les choses sont non-nées.
Si les choses ne sont pas nées de l'être et du
non-être, mais ne sont que des manifestations de l'esprit
lui-même, elles n'ont pas de réalité, pas
de nature propre : elles sont comme les cornes d'un lièvre,
d'un cheval, d'un âne ou d'un chameau. Mais les ignorants
et les simples d'esprit, qui pris au piège de leurs imaginations
fausses et erronées, discriminent des choses là
où elles ne sont pas. Pour les ignorants, la caractéristique
des marques de la nature propre des propriétés
et demeure du corps paraissent fondamentales et enracinées
dans la nature même de l'esprit, c'est pourquoi ils discriminent
leur multiplicité et s'y attachent.
Deux sortes d'attachement
Il y a deux sortes d'attachement: l'attachement aux objets en
tant qu'ayant une nature propre, et l'attachement aux mots en
tant qu'ayant une nature propre. Le premier vient du fait de
ne pas savoir que le monde extérieur n'est qu'une manifestation
de l'esprit lui-même; et le second provient de l'attachement
aux mots et noms en raison de l'énergie de l'habitude.
Dans l'enseignement de la non-naissance, la causalité
n'est pas à sa place parce que, en voyant que toutes
choses sont comme maya et un rêve, on ne discrimine pas
entre les signes individuels. Que toutes choses soient non-nées
et n'aient pas de nature propre parce qu'elles sont comme maya
est postulé correspondre à la thèse des
philosophes que la naissance est un produit de la causalité.
Ils entretiennent la notion que la naissance de toutes choses
dérive du concept de l'être et du non-être,
et ils échouent à la considérer pour ce
qu'elle est vraiment, causée par les attachements à
la multiplicité qui provient des discriminations de l'esprit
lui-même.
Ceux qui croient dans la naissance de quelque chose qui n'a
jamais existé et qui, venant à exister, disparaît,
sont obligés de postuler que les choses viennent à
exister et disparaissent par voie de causalité &endash;
ces gens ne trouvent pas pied dans mes enseignements. Lorsqu'on
se rend compte qu'il n'y a rien qui soit né, et rien
qui disparaisse, alors il n'y a pas de possibilité d'admettre
l'être et le non-être, et l'esprit se tranquillise.
Tout dans le monde est une
vue de l'esprit lui-même
Mon enseignement de la non-naissance et de la non-annihilation
n'est pas comme celui des philosophes, ni n'est-il comme leur
doctrine de la naissance et l'impermanence. Ce à quoi
les philosophes attribuent la caractéristique de la non-naissance
et de la non-annihilation, c'est la nature propre de toutes
choses, qui fait qu'elles tombent dans le dualisme de l'être
et du non-être. Mon enseignement transcende l'entière
conception de l'être et du non-être; il n'a rien
à voir avec la naissance, la demeure et la destruction;
ni avec existence ni la non-existence. J'enseigne que la multiplicité
des objets n'ont pas de réalité en eux-mêmes
mais ne sont que vues de l'esprit et, c'est pourquoi ils ont
la nature de maya et d'un rêve. J'enseigne la non-existence
des choses parce qu'elles ne portent les signes d'aucune nature
propre inhérente. Il est vrai qu'en un sens elles sont
vues et discriminées par les sens en tant qu'objets individualisés;
mais dans un autre sens, à cause de l'absence de toute
caractéristique des marques de la nature propre, elles
ne sont pas vues mais ne sont qu'imaginées. Dans un sens,
on peut les saisir, mais dans un autre sens, on ne peut pas
les saisir.
Lorsqu'il est clairement compris qu'il n'y a rien au monde qui
ne soit qu'une vue de l'esprit lui-même, la discrimination
n'a plus lieu, et les sages sont installés dans leur
vraie demeure qui est le domaine de la quiétude. Les
ignorants discriminent et s'efforcent de s'ajuster aux conditions
extérieures, et ont l'esprit constamment perturbé;
on imagine et on discrimine des irréalités, cependant
que les réalités ne sont pas vues et sont ignorées.
Il n'en va pas de même avec les sages. Pour illustrer:
Ce que voient les ignorants, c'est comme la cité magiquement
créée des Gandharvas, où on peut voir des
enfants, des rues et des maisons, et des marchands fantômes,
et des gens qui entrent et sortent. Celle-ci, avec ses rues
et maisons et ses gens qui entrent et sortent, on n'en pense
pas qu'elle soit née ou annihilée, parce qu'en
ce cas, il n'est pas question de leur existence ou non-existence.
De la même manière, j'enseigne, qu'il n'y a rien
de fait ni de défait; qu'il n'y a rien qui soit en rapport
avec la naissance et la destruction sauf quand les ignorants
chérissent des notions faussement imaginées sur
la réalité du monde extérieur. Lorsqu'on
ne voit pas et qu'on ne juge pas les objets selon ce qu'ils
sont réellement en eux-mêmes, il y a discrimination
et attachement aux notions de l'être et du non-être,
et de la nature propre individualisée, et aussi longtemps
que ces notions d'individualité et de nature propre persisteront,
Les philosophes devront expliquer le monde extérieur
par une loi de causalité.
Conditions extérieures
et conditions intérieures
Cette position soulève la question d'une cause première
que les philosophes apportent en postulant que leur cause première,
Ishvara et les éléments primaires, sont non-nés
et non-annihilés; position qui est sans preuve et irrationnelle.
Les gens ignorants et les philosophes mondains chérissent
une sorte de non-naissance, mais ce n'est pas la non-naissance
que j'enseigne. J'enseigne la "non-né-ité"
de l'essence non-née de toutes choses, enseignement qui
est établi dans l'esprit des sages par leur auto-réalisation
de la Noble Sagesse. Une louche, de l'argile, un récipient,
une roue, des semences ou des éléments &emdash;
ce sont là des conditions extérieures; ignorance,
discrimination, attachement, habitude, karma, - ce sont là
des conditions intérieures. Lorsqu'on considère
cet univers tout entier comme une concaténation et rien
d'autre qu'une concaténation, alors l'esprit, par sa
patiente acceptation de la vérité que toutes choses
sont non-nées, obtient la tranquillité.
Le jeune prince et le magicien
En Inde, dans une famille royale, il y avait un jeune prince.
Sa mère ne souhaitait pas le voir monter sur le trône,
mais plutôt pratiquer le dharma. Son père, le roi,
lui souhaitait qu'il prenne sa succession, peu lui importait
qu'il pratique le dharma. Son père détenait l'autorité
sur la famille, et la mère se demanda comment faire.
A cette époque, en Inde, il y avait de nombreux experts
magiciens ; elle alla voir l'un d'eux, lui demandant s'il ne
pourrait pas, par sa magie, faire en sorte que son fils se détourne
du monde pour pratiquer le dharma. Le magicien acquiesça
: C'est possible mais il faut que vous me disiez ce que votre
fils aime particulièrement. - Il adore les chevaux, lui
expliqua-t-elle. - Bon, dit-il ; venez, demain, avec votre fils.
Et ils se fixèrent rendez-vous.
Le lendemain, la mère organisa une promenade avec le roi et leur fils, à l'endroit convenu. Le magicien y était avec un superbe cheval qu'il avait créé magiquement, un étalon magnifique comme le prince en rêvait. Subjugué, et ne sachant pas que l'homme auquel il s'adressait était un magicien, il dit : Accepterais-tu de me vendre ce cheval ? L'autre dit : S'il vous plait, pourquoi pas ?- Je voudrais d'abord l'essayer. - Mais bien sûr, allez-y.
Il monta sur le cheval qui partit au grand galop sans que le prince ne puisse l'arrêter. Il partit, très, très loin, jusqu'en un pays qu'il ne connaissait pas. Il finit par s'arrêter en un endroit complètement inconnu du prince, qui ne savait ni où il était, ni vers où se diriger. C'est alors qu'il aperçut un peu plus loin de la fumée ; il pensa qu'il devait y avoir quelqu'un et alla voir. Il y découvrit une maison ; sur le pas de la porte se tenaient une femme avec sa fille, une jeune fille ravissante. Il dit : Je suis perdu, pourriez-vous m'accorder l'hospitalité ? Elles répondirent : Si vous voulez. Nous habitons ce lieu près de la mer et vous êtes le bienvenu.
Il resta donc car il ne voyait pas où était son pays et les gens n'en avaient même jamais entendu parler. Comme la jeune fille était très jolie, ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. Les enfants grandirent et ils formaient tous ensemble une famille très heureuse. Son beau-père, qui habitait aussi la maison familiale, était infirme et ne pouvait marcher. Un jour, sa femme, qui aimait bien le cheval, dit : Puis-je aller faire un tour avec ton cheval ? - Bien sûr, vas-y.
Elle monta sur le cheval, qui s'enfuit et sauta dans la mer avec la femme, qui se noya… Voyant cela, tous les enfants, sauf le plus petit qui était trop jeune, plongèrent dans l'espoir de lui porter secours, mais ils se noyèrent aussi, puis c'est le vieux père informe qui, à son tour, sauta à l'eau, et mourut… Il ne restait plus que le plus jeune garçon ; mais alors le cheval revint, mangea l'enfant et se sauva… Le prince, découvrant la situation, fut au comble du désespoir : J'ai perdu ma femme, mes enfants, mon cheval, toute ma famille, je n'ai plus rien, mieux vaut mourir.
Et il plongea, pour se noyer… mais, à peine englouti, il se retrouva dans le parc de sa ville natale avec le roi et la reine. Fort confus, tout tremblant, il se souvint de sa femme et de ses enfants bien-aimés. Il expliqua à ses parents ce qui lui était arrivé, mais ils lui répondirent : Mais non ! Ne crains rien, tu es tombé de cheval et tu t'es évanoui voici une heure, il faut te reposer. Le prince était tout de même persuadé que son histoire était vraie, car il l'avait vraiment vécue, et il en souffrait beaucoup.
Ultérieurement, à partir de cette aventure, le prince réalisa la nature illusoire de la vie ordinaire et se consacra pleinement au dharma. Après plusieurs années de pratique, il devint un grand maître accompli.
Kalou Rinpoché, La voie du Bouddha, Points Sagesse, 2010, p. 343-46
Café philosophique
interculturel de Formidec
Samedi 19 janvier 2013 à 15 heures
Centre social, 5, rue Bonnefoi
(Lyon 3è, à 150 mètres du métro
Guillotière)
Prendre la rue Paul Bert : la rue Bonnefoi est la seconde à
droite
Le grand Bouddha
Lankavâtara Sûtra
Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse
Chapitre IV Parfaite Connaissance ou Connaissance de la Réalité
Alors Mahâmati demanda au Béni du Ciel: Je vous en prie, parlez-nous, ô Béni du Ciel, des cinq Dharmas, que nous puissions pleinement comprendre la connaissance parfaite?
Les cinq dharmas : apparence,
nom, discrimination, connaissance correcte et Réalité
Le Béni du Ciel répondit: Les cinq Dharmas sont:
apparence, nom, discrimination, connaissance correcte, et Réalité.
Par apparence on entend ce qui se révèle soi-même
aux sens et à l'esprit discriminant et est perçu
comme forme, son, odeur, goût, et toucher. De ces apparences
se forment des idées, comme l'argile, l'eau, une cruche,
etc., par lesquelles on dit : ceci est telle et telle chose
et pas une autre, ceci est un nom. Lorsque les apparences sont
contrastées et les noms comparés, comme quand
on dit: ceci est un éléphant, ceci est un cheval,
une charrette, un piéton, un homme, une femme, ou ceci
est l'esprit et ce qui lui appartient, on dit des choses ainsi
nommées qu'elles sont discriminées. Comme on finit
par voir ces discriminations comme mutuellement conditionnantes,
comme vides de substance autonome, comme non-nées, c'est
ainsi qu'on en vient à les voir comme elles sont réellement,
c'est-à-dire en tant que manifestations de l'esprit lui-même,
ceci est la connaissance correcte. Par elle les sages cessent
de considérer les apparences et les noms comme des réalités.
L'Ainsité de la réalité
Lorsqu'apparences et noms sont mis de côté et que
cessent toutes discriminations, ce qui reste est la vraie et
essentielle nature des choses et, comme rien ne peut être
prédiqué selon la nature de l'essence, on l'appelle
"l'Ainsité" de la Réalité. Cette
universelle, indifférenciée, inscrutable "Ainsité"
est la seule réalité mais elle est diversement
caractérisée par la Vérité, l'Essence
mentale, l'Intelligence transcendantale, la Noble Sagesse, etc.
Ce Dharma de l'absence d'image dans la Nature-essence de la
Réalité ultime est le Dharma qui a été
proclamé par tous les bouddhas, et quand toutes choses
sont comprises en plein accord avec lui, on est en possession
de la Parfaite Connaissance, et on est en route pour l'accession
à l'Intelligence transcendantale des Tathagatas.
Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Ces trois natures
propres des choses, des idées, et de la Réalité,
doit-on les considérer comme inclues dans les Cinq Dharmas,
ou selon qu'elles ont leurs propres caractéristiques
complètes en elles-mêmes.
Les trois natures propres
Le Béni du Ciel répondit: Les trois natures propres,
l'octuple système mental, et la double absence d'existence
propre sont toutes inclues dans les Cinq Dharmas. La nature
propre des choses, des idées, et de l'octuple système
mental, correspond avec le Dharma de l'apparence, du nom et
de la discrimination; la nature propre de l'Esprit universel
et de la Réalité correspond aux Dharmas de la
connaissance correcte et de "l'Ainsité".
Une âme dotée
d'une existence propre et l'absence d'existence propre des personnes
En s'attachant à ce qui est vus par l'esprit lui-même,
il y a une activité éveillée qui est perpétuée
par l'énergie de l'habitude qui devient manifeste dans
le système mental, des activités du système
mental provient la notion d'une âme dotée d'une
existence propre et de ses possessions; les discriminations,
attachements, et la notion d'une âme dotée d'une
existence propre, surgissant simultanément comme le soleil
et ses rayons de lumière. Par l'absence d'existence propre
des choses, on entend que les éléments qui constituent
les agrégats de personnalité et son monde objectif
étant caractérisés par la nature de maya
et dépourvus de quoi que ce soit qui puisse être
appelé substance intrinsèque, ils sont donc non-nés
et n'ont pas de nature propre. Comment peut-on dire des choses
qu'elles ont une âme dotée d'une existence propre?
Par l'absence d'existence propre des personnes, on entend que
dans les agrégats qui constituent la personnalité
il n'y a pas de substance intrinsèque, ni quoi que ce
soit qui soit comme an substance intrinsèque ni qui y
appartienne. Le système mental, qui est la marque la
plus caractéristique de la personnalité, tire
son origine de l'ignorance, de la discrimination, du désir
et des actes; et ses activités sont perpétuées
par le fait de percevoir, de saisir et de s'attacher aux objets
comme s'ils étaient réels. La mémoire de
ces discriminations, désirs, attachements et actes est
emmagasinée dans l'Esprit universel depuis des temps
immémoriaux, continue de s'accumuler là où
elle conditionne l'apparence de la personnalité et de
son environnement, et entraîne des changements et une
destruction constants d'un moment à l'autre. Les manifestations
sont comme une rivière, une semence, une lampe, un nuage,
le vent; l'esprit universel dans sa voracité à
tout emmagasiner, est comme un singe qui ne reste jamais au
repos, comme une mouche toujours en quête de nourriture
et sans partialité, comme un feu qui n'est jamais satisfait,
comme une machine à élever l'eau qui continue
de tourner. L'esprit universel comme souillé par l'énergie
de l'habitude est comme un magicien qui fait apparaître
et se déplacer des choses et des gens fantômes.
Une complète compréhension de ces choses est nécessaire
pour comprendre l'absence d'existence propre des personnes.
Quatre sortes de connaissances
Il y a quatre sortes de Connaissance: la connaissance de l'apparence,
la connaissance relative, la connaissance parfaite, et l'Intelligence
transcendantale. La connaissance de l'apparence appartient aux
ignorants et aux simples d'esprit qui sont accros à la
notion de l'être et du non-être, et qui ont peur
à l'idée d'être non-nés. Elle est
produite par la concordance de la triple combinaison et s'attache
elle-même aux multiplicités des objets; elle est
caractérisée par l'obtensibilité et l'accumulation;
elle est sujette à la naissance et à la destruction.
La connaissance de l'apparence appartient aux faiseurs de mots
qui se régalent de discriminations, d'assertions et de
négations.
La connaissance relative appartient au monde mental des philosophes.
Elle naît de la capacité de l'esprit à arranger,
combiner et analyser ces relations par ses pouvoirs de logique
discursive et d'imagination, en raison desquels il peut jeter
un regard au sens et à la signification des choses. La
connaissance parfaite appartient au monde des Bodhisattvas qui
reconnaissent que toutes choses ne sont que manifestations de
l'esprit; qui comprennent clairement la vacuité, la "non-né-ité",
l'absence d'existence propre de toutes choses; et qui sont entrés
dans une compréhension des Cinq Dharmas, la double absence
d'existence propre, et dans la vérité de l'absence
d'image. La connaissance parfaite différencie les étapes
de Bodhisattva, et est la piste et l'entrée dans l'état
exalté d'auto-réalisation de la Noble Sagesse.
La connaissance parfaite (jñana) appartient aux Bodhisattvas
qui sont entièrement libres du dualisme de l'être
et du non-être, de la non-naissance et de la non-annihilation,
de toutes assertions et négations, et qui, en raison
de l'auto-réalisation, ont gagné une pénétration
dans la vérité de l'absence d'existence propre
et de l'absence d'image. Ils ne discriminent plus le monde comme
étant sujet à causalité: ils considèrent
la causalité qui règle le monde comme quelque
chose de semblable à la fameuse cité des Gandharvas.
Pour eux, le monde est comme une vision et un rêve, il
est comme la naissance et la mort de l'enfant d'une femme stérile;
pour eux, il n'y a rien qui évolue et rien qui disparaisse.
Les disciples, les maîtres
et les arhats
Les sages qui chérissent la connaissance parfaite peuvent
être répartis en trois classes: disciples, maîtres
et Arhats. Les disciples ordinaires qui sont séparés
des maîtres en tant que disciples ordinaires continuent
à chérir la notion d'individualité et de
généralité; les maîtres s'élèvent
du rang des disciples ordinaires quand, abandonnant les erreurs
d'individualité et de généralité,
ils s'accrochent encore à la notion d'une âme dotée
d'une existence propre, en raison de quoi ils s'en vont d'eux-mêmes
dans la retraite et la solitude. Les Arhats se distinguent du
lot lorsque l'erreur de toute discrimination est réalisée.
L'erreur discriminée par les sages se transforme en Vérité
par vertu du "retournement" qui a lieu au sein de
la plus profonde conscience. L'esprit, ainsi émancipé,
pénètre dans la parfaite auto-réalisation
de la Noble Sagesse.
Toutes choses sont comme
un rêve ou une vision : elles sont non-nées
Mais, Mahâmati, si tu soutiens qu'il existe une chose
telle que la Noble Sagesse, cela ne tient plus, car quoi que
ce soit dont quelque chose est postulé participe en conséquence
de la nature de l'être et est donc caractérisé
par la qualité de la naissance. L'assertion même:
"Toutes choses sont non-nées" en détruit
la vérité. Il en va de même des postulats:
"Toutes choses sont vides", et "Rien n'a de nature
propre", tous deux sont intenables quand on les met sous
forme d'assertion. Mais quand on fait remarquer que toutes choses
sont comme un rêve et une vision, cela signifie que dans
un sens ils sont perçus, et que dans un autre sens ils
ne sont pas perçus; c'est-à-dire que dans l'ignorance
ils sont perçus, mais que dans la connaissance parfaite
ils ne sont pas perçus. Toutes assertions et négations
étant des constructions intellectuelles, elles sont non-nées.
Même l'assertion que l'Esprit universel et la Noble Sagesse
sont la Réalité ultime, est une construction intellectuelle
et, c'est pourquoi elle est non-née. En tant que "choses"
il n'y a pas d'Esprit universel, il n'y a pas de Noble Sagesse,
il n'y a pas de Réalité ultime. La pénétration
des sages qui se déplacent dans le domaine de l'absence
d'image et sa solitude, est pure. C'est-à-dire que pour
les sages toutes "choses" sont balayées et
que même l'état d'absence d'image cesse d'exister.
L'Arhat balayeur
Il y eut, dans l'entourage de Bouddha Sâkyamuni, un moine sans intelligence, qui n'arrivait même pas à apprendre l'alphabet. Néanmoins, comme il avait une grande confiance en Bouddha et une grande aspiration vers le dharma, quelques-uns de ses compagnons allèrent trouver le Bouddha Sâkyamuni pour lui demander conseil sur la façon de l'aider. Le Bouddha Sâkyamuni répondit : " Il peut lui aussi arriver à la réalisation. Qu'il pratique les actions positives, abandonne les nuisibles, et soit affecté au balayage du temple " : et il donna des instructions pour qu'il sache bien balayer avec attention.
Le moine pratiqua cela pendant plusieurs années, et purifiant son esprit des voiles qui l'obscurcissaient, son intelligence s'aiguisait. Finalement, un jour, alors que le Bouddha Sâkyamuni enseignait les quatre nobles vérités, il comprit l'enseignement et obtint l'état d'arhat. Il reste connu comme l'un des grands arhats de l'entourage de Bouddha Sâkyamuni.
Café philosophique
interculturel de Formidec
Samedi 9 février 2013 à 15 heures
Centre social, 5, rue Bonnefoi
(Lyon 3è, à 150 mètres du métro
Guillotière)
Prendre la rue Paul Bert : la rue Bonnefoi est la seconde à
droite
http://isabelleflute.centerblog.net/rub-bouddha.html
Attention, le café philosophique est avancé d'une semaine !
Séance extraordinaire
autour d'un spécialiste du bouddhisme,
Monsieur Vincent Cao
Comme il se présente lui-même, Monsieur
Vincent Cao est :
Bénévole au temple et pratiquant le bouddhisme
de la tradition du Grand Véhicule depuis 20 ans ; il
est lié à la pagode de Ste Foy-Lès-Lyon
depuis son existence.
Il exerce les activités suivantes en relation
avec le temple, et plus particulièrement pour le bouddhisme
et sa mise en pratique :
- les visites guidées,
- les conférences/enseignements sur le fondement du bouddhisme
- des traductions écrites et orales des enseignements
- membre de l'équipe organisatrice des grands évènements
du temple.
En un premier temps, il nous fera une présentation
générale du bouddhisme.
En un second temps, il répondra à nos questions.
NB. Ayant déjà assisté à l'une de ses présentations, je (Etienne Duval) peux témoigner de sa grande compétence et j'invite toutes les personnes intéressées par le bouddhisme à venir profiter de son enseignement. Il reviendra, à la date normale, pour le café d'avril et nous aidera à interpréter le texte retenu.
Café philosophique
interculturel de Formidec
Samedi 16 mars 2013 à 15 heures
Centre social, 5, rue Bonnefoi
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Prendre la rue Paul Bert : la rue Bonnefoi est la seconde à
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http://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/UVLibre/9900/bin25/page2.htm
Lankavâtara Sûtra
Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse
Chapitre V Le système mental
Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel:
Je vous en prie, dites-nous, ô Béni du Ciel, ce
qu'on entend par l'esprit (citta)?
Le Béni du Ciel répondit: Toutes choses de ce
monde, qu'elles soient apparemment bonnes ou mauvaises, défectueuses
ou sans défaut, productrices d'effet ou non-productrices
d'effet, réceptives ou non-réceptives, peuvent
être réparties en deux classes: mauvais écoulements
et bien qui ne s'écoule pas.
L'énergie de l'habitude
du système mental
Les cinq éléments de saisie qui constituent les
agrégats de la personnalité, c'est-à-dire,
la forme, la sensation, la perception, la discrimination, et
la conscience, et qu'on s'imagine être bons et mauvais,
prennent leur origine dans l'énergie de l'habitude du
système mental, ce sont les mauvais écoulements
de la vie. Les réalisations spirituelles et les joies
des Samadhis et la fructification des Samapatis auxquelles arrivent
les sages grâce à leur auto-réalisation
de la Noble Sagesse et qui culminent dans leur retour et leur
participation aux relations du triple monde sont appelées
le bien qui ne s'écoule pas.
Le système mental qui est la source des mauvais écoulements
est constitué des cinq organes sensoriels et de leurs
mentations sensorielles concomitantes (vijñanas) qui
sont tous unifiés dans l'esprit discriminant (manovijñana).
Il y a une succession ininterrompue de concepts sensoriels s'épanchant
dans cet esprit discriminant ou pensant, qui les recombine,
les discrimine entre eux et passe des jugements sur eux selon
leur bonté ou leur méchanceté. Alors s'ensuit
une aversion envers eux ou un désir pour eux et de l'attachement
et des actes; c'est ainsi que le système tout entier
poursuit de façon continue, lié ensemble de façon
très compacte. Mais il échoue à voir et
à comprendre que ce qu'il voit, discrimine et saisit
n'est qu'une manifestation de sa propre activité et n'a
pas d'autre base, et c'est ainsi que l'esprit continue de percevoir
et de discriminer erronément les différences de
formes et de qualités, sans rester tranquille ne fut-ce
qu'une minute.
Les trois modes d'activité
du système mental
Il y a dans le système mental trois modes distincts d'activité
: les mentations sensorielles qui fonctionnent tout en demeurant
dans leur nature originelle, les mentations sensorielles comme
produisant des effets, et les mentations sensorielles comme
évoluant. Dans leur fonctionnement normal, les mentations
sensorielles saisissent les éléments appropriés
du monde extérieur, par lesquels sensation et perception
se produisent instantanément et par degrés dans
tous les organes sensoriels et toutes les mentations sensorielles,
dans les pores de la peau, et même dans les atomes qui
constituent le corps, par lesquels le champ tout entier est
appréhendé comme un miroir reflète les
objets, et sans se rendre compte que le monde extérieur
lui-même n'est qu'une manifestation de l'esprit. Le second
mode d'activité produit des effets par lesquels ces sensations
réagissent sur l'esprit discriminant de façon
à produire des perceptions, des attractions, des aversions,
de la saisie, des actes et des habitudes. Le troisième
mode d'activité est en rapport avec la croissance, le
développement et la fin du système mental, c'est-à-dire
que le système mental est sujet à sa propre énergie
de l'habitude accumulée depuis des temps immémoriaux,
comme par exemple: l' "oeillitude" dans les yeux qui
les prédispose à saisir et s'attacher aux formes
et apparences multiples. De la sorte, les activités du
système mental évoluant en raison de son énergie
de l'habitude entraînent des vagues d'objectivité
en face de l'Esprit universel qui, en retour, conditionne les
activités et l'évolution du système mental.
Les apparences, la perception, l'attraction, la saisie, les
actes, l'habitude, la réaction, se conditionnent mutuellement
de façon incessante, et c'est ainsi que les mentations
sensorielles en fonctionnement, l'esprit discriminant et l'Esprit
universel sont liés ensemble. Donc, en raison de la discrimination
de ce qui par nature n'est que fausse-imagination irréelle
et erronée et semblable à maya , le raisonnement
a lieu, l'action s'ensuit et son énergie de l'habitude
s'accumule, souillant par voie de conséquence la pure
face de l'Esprit universel, avec pour résultat que le
système mental se met en marche et que le corps physique
prend sa genèse. Mais l'esprit discriminant n'a pas pensé
que, par ses discriminations et ses attachements, il conditionne
le corps tout entier et qu'ainsi les mentations sensorielles
et l'esprit discriminant continuent d'être en relation
mutuelle et en conditionnement mutuel de la façon la
plus intime et se construisent un monde de représentation
des activités de sa propre imagination. De même
qu'un miroir reflète les formes, les sens de la perception
perçoivent les apparences que l'esprit discriminant rassemble
et s'active à discriminer, à nommer et à
s'attacher. Entre ces deux fonctions il n'y a pas d'espace,
mais elles sont néanmoins mutuellement conditionnantes.
Le sens percepteur saisit ce pour quoi il a une affinité,
et il y a une transformation qui a lieu dans leur structure
en raison de laquelle l'esprit s'active à combiner, discriminer,
informer, et agir; alors s'ensuit l'énergie de l'habitude
et l'établissement de l'esprit et sa continuation.
Les trois divisions de l'activité
mentale
L'esprit discriminant, à cause de sa capacité
à discriminer, juger, sélectionner et raisonner,
est également appelé l'esprit pensant, ou esprit
intellectuel. Il y a trois divisions de son activité
mentale: la mentation qui fonctionne en connexion avec l'attachement
aux objets et aux idées, la mentation qui fonctionne
en connexion avec les idées générales,
et la mentation qui examine la validité de ces idées
générales. La mentation qui fonctionne en connexion
avec l'attachement aux objets et aux idées, dérivée
de la discrimination, discrimine l'esprit de ses processus mentaux
et accepte les idées en provenant comme étant
réelles et s'y attache. On arrive ainsi à une
variété de faux jugements qui sont multiplicité,
individualité, valeur, etc., une forte saisie se produit
qui est perpétuée par l'énergie de l'habitude
et c'est ainsi que la discrimination continue à se postuler
elle-même.
L'Esprit universel
… Le Béni du Ciel répondit: Les mentations
sensorielles et leur esprit discriminant centralisé sont
en relation au monde extérieur qui est une manifestation
de lui-même et qui se laisse aller à percevoir,
à discriminer, et à se saisir de ses apparences
de la nature de maya. L'Esprit universel (Alaya-vijñana)
transcende toute individuation et toutes limites. L'Esprit universel
est absolument pur dans sa nature essentielle, subsistant inchangé
et exempt des défauts de l'impermanence, imperturbé
par l'égoïsme, non troublé par les distinctions,
les désirs et les aversions.
L'Esprit universel est comme un grand océan: sa surface
est ridée par des vagues et des lames de fond mais ses
profondeurs restent à jamais impassibles. En lui-même
il est dépourvu de personnalité et de tout ce
qui y appartient, mais en raison des souillures à sa
surface, il est comme un acteur qui joue une variété
de rôles, entre lesquels a lieu un fonctionnement mutuel
qui fait surgir le système mental. Le principe de l'intellection
se divise et l'esprit, les fonctions de l'esprit, les mauvais
écoulements de l'esprit, prennent leur individuation.
La septuple gradation de l'esprit apparaît: c'est-à-dire,
l'auto-réalisation intuitive, la discrimination pensante
et désirante, la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat,
le toucher, et toutes leurs interactions et réactions
prennent leur envol.
L'esprit discriminant est la cause des mentations sensorielles
et leur support, et avec elles, il est maintenu en fonctionnement
alors qu'il décrit et s'attache à un monde des
objets, et alors, au moyen de son énergie de l'habitude,
il souille la face de l'Esprit universel. L'Esprit universel
devient donc le magasin et le débarras de tous les produits
accumulés de la mentation et de l'action depuis des temps
immémoriaux.
L'esprit intuitif entre l'Esprit
universel et l'esprit discriminant
Entre l'Esprit universel et l'esprit discriminant individuel,
il y a l'esprit intuitif (manas) qui dépend de l'Esprit
universel pour sa cause et son soutien et entre en relation
avec les deux. Il participe de l'universalité de l'Esprit
universel, partage sa pureté, et comme elle, est au-dessus
de la forme et de la transitoriété. C'est par
l'esprit intuitif que se fait jour le bien sans écoulements,
qu'il est manifesté et réalisé. Il est
heureux que l'intuition ne soit pas momentanée, car si
l'éveil qui provient de l'intuition était momentané,
les sages perdraient leur "sagesse" ce qui n'est pas
le cas. Mais l'esprit intuitif entre en relations avec le système
mental inférieur, partage ses expériences et réfléchit
sur ses activités.
L'esprit intuitif ne fait qu'un avec l'Esprit universel, en
raison de sa participation à l'Intelligence transcendantale
(Arya-jñana), et il ne fait qu'un avec le système
mental de par sa compréhension de la connaissance différenciée
(vijñana). L'esprit intuitif n'a pas de corps propre
ni aucune des marques par lesquelles il pourrait être
différencié. L'Esprit universel est sa cause et
son soutien mais il a évolué avec la notion d'un
existence propre et de ce qui lui appartient, notion à
laquelle il s'accroche et sur laquelle il réfléchit.
C'est par l'esprit intuitif, par la faculté d'intuition
qui est un mélange, et de l'identité, et de la
perception, que l'inconcevable sagesse de l'Esprit universel
est révélée et rendue réalisable.
Comme l'Esprit universel, il ne peut pas être la source
de l'erreur.
Le retournement et la cessation
du système mental
Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Je vous en
prie, dites-nous, ô Béni du Ciel, ce qu'on entend
par cessation du système mental?
Le Béni du Ciel répondit: Les cinq fonctions sensorielles
et leur fonction discriminante et pensante ont leurs apparitions
et leur fin complète d'un moment à l'autre. Elles
sont nées avec la discrimination comme cause, et avec
la forme, l'apparence et l'objectivité étroitement
liées ensemble comme condition. L'envie de vivre est
la mère, l'ignorance est le père. L'avidité
est multipliée par l'établissement de noms et
de formes, et c'est ainsi que l'esprit continue d'être
mutuellement conditionnant et d'être conditionné.
L'erreur apparaît, la fausse-imagination en raison du
plaisir et de la douleur apparaît, et la voie de l'émancipation
est bloquée par l'attachement aux noms et aux formes,
parce qu'on ne se rend pas compte qu'ils n'ont pas plus de fondement
que les activités de l'esprit lui-même. Le système
inférieur de mentations sensorielles et l'esprit discriminant
ne souffrent pas réellement le plaisir et la douleur
&endash; ils s'imaginent seulement le faire. Plaisir et
douleur sont les trompeuses réactions de l'esprit mortel
lorsqu'il se saisit d'un monde objective imaginaire.
Il y a deux manières de cessation du système mental:
en ce qui concerne la forme, et en ce qui concerne la continuation.
En ce qui concerne la forme, les organes sensoriels fonctionnent
par interaction de la forme, du contact et de la saisie; et
ils cessent de fonctionner quand ce contact est rompu. En ce
qui concerne la continuation, quand cessent ces interactions
de la forme, du contact et de la saisie, il n'y a pas plus de
continuation de la vue, de l'ouïe et d'autres fonctions
sensorielles; avec la cessation de ces fonctions sensorielles,
les discriminations, saisies et attachements de l'esprit discriminant
cessent; et avec leur cessation, les actes, les faits et leur
énergie de l'habitude cessent, et il n'y a plus d'accumulation
de souillures karmiques sur la face de l'Esprit universel.
Si l'esprit mortel évoluant était de même
nature que l'Esprit universel, la cessation du système
mental inférieur entraînerait la cessation de l'Esprit
universel, mais ils sont différents car l'Esprit universel
n'est pas la cause de l'esprit mortel. Il n'y a pas de cessation
de l'Esprit universel dans sa pure et essentielle nature. Ce
qui cesse de fonctionner n'est pas l'Esprit universel dans sa
nature essentielle, mais bien la phénomène des
souillures productrices d'effets sur sa face, causées
par l'accumulation d'énergie de l'habitude des activités
de l'esprit mortel discriminant et pensant. Il n'y a pas de
cessation de l'esprit divin qui, en lui-même, est la demeure
de la Réalité et la Matrice de la Vérité.
Par cessation des mentations sensorielles on entend, non pas
la cessation de leurs fonctions perceptives, mais la cessation
de leurs activités discriminantes et nominatives qui
sont centralisées dans l'esprit mortel discriminant.
Par cessation du système mental dans son ensemble on
entend, la cessation de la discrimination, l'enlèvement
des divers attachements, et donc l'enlèvement des souillures
de l'énergie de l'habitude sur la face de l'Esprit universel,
souillures accumulées depuis des temps immémoriaux
en raison de ces discriminations, attachements, raisonnements
erronés, et actes consécutifs. La cessation de
l'aspect de continuation du système mental, c'est-à-dire
que l'esprit mortel discriminant le monde de maya et du désir
disparaît tout entier. Le Nirvâna, c'est se débarrasser
de l'esprit mortel discriminant.
Mais la cessation de l'esprit discriminant ne peut avoir lieu
tant qu'il n'y a pas eu "retournement" au siège
le plus profond de la conscience. Il faut abandonner l'habitude
mentale de regarder par l'esprit discriminant hors de soi sur
un monde objectif extérieur, et mettre en place une nouvelle
habitude de se rendre compte de la Vérité au sein
de l'esprit intuitif en ne faisant plus qu'un avec La Vérité
elle-même. Et cela, jusqu'à ce qu'on arrive à
cette auto-réalisation intuitive de la Noble Sagesse.
Le système mental évolutif continuera d'être.
Mais quand on arrive à une pénétration
dans les cinq Dharmas, dans les trois natures propres, et dans
la double absence d'existence propre, la voie s'ouvre alors
pour que ce "retournement" ait lieu. Avec la fin du
plaisir et de la douleur, de idées contradictoires, des
troublants intérêts de l'égoïsme, on
arrive à un état de tranquillisation dans lequel
la vérité de l'émancipation est pleinement
comprise et où il n'y a plus de mauvais écoulements
du système mental qui puissent interférer avec
la parfaite auto-réalisation de la Noble Sagesse.
L'éveil d'Indrabodhi
Un exemple de personne aux capacités supérieures fut, autrefois en Inde à l'époque du bouddha Sakyamuni, le roi Indrabodhi. En tant que grand roi, il possédait un palais et une cour où il jouissait constamment de tous les plaisirs des sens. Il était réputé, en particulier, pour être entouré de la compagnie de cinq cents courtisanes le jour et de cinq cents autres la nuit ! Un jour, alors qu'il jouait avec elles sur la terrasse du palais, passa dans le ciel une troupe de cinq cents grands oiseaux jaunes.
Bizarre, je n'ai jamais vu auparavant d'oiseaux jaunes de cette taille, prenez donc des renseignements ! dit le roi, intrigué. Un ministre pratiquant le dharma lui dit : Votre majesté, ce ne sont point des oiseaux, mais le seigneur Bouddha qui se déplace avec ses cinq cents arhats. - Voilà qui est merveilleux, dit le roi. Invitez-les donc à venir au palais, s'ils veulent bien. - Votre majesté, ils demeurent fort loin, et il serait long et difficile d'envoyer un messager, mais ce n'est sans doute pas nécessaire car le Bouddha est omniscient et il suffit de le prier en pensées pour qu'il vienne.
Le roi ordonna alors que l'on fît les préparatifs adéquats et que la terrasse du palais soit dégagée pour que le bouddha Sakyamuni et sa suite puissent atterrir. Quelques jours plus tard, lorsque la grande réception fut prête, le roi et sa cour se réunirent pour prier le Bouddha de venir, et il vint avec ses cinq cents arhats. Le roi fit servir le banquet, se prosterna par trois fois devant le bouddha Sakyamuni, et dit : Vous êtes merveilleux ! Pourriez-vous me donner un enseignement, pour que j'atteigne aussi la réalisation que vous avez obtenue.
Le bouddha Sakyamuni dit : certainement ! Et il lui enseigna les quatre nobles vérités, expliquant que tout est souffrance, et en particulier que tous les plaisirs des sens étant des enchaînements au samsâra, il faut les abandonner. Le roi, quelque peu décontenancé, dit : Oui, c'est sans aucun doute très bien, mais ce n'est pas pour moi, je ne vais pas ainsi renoncer aux plaisirs des sens ; si vous n'avez pas d'autres enseignements, je crains de ne pouvoir pratiquer.
Le bouddha Sakyamuni avait reconnu par ses pouvoirs miraculeux qu'Indrabodhi était une personne de capacité supérieure et, faisant en sorte que les cinq cents arhats et le reste de l'entourage ne voient pas ce qui allait se passer, pour le roi seul, il fit apparaître le mandala du yidam Guhyasamâja et lui conféra ses quatre niveaux d'initiation, en même temps qu'il lui fit reconnaître la nature de l'esprit, Mahâmudrâ. Au moment même de l'initiation, le roi atteignit ce qu'on appelle, dans le mahâyâna, la " première terre de bodhisattva ", " la joie supérieure ". Puis il pratiqua Mahâmudrâ, dans la reconnaissance de la nature de son esprit, sans distraction, pendant douze ans, et ce, tout en continuant comme auparavant à jouir des cinq sens et des courtisanes.
Au terme de ces douze années, le roi atteignit la réalisation la plus élevée, la dixième terre de bodhisattva, la pleine réalisation de Mahâmudrâ. Il commença alors à conférer les quatre initiations de Guhyasamâja aux gens de son royaume et à leur transmettre Mahâmudrâ. Assez rapidement le pays se vida complètement, tous ses sujets s'en étant allés en les terres pures… Le roi Indrabodhi était un être aux capacités supérieures, c'est pourquoi, dès qu'il eut reçu l'initiation, il réalisa Mahâmudrâ.
Vous considérez peut-être que ce n'est qu'une histoire, une sorte de légende, parce qu'il est difficile d'admettre qu'Indrabodhi ait pu avoir cinq cents courtisanes le jour et cinq cents la nuit, et que tout son royaume atteignît l'éveil. Mais pourtant c'est une histoire vraie : de même que l'esprit peut, par la seule force de sa pensée, éprouver toutes les possibilités de bonheurs et de souffrances et faire toutes les expériences que nous connaissons d'ordinaire ; quand il est devenu parfaitement pur cette faculté rend possible des choses qui habituellement ne le sont pas. C'est pourquoi cette histoire est aussi une histoire vraie et possible.
Kalou Rinpoché, La voie du Bouddha, Points Sagesse, 2010, p. 356-58.
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Le bouddha de la pagode u-ponya-shin
Café philosophique avec Monsieur Vincent Cao
Méditation et explication de texte
Lankavâtara Sûtra
Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse
Chapitre VI L'Intelligence transcendantale
Alors Mahâmati dit: Je vous en prie, expliquez-nous, ô Béni du Ciel, ce qui constitue l'Intelligence transcendantale?
L'intelligence transcendantale
ou l'état intérieur d'auto-réalisation
de la Noble Sagesse
Le Béni du Ciel répondit: l'Intelligence transcendantale
est l'état intérieur d'auto-réalisation
de la Noble Sagesse. Elle est réalisée de façon
soudaine et intuitive lorsqu'a lieu le "retournement"
au plus profond de la conscience; elle n'entre ni ne sort, elle
est comme la lune vue dans l'eau. L'Intelligence transcendantale
n'est pas sujette à naissance ni à destruction;
elle n'a rien à voir avec la combinaison ni avec la concordance;
elle est dépourvue d'attachement et d'accumulation; elle
transcende tous les concepts dualistes.
Lorsqu'on considère l'Intelligence transcendantale, il
faut garder quatre choses à l'esprit: les mots, les significations,
les enseignements et la Noble Sagesse (Arya-prajñâ).
Les mots servent à exprimer les significations mais ils
dépendent de la discrimination et de la mémoire
pour leur cause, et de l'emploi de sons et lettres par lesquels
un transfert mutuel de sens est possible. Les mots ne sont que
des symboles qui peuvent, et ne peuvent pas, exprimer clairement
et pleinement le sens voulu; et, de plus, on peut comprendre
les mots de façon très différente de ce
qu'entendait dire qui les a prononcés. Les mots ne sont
ni différents ni non-différents du sens et ce
dernier se trouve dans la même relation par rapport à
eux.
Intérêt et limite
des mots
Si le sens était différent des mots, il ne pourrait
pas être rendu manifeste au moyen de mots; mais le sens
est illuminé par les mots de même que les choses
le sont par une lampe. Les mots sont justes comme un homme transportant
une lampe afin de regarder sa propriété, ce qui
lui permet de dire: ceci est ma propriété. De
même, au moyen des mots et du discours qui prennent leur
origine dans la discrimination, le Bodhisattva peut pénétrer
le sens des enseignements des Tathagatas et par le sens il peut
entrer dans l'état exalté d'auto-réalisation
de la Noble Sagesse, qui est, en lui-même, libre de la
discrimination entre les mots. Mais si un homme s'attache au
sens littéral des mots et s'accroche solidement à
l'illusion que les mots et le sens sont en accord, en particulier
pour des choses comme le Nirvâna, qui est non-né
et immortel, ou selon les distinctions des Véhicules,
des cinq Dharmas, des trois natures propres, il échouera
alors à comprendre le vrai sens et s'emmêlera dans
les assertions et les réfutations. Tout comme les variétés
d'objets qu'on voit et qu'on discrimine dans les rêves
et les visions, c'est erronément que l'on discrimine
les idées et les postulats et l'erreur va se multipliant.
Les ignorants et les simples d'esprit déclarent que le
sens n'est pas différent des mots, que tels que sont
les mots, ainsi est le sens. Ils pensent que comme le sens n'a
pas de corps propre, il ne peut donc pas être différent
des mots et c'est pour cela qu'ils déclarent que le sens
est identique aux mots. En ceci ils sont ignorants de la nature
des mots, qui sont sujets à la naissance et à
la mort, ce qui n'est pas le cas du sens; les mots dépendent
des lettres mais pas le sens; le sens est séparé
de l'existence et de la non-existence, il n'a pas de substrat,
il est non-né. Les Tathagatas n'enseignent pas un Dharma
qui dépend des lettres. Quiconque enseigne une doctrine
qui dépendrait des lettres et des mots n'est qu'un bavard,
parce que la Vérité est au-delà des lettres,
des mots et des livres. Ceci ne signifie pas que lettres et
livres ne disent jamais ce qui est en conformité avec
le sens et la vérité, mais que mots et livres
sont dépendants des discriminations, alors que le sens
et la vérité ne sont pas; qui plus est, mots et
livres sont sujets à l'interprétation des esprits
individuels, cependant que le sens et la vérité
ne le sont pas. Mais si la Vérité n'est pas exprimée
dans les mots et les livres, les écritures qui contiennent
le sens de la Vérité disparaîtraient, et
sans les écritures il n'y aurait plus de disciples ni
de maîtres, ni de Bodhisattvas ni de Bouddhas, et il n'y
aurait plus rien à enseigner. Mais il ne faut pas s'attacher
aux mots des écritures parce que même les textes
canoniques dévient parfois de leur cours direct à
cause du fonctionnement imparfait des esprits sensibles.
Moi-même et d'autres Tathagatas donnons des discours religieux
en réponse aux divers besoins et croyances de toutes
les sortes d'êtres, afin de les libérer de la dépendance
à la fonction pensante du système mental, mais
ils ne sont pas donnés pour prendre la place de l'auto-réalisation
de la Noble Sagesse. Lorsque il y a admission de ce qu'il n'y
a rien au monde qui ne soit une vue de l'esprit lui-même,
toutes les discriminations dualistes sont écartés,
la vérité de l'absence d'image est comprise, et
on constate qu'elle est en conformité avec le sens plutôt
qu'avec les mots et les lettres.
Les ignorants et les simples d'esprit étant fascinés
par leur imaginations personnelles et leurs raisonnements erronés,
ils continuent de danser et de sauter partout, mais sont incapables
de comprendre le discours en mots sur la vérité
de l'auto-réalisation, et à plus forte raison
de comprendre la Vérité elle-même. Agrippés
au monde extérieur, ils s'accrochent à l'étude
de livres qui ne sont jamais qu'un moyen, et ne savent pas vraiment
comment s'assurer de la vérité de l'auto-réalisation,
qui est la Vérité non défigurée
par les quatre propositions. L'auto-réalisation est un
état exalté de réalisation intérieure
qui transcende toute pensée dualiste et qui est au-dessus
du système mental avec sa logique, son raisonnement,
ses théories, et ses illustrations. Les Tathagatas font
des discours aux ignorants, mais soutiennent les Bodhisattvas
lorsqu'ils voient l'auto-réalisation de la Noble Sagesse.
Ne pas s'attacher aux mots
comme étant en parfaite conformité avec le sens
Laissons donc chaque disciple faire bien attention à
ne pas s'attacher aux mots comme étant en parfaite conformité
avec le sens, parce que la Vérité n'est pas dans
les lettres. Lorsqu'un homme pointe vers quelque chose ou quelqu'un
du bout de son doigt, on pourrait confondre le bout du doigt
avec la chose vers laquelle on pointe; de la même manière,
les ignorants et les simples d'esprit, comme des enfants, sont
incapables, même au jour de leur mort, d'abandonner l'idée
que le doigt que sont les mots, soit le sens lui-même.
Ils ne peuvent réaliser la Réalité ultime
à cause de leur attachement résolu à des
mots qui ne se voulaient rien d'autre qu'un doigt pointé.
Les mots et leur discrimination nous lient à la triste
ronde des naissances dans le monde de naissance-et-mort; le
sens reste seul et est un guide vers le Nirvâna. On arrive
au sens grâce à beaucoup d'étude, et on
arrive à beaucoup de connaissances en devenant familiers
avec le sens et pas avec les mots; c'est pourquoi les chercheurs
de vérité s'approchent des sages avec révérence,
et évident ceux qui se braquent sur des mots particuliers.
L'intelligence transcendantale
transcende toutes les discriminations
… Mais il y a ce qui n'appartient pas au matérialisme
et qui n'est pas atteint par la connaissance des philosophes
qui s'attachent à de fausses-imaginations et à
des raisonnements erronés parce qu'ils n'arrivent pas
à voir que, fondamentalement, il n'y a pas de réalité
dans les objets extérieurs. Lorsqu'on s'aperçoit
qu'il n'y a rien au-delà de ce qui est vue de l'esprit
lui-même, la discrimination de l'être et du non-être
cesse et c'est ainsi que dans le monde extérieur de l'objet
de la perception, rien ne reste que la solitude de la Réalité.
Ceci n'appartient pas aux philosophes matérialistes,
c'est le domaine des Tathagatas. Si ces choses sont imaginées
comme des allées et venues du système mental,
une disparition et une apparition, une sollicitation, un attachement,
une intense affection, une hypothèse philosophique, une
théorie, une demeure, un concept sensoriel, une attraction
atomique, un organisme, une croissance, la soif, la saisie,
ces choses appartiennent au matérialisme, elles ne sont
pas de moi. Ce sont des choses qui font l'objet d'intérêts
mondains, qu'il faut sentir, manier et goûter; ce sont
les choses qui apparaissent dans les éléments
qui constituent les agrégats de la personnalité,
là où, à cause de la force procréatrice
de la luxure, se produisent toutes sortes de désastres:
la naissance, le chagrin, la lamentation, la souffrance, le
désespoir, la maladie, la vieillesse, la mort. Toutes
ces choses concernent des intérêts et des plaisirs
mondains; elles se trouvent sur le chemin des philosophes, qui
n'est pas le chemin du Dharma. Lorsqu'on comprend la vraie absence
d'existence propre des choses et des personnes , la discrimination
cesse de se soutenir lui-même; le système mental
inférieur cesse de fonctionner; les divers stages du
Bodhisattva se suivent l'un l'autre; Le Bodhisattva peut proférer
ses dix vœux inépuisables et recevoir l'onction
de tous les bouddhas. Le Bodhisattva devient maître de
lui-même et de toutes choses en vertu d'une vie d'effort
spontané et d'absence radiante d'effort. Le Dharma, qui
est l'Intelligence transcendantale, transcende donc toutes discriminations,
tous faux-raisonnements, tous systèmes philosophiques
, tout dualisme.
La matrice de l'Ainsité
est la conscience intuitive de la Noble Sagesse
Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Dans les Ecritures,
mention est faite de la Matrice de l'Ainsité (Tathagatagharba)
et il y est enseigné que ce qui en est né est
par nature clair et pur, originellement immaculé et doté
des trente-deux marques d'excellence. Ainsi qu'elle est décrite,
il s'agit d'une gemme précieuse mais qui est cependant
enveloppée dans un vêtement sale, souillé
par l'avidité, la colère, la bêtise et la
fausse imagination. On nous enseigne que cette Nature-de-Bouddha
immanente en chacun de nous est éternelle, inaltérable,
auspicieuse. Mais ce qui est né de la Matrice de l'Ainsité
n'est-il pas la même chose que la substance-âme
qu'enseignent les philosophes? Le Divin Atman tel qu'il est
enseigné par eux est également dit être
éternel, inscrutable, inaltérable, impérissable.
Y a t-il, ou n'y a t-il pas une différence?
Le Béni du Ciel répondit: Non, Mahâmati,
ma Matrice de l'Ainsité n'est pas la même chose
que le Divin Atman tel qu'enseigné par les philosophes.
Ce que j'enseigne est l'Ainsité dans les sens du Dharmakaya,
de l'Unité ultime, du Nirvâna, de la vacuité,
la non-né-ité, de la non-qualification, dépourvus
d'effort de la volonté. La raison pour laquelle j'enseigne
la doctrine de l'Ainsité, c'est que je cherche à
amener les ignorants et les simples d'esprit à mettre
de côté leurs craintes quand ils écoutent
à l'enseignement de l'absence d'existence propre et qu'ils
en viennent à comprendre l'état de non-discrimination
et l'absence d'image. Les enseignements religieux des Tathagatas
sont tout comme un potier qui fait différents récipients
de par sa propre habileté manuelle, avec l'aide d'un
tour, d'eau et d'un fil, à partir d'une masse d'argile,
de même les Tathagatas par leur maîtrise des moyens
habiles issus de la Noble Sagesse, par divers termes, expressions,
et symboles, prêchent la double absence d'existence propre
afin d'éliminer la dernière trace de la discrimination
qui empêche leurs disciples d'atteindre à l'auto-réalisation
de la Noble Sagesse.
La doctrine de la Matrice de l'Ainsité est divulguée
afin d'éveiller les philosophes de leur attachement à
la notion d'un Divin Atman en tant que personnalité transcendantale,
de sorte que leurs esprits qui se sont attaché à
l'imaginaire notion d'une "âme" comme existant
en soi, puissent être rapidement éveillés
à un état de parfait éclaircissement.
Toutes les notions telles que la causalité, la succession,
les atomes, les éléments primaires qui composent
la personnalité, l'âme personnelle, l'Esprit suprême,
le Dieu souverain, le Créateur &emdash; sont toutes
des imaginations et des manifestations de l'esprit.
Non, Mahâmati, la doctrine de la Matrice de l'Ainsité
qu'enseigne le Tathagata n'est pas la même que l'Atman
des philosophes. Le Bodhisattva est dit avoir bien saisi l'enseignement
des Tathagatas quand, tout seul dans un endroit isolé,
grâce à son Intelligence transcendantale, il foule
le chemin qui mène au Nirvâna. A partir de là,
son esprit va se déployer en percevant, en pensant, en
méditant, et, en demeurant dans la pratique de la concentration
jusqu'à ce qu'il atteigne le "retournement"
à la source de l'énergie de l'habitude, après
quoi il mènera une vie d'actes excellents. Son esprit
concentré sur l'état de Bouddhéité,
il deviendra absolument familier avec la noble vérité
de l'auto-réalisation; il deviendra le parfait maître
de son propre esprit; il sera comme une gemme irradiant de nombreuses
couleurs; il sera capable d'assumer des corps de transformation;
il sera capable de pénétrer dans l'esprit de tous
pour les aider; et; finalement, en parcourant graduellement
les étapes il s'affermira dans la parfaite Intelligence
transcendantale des Tathagatas.
Néanmoins, l'Intelligence transcendantale (Arya-jñana)
n'est pas la Noble Sagesse (Arya-prajñâ) , elle
n'en est qu'une conscience intuitive. La Noble Sagesse est un
état parfait sans image : elle est la Matrice de l'Ainsité
(Tathagatagharba); elle est l'Esprit-divin-qui-conserve-Tout
(Alaya-vijñana) , lequel, dans son essence pure se maintient
pour toujours dans la Parfaite Patience et dans la Paisible
Tranquillité.
L'histoire de Sukhasiddhi
La femme qui devint Sukhasiddhi naquit au Cachemire, dans la même région que Niguma. Issue d'une famille très pauvre, elle vivait très modestement, avec son mari, ses trois fils et ses trois filles.
Une année, alors que sévissait la disette, et qu'il ne restait à la maison, pour toutes provisions, qu'un bol de riz, toute la famille partit en quête de nourriture : les trois filles vers le nord, les trois fils à l'ouest, et le père au sud. Seule la mère resta à la maison. Alors qu'elle y était seule, vint un mahâsiddha qui, par sa clairvoyance, sut qu'elle avait quelques provisions cachées. Il lui expliqua qu'il n'avait pas mangé depuis fort longtemps, et la supplia de lui donner un peu de riz. Emue par sa supplique et ses vertus, elle consentit. Elle cuisina le riz, le lui offrit, et en mangea un peu elle-même.
Quand les autres membres de la famille revinrent de leur recherche, bredouilles et affamés, ils demandèrent qu'elle prépare les dernières provisions, et elle dut avouer toute l'histoire, prétextant qu'elle avait agi ainsi car elle était sûre qu'ils rapporteraient quelque chose. Furieux, ils la chassèrent.
Su les conseils de voisins, elle se dirigea vers l'ouest et atteignit le pays d'Oddiyâna. C'était un pays merveilleux, prospère avec des habitants généreux. Arrivant à l'époque des récoltes, elle mendia, reçut une grande quantité de riz, duquel elle fit de la bière qu'elle vendit. L'argent qu'elle gagna lui permit d'acheter ce dont elle avait besoin, et d'installer un négoce de bière. Finalement, elle ouvrit une brasserie. Parmi les habitués, chaque jour, venait une jeune fille qui ne consommait jamais, mais lui achetait toujours bière et viande. Un jour, elle s'enquit de son activité et la jeune fille lui expliqua que, non loin dans la montagne vivait le mahâsiddha Virûpa, qu'elle l'approvisionnait quotidiennement. La mère dit alors : Dans ce cas, considérez ma bière comme une offrande pour lui. Et elle lui expliqua toute sa mésaventure.
Par la suite, elle lui offrit, chaque jour, en grande quantité, sa meilleure bière. Quelque temps plus tard, Virûpa demanda à sa jeune intendante comment elle pouvait lui apporter tant de bière sans qu'il ne lui en coutât jamais aucun argent. La jeune fille lui dit toute l'histoire, expliquant que la bière venait d'une vieille femme qui avait pour lui une grande dévotion. Virûpa dit alors : Cette femme doit avoir un excellent karma ; si je la rencontrais, je pourrais la diriger vers la pleine libération.
L'histoire fut rapportée à la vieille femme, qui fut enthousiaste et, avec de généreuses offrandes de bière et de viande, elle s'en alla visiter Virûpa. Il lui conféra une initiation qui, instantanément, l'amena à la réalisation d'une dâkinî d'expérience primordiale, dans l'esprit et dans le corps. Alors qu'elle avait déjà soixante et un ans, elle reprit la forme d'une jeune fille de seize ans, et devint connue sous le nom de Sukhasiddhi.
Elle eut la même réalisation que Niguma, reçut aussi des transmissions directement de Vajradhâra et, depuis lors, voici plus de mille ans, les êtres qualifiés peuvent encore la rencontrer, inchangée dans son aspect juvénile.
Elle fut l'un des principaux maîtres de Khyungpo Neljor, qui la rencontra dans un charnier où elle apparut sous une forme blanche, brillante, lumineuse, la main dans le " geste non-né ", entourée d'une cohorte d'autres dâkinîs et de nuées de lumière. Sukhasiddhi lui transmit ses enseignements et lui prédit qu'il en serait le principal détenteur. Ils ont été transmis jusqu'à nos jours comme les enseignements de Sukhasiddhi.
Kalou Rinpoché, La voie du Bouddha, Points Sagesse, 2010, p. 279-81.
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Lankavâtara Sûtra
Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse
Chapitre VIII L'accession à
l'Auto-Réalisation
Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Je vous en prie, dites-nous en plus sur ce qui constitue l'état d'auto-réalisation?
L'état d'auto-réalisation
Le Béni du Ciel répondit: Dans la vie d'un disciple
sincère il y a deux aspects qu'il doive distinguer: ce
sont l'état d'attachement aux natures propres, état
qui provient de la discrimination de lui-même et du champ
de conscience auquel il est apparenté; et ensuite, l'excellent
état exalté de l'auto-réalisation de la
Noble Sagesse. Cet état d'attachement aux discriminations
de la nature propre des choses, des idées et du soi s'accompagne
d'émotions de plaisir ou d'aversion selon l'expérience
ou ainsi qu'il est exposé dans les livres de logique.
Se conformant à l'absence d'existence-propre des choses
et repoussant les vues fausses sur son existence-propre, il
doit abandonner ces pensées et s'en tenir fermement au
trajet d'ascension continue par toutes les étapes.
L'état exalté de l'auto-réalisation tel
qu'il se rapporte à un disciple sincère est un
état de concentration mentale dans lequel il cherche
à s'identifier à la Noble Sagesse. Dans cet effort
il doit tenter d'annihiler toutes les pensées et notions
errantes qui relèvent de l'externalité des choses,
et toute idée d'individualité et de généralité,
de souffrance et d'impermanence, et cultiver l'idée la
plus noble de l'absence d'existence-propre, de la vacuité
et de l'absence d'image; c'est ainsi qu'il accédera à
une réalisation de la vérité qui soit libre
de passion et qui sera pour toujours sereine. Lorsque cet effort
actif de concentration mentale réussit il est suivi d'un
état de Samadhi plus passif et réceptif, dans
lequel le disciple sincère va pénétrer
dans le domaine bienheureux de la Noble Sagesse et où
il fera l'expérience de ses achèvements dans les
transformations de Samapatti. Ceci sera la première expérience
pour un disciple sincère de l'état exalté
de réalisation, mais pour l'heure il n'y aura pas encore
d'abandon de l'énergie de l'habitude ni de libération
des transformations de la mort.
La compassion
Ayant atteint cet état exalté et bienheureux de
réalisation dans la mesure où il peut être
atteint par les disciples, le Bodhisattva ne doit pas s'adonner
à la jouissance de sa béatitude, car cela signifierait
la cessation, mais il doit penser avec compassion aux autres
êtres et maintenir frais ses vœux originels; il ne
devrait jamais se reposer ni s'adonner à la béatitude
des Samadhis.
Se débarrasser des discriminations
et des attachements
Cependant, Mahâmati, les disciples sincères continuent
de tenter d'avancer sur la voie qui amène à la
pleine réalisation. Il y a un danger contre lequel ils
doivent être prévenus. Les disciples peuvent ne
pas apprécier que le système mental, à
cause de son énergie de l'habitude accumulée,
continue de fonctionner, plus ou moins inconsciemment, aussi
longtemps qu'ils vivent. Ils peuvent parfois penser qu'ils peuvent
accélérer l'accession à leur but de tranquillisation
en supprimant entièrement les activités du système
mental. Ceci est une erreur, car même si les activités
de l'esprit étaient supprimées, l'esprit continuerait
encore de fonctionner parce que les semences de l'énergie
de l'habitude y demeureront. Ce qu'ils croient être l'extinction
de l'esprit, n'est en réalité que le non-fonctionnement
du monde extérieur de l'esprit auquel ils ne sont plus
attachés. C'est-à-dire que le but de la tranquillisation
ne s'atteint pas en supprimant toute activité de l'esprit
mais en se débarrassant des discriminations et des attachements.
Naissance-mort et nirvana
ne sont pas séparés l'un de l'autre
Ensuite, il y en a d'autres qui, par peur de la souffrance qui
tient aux discriminations de la vie et de la mort, recherchent
imprudemment le Nirvâna. Ils en sont venus à voir
que toutes les choses sujettes à la discrimination n'ont
pas de réalité et s'imaginent ainsi que le Nirvâna
doit consister dans l'annihilation des sens et de leur champs
de sensation; ils ne se rendent pas compte que la naissance-et-mort
et le Nirvâna ne sont pas séparés l'un de
l'autre. Ils ne savent pas que le Nirvâna est l'Esprit
universel dans sa pureté. C'est pourquoi ces personnes
stupides qui s'accrochent à la notion que le Nirvâna
est un monde par lui-même extérieur à ce
qui est vu par l'esprit, ignorant tous les enseignements des
Tathagatas à propos du monde extérieur, continuent
de rouler eux-mêmes avec la roue de la naissance-et-mort.
Mais quand ils font l'expérience du "retournement"
au plus profond de leur conscience qui doit entraîner
la parfaite auto-réalisation de la Noble Sagesse, alors
ils comprennent.
Le système mental,
agent de médiation entre le monde extérieur et
l'Esprit universel
… Pour faire tout cela, le Bodhisattva doit bien se garder
de tous troubles, excitations sociales et endormissements; qu'il
se garde des traités et écrits des philosophes
mondains, et du rituel et des cérémonies des prêtres
professionnels. Qu'il se retire dans un endroit isolé,
dans les forêts et qu'il s'y consacre à la pratique
des diverses disciplines spirituelles, car ce n'est qu'ainsi
qu'il deviendra capable d'atteindre en ce monde de multiplicités
une vraie pénétration du fonctionnement de l'Esprit
universel dans son Essence. Là, entourés par leurs
bons amis les Bouddhas, les disciples sincères seront
capables de comprendre la signification du système mental
et sa place en tant qu'agent de médiation entre le monde
extérieur et l'Esprit universel, et il deviendra capable
de traverser l'océan de la naissance-et-mort qui surgit
de l'ignorance, du désir et des actes.
La discipline indispensable
… Il lui faudrait alors se discipliner lui-même dans
la Noble Sagesse selon ses trois aspects.
Ces aspects sont: Tout d'abord, l'absence d'image qui vient
au premier plan quand tout ce qui appartient à l'état
de disciple, de maître et de philosophe est absolument
maîtrisé. En second, le pouvoir ajouté par
tous les bouddhas en raison de leurs voeux originels y-compris
l'identification de leurs vies, le partage de leurs vies et
de leurs mérites avec toutes les formes sensibles de
vie. Troisièmement, la parfaite auto-réalisation
que cela n'a été jusque là réalisé
que dans une certaine mesure. Alors que le Bodhisattva réussit
à se détacher lui-même de la considération
de toutes choses, y-compris sa propre existence propre imaginées,
dans leur phénoménalité, et réalise
les états de Samadhi et de Samapatti par lesquels il
compasse le monde comme une vision et un rêve, soutenu
par tous les bouddhas, il sera capable de poursuivre vers la
pleine réalisation du stade de Tathagata, qui est la
Noble Sagesse elle-même. Ceci est la triplicité
de la noble vie et c'est équipée de cette triplicité
que l'on atteint la parfaite auto-réalisation de la Noble
Sagesse.
Au-delà des étapes
nécessaires, la purification instantanée
… Mais du bien sans écoulements qui vient avec l'auto-réalisation
de la Noble Sagesse, il y a une purification qui vient de façon
instantanée par la grâce des Tathagatas. C'est
comme un miroir qui reflète toutes formes et images de
façon instantanée et sans discrimination; c'est
comme le soleil ou la lune qui révèle toutes formes
de façon instantanée et les illumine sans passion
avec sa lumière. De la même manière les
Tathagatas conduisent les disciples sincères à
un état d'absence d'image; toutes les accumulations de
l'énergie de l'habitude et du karma qui s'accumule depuis
des temps immémoriaux à cause d'attachement à
des vues erronées qui ont été nourries
à propos d'une âme dotée d'une existence-propre
et de son monde extérieur, sont nettoyées, révélant
ainsi de façon instantanée le domaine de l'Intelligence
transcendantale qui appartient à la Bouddhéité.
Tout comme l'Esprit universel souillé par des accumulations
d'énergie de l'habitude et de karma révèle
des multiplicités d'âmes-egos et de leur mondes
extérieurs de fausse-imagination, de même l'Esprit
universel nettoyé de ses souillures par les purifications
graduelles des mauvais écoulements qui viennent par l'effort,
l'étude et la méditation, et par l'auto-réalisation
graduelle de la Noble Sagesse brille, à la toute fin,
de façon instantanée, comme le Dharmata Bouddha
brillant spontanément des rayons qui sortent de sa pure
nature propre. Par lui, la mentalité de tous les Bodhisattvas
mûrit de façon
instantanée: ils se trouvent eux-mêmes dans les
demeures palatiales des cieux Akanistha, qui eux-mêmes
irradient spontanément les divers trésors de son
abondance spirituelle.
Gampopa rencontre Milarepa
Gampopa avait l'habitude de faire quotidiennement des circumambulations autour d'un stûpa. Un jour, alors que sévissait en cette région une grave famine, tout en circumambulant, il surprit la conversation de trois mendiants.
L'un disait : J'aimerais bien être le roi et avoir tout son or pour me payer un festin. L'autre : Si seulement je pouvais avoir un thé et un bon bol de soupe, ce serait déjà merveilleux. Et le troisième : Moi ce que je voudrais le plus, ce serait de rencontrer le grand yogi Milarepa, lui qui vit seul dans les montagnes et qui n'a besoin d'autre nourriture que celle du samâdhi.
Ce nom de Milarepa eut en Gampopa une résonance qui éveilla une émotion au plus profond de son être. Tout de suite, il voulut en savoir plus et alla trouver le mendiant : Qui est ce Milarepa ? Que fait-il ? - Milarepa est un yogi ermite, un être merveilleusement accompli qui vit dans les montagnes.
Et, à sa requête, il lui expliqua où et comment le trouver. Au même moment, dans les montagnes, Milarepa donnait des enseignements, entouré d'un certain nombre de disciples. Il leur dit : Dans quelques jours, va venir du sud pour me rencontrer un excellent moine qui est un véritable bodhisattva. Si certains d'entre vous peuvent l'aider, ce sera particulièrement positif et cela vous aidera grandement à progresser vers l'éveil.
Bientôt, Gampopa arriva dans la région où vivait Milarepa. Il rencontra l'une de ses disciples, qui avait entendu la prédication. Gampopa lui dit : Je viens du sud à la recherche de Milarepa le yogi ; sauriez-vous où il est ? Et la femme : Tu viens du Sud, tu es moine… Tu dois être le grand bodhisattva dont Milarepa a prédit l'arrivée. Je vais t'aider à aller à sa rencontre : il nous a tous encouragés.
Gampopa pensa : Je dois être quelqu'un d'extraordinaire, pour que le grand Milarepa ait fait une telle prédiction et il s'enorgueillit intérieurement. Quand, conduit par la femme, il arriva auprès de Milarepa, celui-ci, grâce à ses connaissances extraordinaires, put voir son état d'esprit. Et, bien que ce fût un noble moine, pendant quinze jours, il ne lui donna audience. L'attente fit retomber l'orgueil de Gampopa, quand finalement Milarepa, assis dans sa grotte, l'appela. Gampopa, en arrivant, fit respectueusement trois prosternations, puis Milarepa l'invita à s'asseoir : Bienvenue ! Tiens, bois ! dit-il en lui tendant un crâne rempli d'alcool.
Gampopa, décontenancé, hésita. D'un côté, il ne pouvait refuser ce que lui offrait celui qu'il venait de rencontrer pour recevoir des enseignements, mais d'un autre côté, un bon moine ne pouvait boire cet alcool. Le dilemme était terrible. Milarepa insista. Ne tergiverse pas tant : bois ! Alors, cessant toute réflexion, Gampopa but d'un trait tout l'alcool du crâne. C'est excellent ! Voilà qui augure de ta capacité à assimiler tous les enseignements de la lignée.
Gampopa resta très longtemps auprès de Milarepa : il reçut les enseignements, les pratiqua, en développa une compréhension profonde et il arriva à la réalisation.
Kalou Rinpoché, La voie du Bouddha, Points Sagesse, 2010, p. 285-87.
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Peinture tibétaine
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Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse
Avec Monsieur Vincent Cao
Chapitre XIII Nirvâna
Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Je vous en prie, parlez-nous du Nirvâna?
Les significations différentes
du Nirvâna
Le Béni du Ciel répondit: Différentes personnes
utilisent ce terme, le Nirvâna, avec beaucoup de significations
différentes, mais on peut répartir ces gens en
quatre groupes: Il y a ceux qui souffrent, ou qui ont peur de
souffrir, et qui pensent au Nirvâna; il y a des philosophes
qui tentent de discriminer le Nirvâna; il y a la catégorie
des disciples qui pensent au Nirvâna en relation à
eux-mêmes; et finalement, il y a le Nirvâna des
Bouddhas. Ceux qui souffrent ou qui ont peur de souffrir, pensent
au Nirvâna comme une fuite et une récompense. Ils
imaginent que le Nirvâna consiste dans la future annihilation
des sens et des mentations sensorielles; ils ne se rendent pas
compte que ce monde de vie-et-mort et le Nirvâna n'ont
pas à être séparés.
Le Nirvâna n'est pas
une simple cessation des discriminations
… Encore une fois, certains philosophes expliquent la délivrance
comme s'il ne s'agissait que de la simple cessation des discriminations,
comme quand le vent cesse de souffler, ou comme quand quelqu'un
par ses propres efforts réussit à se défaire
des vues dualistes de connaisseur et de connu, ou se défait
des notions de permanence et d'impermanence; ou se débarrasse
des notions de bon et de mauvais; ou surmonte la passion au
moyen de la connaissance: pour eux, le Nirvâna est délivrance.
… Ces vues multiples qu'avancent les philosophes avec leur
divers raisonnements ne sont pas en accord avec la logique,
et ne sont pas non plus acceptables pour les sages. Ils conçoivent
tous le Nirvâna de façon dualiste et dans un rapport
causal; par ces discriminations, les philosophes imaginent le
Nirvâna, mais là où il n'y a ni apparition
ni disparition, comment pourrait-il y avoir discrimination?
Chaque philosophe compte sur son propre manuel, dont il tire
son entendement, et pèche à l'encontre de la vérité,
parce que la vérité n'est pas là où
il l'imagine être. Le seul résultat, c'est que
ça égare son esprit et qu'il en devient encore
plus confus, vu qu'on ne peut pas trouver le Nirvâna par
la recherche mentale, et plus son esprit devient confus, plus
il embrouille les autres.
Le faux Nirväna de ceux
qui n'accèdent pas au retournement
Quant à la notion de Nirvâna telle que la tiennent
disciples et maîtres qui s'accrochent toujours à
la notion d'un Soi, et qui tentent de la trouver en s'isolant
par eux-mêmes dans la solitude: leur notion de Nirvâna
est une éternité de béatitude semblable
à la béatitude des Samadhis pour eux-mêmes.
Ils croient que le monde n'est qu'une manifestation de l'esprit
et que toutes les discriminations sont du fait de l'esprit,
et ils abandonnent donc leurs relations sociales et la pratique
des diverses disciplines spirituelles et recherchent dans la
solitude l'auto-réalisation de la Noble Sagesse par leur
effort propre. Ils suivent les étapes jusqu'à
la sixième et accèdent à la béatitude
des Samadhis, mais comme ils sont toujours attachés à
l'égoïsme, ils n'accèdent pas aux "retournement"
au plus profond de la conscience et c'est pourquoi ils ne sont
pas libres de l'esprit pensant et de l'accumulation de son énergie
de l'habitude. Attachés à la béatitude
des Samadhis, ils passent à leur Nirvâna, mais
ce n'est pas le Nirvâna des Tathagatas. Ils sont de ceux
qui sont "entrés dans le courant"; ils leur
faut retourner à ce monde de la vie et de la mort.
Le vrai Nirvâna et
l'assurance du coeur
… Le Béni du Ciel répondit: Mahâmati,
cette assurance n'est pas une assurance de nombres ni de logique;
ce n'est pas l'esprit qui doit être assuré mais
le coeur. L'assurance du Bodhisattva vient au moment du déploiement
de la pénétration qui suit celui où les
obstacles de la passion sont dégagés, l'obstacle
de la connaissance purifié, et l'absence d'existence
propre clairement perçue et patiemment acceptée.
Comme l'esprit mortel cesse de discriminer, il n'y a plus de
soif de vie, ni de désir sexuel, ni de soif de science,
ni de soif de vie éternelle; avec la disparition de cette
quadruple soif, il n'y a plus d'accumulation de l'énergie
de l'habitude; quand il n'y a plus d'accumulation de l'énergie
de l'habitude, les souillures sur la face de l'Esprit universel
s'en vont, et le Bodhisattva accède à l'auto-réalisation
de la Noble Sagesse qui est l'assurance qu'a le coeur d'accéder
au Nirvâna. Il y a des Bodhisattvas ici et dans d'autres
Terres de Bouddhas, qui se sont sincèrement consacrés
à la mission du Bodhisattva et qui ne peuvent pas encore
oublier totalement la béatitude des Samadhis et la paix
du Nirvâna-pour-eux-mêmes. L'enseignement du Nirvâna
dans lequel il n'y a pas de substrat qui reste derrière,
est révélé selon un sens caché au
bénéfice de ces disciples qui s'accrochent toujours
aux pensées de Nirvâna pour eux-mêmes, afin
qu'ils puissent être inspirés de s'exercer dans
la mission du Bodhisattva d'émancipation pour tous les
êtres. Les Bouddhas de Transformation enseignent une doctrine
de Nirvâna en considération de la situation telle
qu'ils la trouvent, et pour donner un encouragement aux timides
et aux égoïstes. Pour détourner leurs pensées
d'eux-mêmes et pour les encourager à une compassion
plus profonde et à un zèle plus sincère
envers les autres, ils reçoivent une assurance sur le
futur de par le pouvoir de soutien des Bouddhas de Transformation,
mais pas par le Dharmata-Bouddha.
Il n'y a pas de Nirvâna
pour les Bouddhas
Le dharma qui établit La Vérité de la Noble
Sagesse appartient au domaine du Dharmata-Buddha. Pour les Bodhisattvas
des septième et huitième stades, l'Intelligence
transcendantale est révélée par le Dharmata-Buddha
et le Chemin qu'ils ont à suivre leur est montré.
Dans la parfaite auto-réalisation de la Noble Sagesse
qui suit l'inconcevable mort-transformation du contrôle
de la volonté individuelle du Bodhisattva, il ne rivalise
plus avec lui-même, mais la vie qu'il dispute après
cela, c'est la vie universelle du Tathagata telle que manifestée
dans ses transformations. Dans cette parfaite auto-réalisation
de la Noble Sagesse, le Bodhisattva se rend compte que pour
les Bouddhas, il n'y a pas de Nirvâna. La mort d'un Bouddha,
le grand Parinirvâna, n'est ni destruction ni mort, car
autrement il serait naissance et continuation. S'il était
destruction, il serait un acte producteur d'effets, ce qui n'est
pas le cas. Ni n'est il une disparition ou un abandon, ni n'est
il réalisation, et pas non plus une non-réalisation;
ni n'est il signifiant ni non-signifiant, car il n'y a pas de
Nirvâna pour les Bouddhas.
Le Nirvâna est là
où s'exprime le parfait amour pour tous
Le Nirvâna du Tathagata est là où on a reconnu
qu'il n'y a rien sauf ce qui est vue de l'esprit lui-même;
il est là où, ayant reconnu la nature de l'esprit
du soi, on ne chérit plus le dualisme de la discrimination;
il est là où il n'y a plus de soif ni de saisie;
il est là où il n'y a pas plus d'attachement aux
choses extérieures. Le Nirvâna est là où
l'esprit pensant avec toutes ses discriminations, attachements,
aversions et l'égoïsme sont pour toujours mis de
côté; il est là où les mesures logiques,
comme elles s'avèrent inertes, ne sont plus saisies;
il est là où même la notion de vérité
est traitée avec indifférence parce qu'elle est
cause de confusion; il est là où, lorsqu'on se
débarrasse des quatre propositions, il y a pénétration
dans la demeure de la Réalité. Le Nirvâna
est là où la double passion s'est éteinte,
où le double obstacle a été dégagé
et la double absence d'existence propre est patiemment acceptée;
il est là où, par l'accession au "retournement"
au plus profond de la conscience, on entre pleinement dans l'auto-réalisation
de la Noble Sagesse ; qui est le Nirvâna des Tathagatas.
Le Nirvâna est là où les stades du Bodhisattva
sont passés l'un après l'autre; il est là
où le pouvoir de soutien des Bouddhas maintient les Bodhisattvas
dans la béatitude des Samadhis; il est là où
la compassion pour les autres transcende toutes pensées
de soi; il est là où le stade de Tathagata est
finalement réalisé. Le Nirvâna est le domaine
du Dharmata-Bouddha; il est là où la manifestation
de la Noble Sagesse qui est Bouddhéité s'exprime
dans Le Parfait Amour pour tous; il est là où
la manifestation du Parfait Amour, qui est l'Ainsité,
s'exprime dans la Noble Sagesse pour l'éveil de tous
; là, effectivement, se trouve le Nirvâna!
Les choses sont par nature
non-nées
…Allons plus loin, Mahâmati. Selon l'enseignement
des Tathagatas du passé, du présent et de l'avenir,
toutes choses sont non-nées. Pourquoi ? Parce qu'elles
n'ont pas de réalité, étant des manifestations
du Mental lui-même ; et, Mahâmati, comme elles ne
sont pas nées de l'être ni du non-être, elles
sont non-nées. Mahâmati, toutes choses sont comme
des cornes de lièvre, de cheval, d'âne ou de chameau,
mais les ignorants ou les esprits simples, prisonniers de leurs
imaginations fausses, discriminent les choses où elles
ne sont pas discriminables ; donc, toutes choses sont non-nées.
Le fait que choses soient par nature non-nées, Mahâmati,
est du domaine de la réalisation intérieure, obtenue
par la noble sagesse et non du domaine de la discrimination
dualiste tant prisée par les ignorants et les esprits
simples.
La nature propre et les signes caractéristiques du corps,
propriété, le domicile - ces choses surgissent
quand les ignorants considèrent l'Alayavijñana
comme un processus de saisie ou de prise ; ils tombent alors
dans une vue dualiste de l'existence où ils voient son
surgissement, sa durée et sa dissipation, en se faisant
l'idée que toutes choses sont nées et sujettes
à discrimination quant à leur être ou à
leur non-être. Donc, Mahâmati, tu devrais t'entraîner
à la discipline (c'est dire à la réalisation
intérieure).
L'éveil de Mipam Gönpo
Il y eut autrefois au Tibet un homme du nom de Mipam Gönpo, qui estimait beaucoup le dharma mais avait passé toute sa vie à faire du commerce et à s'occuper de toutes sortes d'activités mondaines, tant et si bien qu'il n'avait jamais pris le temps de pratiquer. A l'époque de l'histoire, il avait quatre-vingt-dix-neuf ans, ne pouvait plus se déplacer et devait rester couché toute la journée. Il était fort triste et se disait : J'ai fait du commerce toute ma vie sans pratiquer le dharma, je vais maintenant mourir et ne sais ce qui va se passer.
En cette époque, vivait un très célèbre lama du nom de Vairochana, et le vieil homme pensa : Si au moins je pouvais rencontrer Vairochana et lui demander un enseignement. Vairochana perçut son souhait et vint un jour le voir. Il entra : Mais qui êtres-vous ? demanda le vieil homme. - Je suis Vairochana.
Extrêmement heureux, Mipam Gönpo lui expliqua qu'il allait bientôt mourir et qu'il aimerait recevoir un enseignement. Vairochana lui dit : Je vais te donner un enseignement, mais assieds-toi ; quand on est allongé, l'esprit n'est pas clair. Il eut du mal à s'asseoir et, comme il ne pouvait garder l'assise, il utilisa ce qu'on appelle un bâton de méditation (une sorte de mentonnière avec un support reposant au sol) et une ceinture de méditation, qui lui permirent de se tenir à peu près droit. Vairochana lui donna ensuite les instructions de Mahâmudrâ, et l'ouvrit à la nature de l'esprit. Le vieil homme put méditer et, en l'espace de quelques jours, il réalisa Mahâmudrâ. Cest là un exemple d'individu de capacité supérieure.
Kalou Rinpoché, La voie du Bouddha, Points Sagesse, 2010,
p. 307-308.