Esther en liaison avec Les Mille et Une Nuits
Chahrazade et Esther, un même sens profond : le mensonge qui concerne la conception de la femme
Non seulement la structure du salut et de la guérison est la même dans les deux textes, mais le sens profond est également très proche. Ce sens concerne la conception de la femme : c'est là que gît le mensonge. La transformation des individus et de la société suppose la prise de conscience d'un tel mensonge et son élimination pour un retour à une conception plus juste.
Dans les Mille et Une Nuits, le roi est malade et s'enferme dans la répétition du meurtre parce qu'il croit que la femme est, par essence, un être lié au mensonge et à la tromperie. Les histoires racontées au fil des nuits montrent que la femme peut tromper. Mais elle est aussi celle qui va sauver le mari trompé et traumatisé. Presque tous les contes ont leur Chahrazade. Ainsi, édifié par sa propre femme, le roi, en écoutant les histoires, va peu à peu se faire à l'idée que toute femme est aussi respectable que l'homme ; tout en étant différente, elle ne lui est en rien inférieure. Il pourra ainsi sortir de sa peur injustifiée, qui en avait fait un meurtrier. En même temps, il ne faut pas oublier que ces textes ont une visée politique. Toute la société, à l'image du monarque, est affectée par le même mensonge au sujet de la femme. Elle ne pourra se transformer et trouver son salut qu'en sortant de ce mensonge, qui la voue à une violence destructrice.
Dans le texte d'Esther, il existe également une conception erronée de la femme qui contribue à structurer toute la société elle-même. Elle doit être soumise aux hommes en général et à son mari en particulier. Lorsque la reine Vasthi a refusé de répondre à l'ordre du roi pour marquer sa différence et sa dignité, le royaume en a été ébranlé et les conseillers d'Assuérus l'ont alerté sur le danger que faisait courir à toute la société un tel comportement. Pour avoir osé affronter "l'homme" royal, elle fut destituée et c'est Esther qui la remplacera. Cette nouvelle reine est présentée comme un nouveau modèle de femme. Elle ose déroger aux règles de la Cour pour porter sa requête en faveur des Juifs, auprès du souverain. Bien plus elle convoque Haman lui-même, c'est-à-dire celui qui a décidé l'élimination des Juifs. Devant le roi, elle dénonce sa forfaiture tissée de mensonges.
En examinant de près le texte, on découvre, semble-t-il, une analyse très judicieuse de la société. Si des complots comme celui d'Haman peuvent exister c'est parce qu'il existe une soumission imposée de la femme à l'homme. Accepter qu'il existe des êtres inférieurs comme la femme, c'est accepter toutes les inégalités qui vont permettre l'asservissement des uns par les autres et, en particulier, l'asservissement des Juifs et leur possible élimination. Autrement dit, à la racine du complot d'Haman et de tous les complots semblables dans le royaume, il y a l'acceptation d'un statut inférieur pour la femme. Esther va entrer en opposition avec une telle conception : non seulement elle est femme mais elle est aussi juive. En sauvant les juifs elle sauve aussi les femmes.
Structure du salut des Juifs
Le Livre d'Esther
8 DÉCRET DE RÉHABILITATION DES JUIFS
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Cette structure du salut est exactement
la même que celle des Mille et Une Nuits
8 L'ALTÉRITÉ RESTAUREE L'individu retrouve son altérité
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3 Meurtre ou tentative de destruction de l'autre
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5 Un sauveur ou un " bon samaritain " se manifeste
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