Interprétation du mythe de la caverne




La caverne de Platon

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Interprétation du mythe de la caverne

- Cette image, mon cher Glaucon, il faut l'appliquer tout entière à ce que nous avons dit auparavant, (b) en assimilant au séjour dans la prison la région qui se présente à nous par 1'entremise de la vue, et, d'autre part, la lumière du feu à 1'intérieur de la prison à l'action du soleil ; puis, en admettant que la montée vers Ie haut et la contemplation de ce qu'il y a en haut représentent la route de 1'âme pour monter vers le lieu intelligible, tu ne te tromperas pas sur ce qui est 1'objet de mon espérance à moi, puisque tu as envie d'en être instruit. Dieu sait sans doute s'il y a chance qu'elle soit fondée ! Voilà en tout cas comment se présente l'évidence de ce qui, à cet égard, est évident pour moi : dans la région du connaissable, tout au bout, la nature du Bien, qu'on a de la peine à voir, mais qui, une fois vue (c) apparaît au raisonnement comme étant en définitive la cause universelle de toute rectitude et de toute beauté ; dans Ie visible, génératrice de la lumière et du souverain de la lumière, étant elle-même souveraine dans 1'intelligible, dispensatrice de vérité et d'intelligence ; à quoi j'ajoutais qu'il faut 1'avoir vue si 1'on veut agir sagement, soit dans la vie privée, soit dans la vie publique.
- J'ai dit-il, moi aussi, la même opinion, sous la forme, bien entendu, dont je suis capable !
- Eh bien! allons, repris-je, aie la même opinion sur la question encore que voici, et ne t'émerveille pas que ceux qui en sont venus à ce point ne consentent pas à prendre les intérêts des hommes pour objet de leur activité ! C'est au contraire dans les hauteurs que leurs âmes sont impatientes de toujours séjourner : (d) ce qui est en effet assez plausible, si c'est vraiment ce que, de son côté, comporte 1'image qui a été précédemment présentée.
- Plausible, assurément, dit-il.
- Mais quoi ? y a-t-il, à ton avis, repris-je, de quoi s'émerveiller si, en quittant ces divines contemplations pour en venir à celles qui sont humaines, il fait triste figure et s'il est visiblement ridicule, lorsque, avec sa vue encore trouble et avant qu'il se soit suffisamment accoutumé à 1'obscurité présente, il est contraint, dans les tribunaux ou quelque part ailleurs, de disputer à propos des ombres de la Justice, ou bien à propos des figurines dont ce sont les ombres, c'est-à-dire d'entrer en contestation sur le point de savoir (e) de quelle sorte peut bien être là-dessus la conception des gens qui jamais n'ont vu la Justice en elle-même ?
- II n'y a même là, dit-il, pas la moindre raison de s'émerveiller !
- Mais, repris-je, pour peu qu'on fût intelligent, (a) on se rappellerait qu'il y a deux espèces de trouble pour la vue, et provenant de deux espèces de cause, et de son passage de la lumière à 1'obscurité, et de celui de l'obscurité à la lumière. Si 1'on admet que cela a lieu identiquement dans le cas aussi de 1'âme, alors, quand on verra une âme se troubler et être impuissante à considérer quelque chose, on ne se mettra pas à rire sans réflexion, mais on examinera si c'est le défaut d'accoutumance qui l'obscurcit parce qu'elle vient d'une existence plus lumineuse; ou bien si, allant d'une ignorance plus grande vers une plus grande luminosité, (b) elle a été remplie d'éblouissement, par 1'excès même de la clarté. Dans ces conditions, 1'une serait louée, certes, du bonheur de son état, de celui de son existence, tandis qu'on aurait pitié de 1'autre ; et, si l'on avait envie de rire d'elle, il y aurait au rire de ce rieur moins de ridicule qu'à celui dont serait 1'objet une âme qui vient d'en haut, qui arrive de la lumière.
- Ah ! fit-il, je crois bien ! voilà exactement ce qu'il faut dire !
- Nous devons, dis-je, si cela est vrai, nous faire dès lors à ce sujet 1'opinion que voici : la culture n'est point ce que certains, qui font profession de la donner, disent qu'elle est. Ils prétendent, si je ne me trompe, que (c) dans une âme au-dedans de laquelle n'est pas Ie savoir, eux, ils l'y déposent, comme si en des yeux aveugles ils déposaient la vision.
- C'est effectivement, dit-il, leur prétention !
- Or, repris-je, ce que fait voir justement le présent langage, c'est qu'au-dedans de son âme chacun possède la puissance du savoir, ainsi que l'organe au moyen duquel chacun acquiert 1'instruction; et que, pareil à un regard supposé incapable, autrement qu'avec le corps tout entier, d'évoluer de ce qui est obscur vers ce qui est lumineux, de même c'est avec 1'âme tout entière que doit s'opérer, à partir de ce qui devient, la conversion de cet organe, jusqu'au moment ou il sera enfin capable, dirigé vers Ie réel, de soutenir la contemplation de ce qu'il y a dans Ie réel de plus lumineux. Or, c'est cela qu'est, déclarons-nous, le Bien. (d) N'est-ce pas en effet ce que nous déclarons ?
- Oui.
- Donc, repris-je, il doit y avoir de cela même, de cette conversion, art du procédé propre à détourner par la suite l'organe avec le plus d'aisance et d'efficacité ; art, non pas de réaliser la vue dans le regard, mais puisqu'il la possède, de lui procurer méthodiquement le résultat dont il s'agit, lorsqu'il n'est pas tourné comme il faut et qu'il ne regarde pas ou il devrait.
-- C'est en effet vraisemblable, dit-il.
Platon, La Pléiade, La République (livre VII, 517a - 518e)

 

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Analyse de l'interprétation du mythe de la caverne