Programme du groupe de la parole 2010-2012




Eglise de Neyron près de chez Colette Dorin

http://www.neyron.fr/

 

Carte

Itinéraire, à partir de la place Bellecour

Itinéraire à partir de la Croix-Rousse

 

Second dimanche du mois du mois à 18 heures

à des lieux différents précisés chaque fois (chez des membres du groupe)

 

Programme du groupe de la parole 2010-2012

Il y a deux problèmes très importants que révèlent les mythes : la violence et la confrontation hommes/femmes. Nous avons souvent évoqué le problème de la violence. Il s'agit pour le cycle 2010-2012 de regrouper nos forces et notre capacité d'investigation pour y voir plus clair en ce qui concerne la confrontation hommes/femmes. C'est ce problème qui est souligné dans les mythes de la chute, dans ceux de Ré et Isis, d'Œdipe et Antigone, Orphée et Eurydice, sans oublier Chahrazade. Une telle question nous interpelle particulièrement en ce moment à travers les évocations du voile, de la burka, de la place faite aux femmes dans la vie sociale et politique. Qu'est-ce qui se cache derrière la peur que soulève le rapport hommes-femmes, en deçà et au-delà même de la sexualité ? Nous reviendrons sur des textes que nous avons déjà travaillés, à part La chute dans le Coran et Chariyar, trompé par sa femme, dans Les Mille et Une Nuits.
Au niveau de la méthode, nous innoverons. En un premier temps, nous ferons un travail d'interprétation comme nous le faisons depuis longtemps. Le mois suivant, en prenant une des phrases les plus suggestives du texte, nous travaillerons à partir de nos ressentis. Cette méthode nouvelle a été testée avec succès dans un autre groupe, au cours de cette année.

Le même programme sera suivi par le Café philosophique à des dates différentes

- Ré et Isis (Égypte)
- La chute dans la Bible
- La chute dans le Coran
- Œdipe et Antigone (Grèce)
- La belle au bois dormant (Europe)
- Orphée et Eurydice (Grèce)
- Chariyar trompé par sa femme (Mille et une Nuits)
- Chahrazade (Mille et Une Nuits)
- La fille tuée sept fois (Chine)
- Comment se rencontrèrent les hommes et les femmes (Indiens d'Amérique)

 

 

 


Dimanche 10 octobre à 18 heures

Ré et Isis (Mythe égyptien)

Paroles du dieu qui vint à l'existence de lui-même, qui créa le ciel, la terre et l'eau, le souffle de la vie et le feu, les divinités et les hommes, le bétail, les serpents, les oiseaux et les poissons ; le roi des hommes et des dieux réunis dont les limites vont au-delà des années, et possédant beaucoup de noms, inconnus de celui-ci ou inconnus de celui-là.

Isis était une femme intelligente ; son cœur était plus habile que celui de millions d'hommes ; elle avait plus de discernement qu'un million de dieux ; elle était plus judicieuse qu'un million d'esprits. Elle n'ignorait rien de ce qui était dans le ciel et sur la terre, à l'égal de Rê, qui avait créé ce qui est sur la terre. Mais elle souhaitait, en son cœur, connaître le nom de ce dieu auguste.

Rê, chaque jour, entrait à la tête de son équipage et s'asseyait sur le trône des Deux Horizons. Le grand âge du dieu rendait sa bouche molle ; aussi laissait-il tomber sa salive sur le sol, ou bien il crachait en la jetant à terre. Isis (un jour) la pétrit en ses mains avec la terre sur laquelle elle se trouvait ; elle lui donna la forme d'un serpent sacré, et le modela tel un trait prêt à s'élancer. Mais, devant elle, il ne bougea pas ; aussi put-elle le placer à la croisée des chemins que le dieu auguste avait coutume de suivre, selon son désir, sur le Double Pays.

Le dieu fit son apparition hors des portes de son palais, tandis que les divinités du palais étaient en sa suite, afin de se promener, comme chaque jour. Alors le serpent sacré le mordit, et le feu de la vie sortit de lui, puis l'animal se cacha dans les roseaux. Le dieu ouvrit la bouche et la voix de Sa Majesté atteignit le ciel. Son Ennéade dit : " Qu'est-ce donc ? Qu'est-ce donc ? " ; ses dieux dirent : " Quoi donc ? Quoi donc ? " Il ne pouvait leur répondre, ses lèvres tremblaient, ses membres étaient secoués, car le poison avait pris possession de son corps, de même que le grand Nil charrie tout derrière lui.

Le grand dieu affermit alors son cœur et il appela ceux qui étaient en sa suite : " Venez à moi, vous qui êtes venus à l'existence hors de mon corps, dieux qui êtes issus de moi, afin que je vous fasse connaître ce qui m'est arrivé. Une chose douloureuse m'a mordu. Mon cœur ne la connaît pas, mes yeux ne l'ont pas vue, ma main ne l'a pas faite. Je ne reconnais en elle aucun des éléments de ma création. Mais je n'ai jamais ressenti une souffrance comme celle-là ; il n'y a rien de plus pénible que cela. Je suis un Souverain, fils de Souverain, une semence divine venue à l'existence comme dieu. Je suis le Grand, fils du Grand, celui dont le nom fut pensé par son père. J'ai beaucoup de noms et beaucoup de formes. Ma forme est aussi en chaque dieu. Je suis celui que l'on appelle Atoum et Horus le loué. Mon père et ma mère m'ont dit mon nom, et je l'ai caché en mon corps hors de portée de mes enfants de peur qu'un pouvoir soit donné à un magicien contre moi. Or je sortais pour voir ce que j'avais créé, je me promenais sur le Double Pays que j'avais fait, lorsqu'une chose me mordit que je ne connais point. Ce n'est pas le feu, ce n'est pas l'eau, mais mon cœur brûle, mon corps tremble et mes membres ont froid. Que mes enfants, les dieux me soient amenés, avec des paroles bénéfiques - les dieux qui savent les formules magiques et dont la connaissance atteint le ciel ".

Alors les enfants du dieu vinrent à lui, chacun d'eux se lamentant. Isis s'en vint avec son pouvoir et ses incantations magiques, possédant le souffle de la vie, avec ses incantations magiques pour repousser la maladie, avec ses paroles capables de rendre la vie à une bouche qui étouffe. Elle dit : " Qu'est-ce-donc ? Qu'est-ce donc ? ô mon divin père ! L'un de tes enfants aurait-il levé la tête à ton encontre ? Alors je le ferai tomber grâce à mon pouvoir magique parfait, et je ferai qu'il soit chassé de la vue de tes rayons ".

Le dieu auguste ouvrit la bouche : " En vérité, je marchais sur le chemin, je me prosternais dans le Double Pays, mon cœur souhaitant de revoir ce que j'avais créé, lorsque je fus mordu par un serpent que je n'aperçus même point. Ce n'est pas le feu, ce n'est pas l'eau, mais je suis plus froid que l'eau et plus chaud que le feu ; tout mon corps transpire, et je tremble ; mon regard n'est pas ferme, je ne vois plus ; et le ciel fait que l'eau inonde mon visage comme au temps de l'été ".

Isis répondit : " Dis-moi ton nom, mon divin père ! Car un homme revit lorsqu'il est appelé par son nom ". - " Je suis celui qui a fait le ciel et la terre, qui a lié les montagnes, qui a créé ce qui existe sur eux. Je suis celui qui a fait l'eau, de telle sorte que la vache nommée Mehet-Ouret put venir à l'existence. J'ai fait le taureau pour la vache, de telle sorte que la jouissance sexuelle vînt aussi à l'existence. Je suis celui qui a fait l'empyrée et les mystères des deux horizons, j'ai placé là les ba des dieux. Je suis celui qui fait venir la lumière lorsqu'il ouvre les yeux, et amène l'obscurité lorsqu'il les ferme. L'eau du Nil coule selon son ordre, celui dont les dieux ignorent le nom. Je suis celui qui a fait venir à l'existence les heures et les jours, je suis celui qui a établi la répartition des fêtes de l'année, et qui a créé le fleuve. Je suis celui qui a fait le feu de la vie, afin de donner existence aux œuvres des temples. Je suis Khepri au matin, Rê au zénith, Atoum dans le soir/ "

- Mais cela n'arrêta pas le poison dans sa course, et le grand dieu ne se remettait point.

Isis dit alors à Rê : " Ton nom n'est pas parmi ceux que tu m'as dits. Dis-le-moi donc, et le poison sortira, car un homme revit lorsque son nom est prononcé ".

Le poison brûlait de toute sa brûlure, il était plus fort que la cuisson du feu. Alors Rê dit : " Prête-moi tes oreilles, ma fille Isis, de telle sorte que mon nom passe de mon corps dans ton corps. Le plus divin des dieux l'a caché, pour que ma place soit vaste dans le navire des millions d'années. Lorsqu'il sera sorti de mon cœur, dis-le à ton fils Horus, en le liant par un serment divin, en ayant placé Dieu devant son regard ". Et le grand dieu divulgua son nom auprès d'Isis, la Grande Magicienne.

" Ecoule-toi, poison du scorpion. Sors de Rê et de l'œil d'Horus ! Sors du dieu, ô brûlant, selon mon incantation ! Je suis celle qui agit et je suis celle qui chasse. Va-t-en dedans la terre, puissant poison ! Vois, le grand dieu a divulgué son nom. Rê vit, le poison est mort ! " - Selon les mots d'Isis, la grande magicienne, la maîtresse des dieux, qui connaît Rê par son nom.

Paroles à prononcer sur une image d'Atoum, Horus le loué, une figure d'Isis et une image d'Horus, peintes sur la main du malade et qui doivent être léchées par cet homme. Cela peut être fait aussi sur une bande de lin très fin que l'on placera sur la gorge du malade. Ceci est un procédé pour agir contre le poison du scorpion. Ou bien encore, on pourra agir de même avec de la bière et du vin qui seront bus par l'homme qu'un scorpion a mordu. C'est cela qui détruit le poison. Vraiment efficace, un million de fois.
(Textes sacrés et textes profanes de l'ancienne Egypte II, traductions et commentaires par Claire Lalouette, Connaissance de l'Orient, Gallimard)

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Analyse de Rê et Isis

 

Groupe de la parole du dimanche 14 novembre 2010 à 18 h.

" Dis-moi ton nom, mon divin père !
Car un homme revit lorsqu'il est appelé par son nom "

Chez Colette Dorin, 8 chemin de Toulevet,
01 700-Neyron le Haut (à côté de l'église)

04 78 55 57 07

" Dis-moi ton nom, mon divin père !
Car un homme revit lorsqu'il est appelé par son nom "

Ce sont les paroles adressées par Isis au dieu Rê, dans le dernier blog. Pour aller plus loin dans notre interrogation et notre réflexion, nous allons, dans ce second temps, changer de registre. Il s'agira non plus d'interpréter à partir du texte mais de parler sur la base de notre ressenti. Qu'évoque, en nous, la phrase prononcée par Isis ?
Rê et Isis (mythe égyptien)

Paroles du dieu qui vint à l'existence de lui-même, qui créa le ciel, la terre et l'eau, le souffle de la vie et le feu, les divinités et les hommes, le bétail, les serpents, les oiseaux et les poissons ; le roi des hommes et des dieux réunis dont les limites vont au-delà des années, et possédant beaucoup de noms, inconnus de celui-ci ou inconnus de celui-là.

Isis était une femme intelligente ; son cœur était plus habile que celui de millions d'hommes ; elle avait plus de discernement qu'un million de dieux ; elle était plus judicieuse qu'un million d'esprits. Elle n'ignorait rien de ce qui était dans le ciel et sur la terre, à l'égal de Rê, qui avait créé ce qui est sur la terre. Mais elle souhaitait, en son cœur, connaître le nom de ce dieu auguste.

Rê, chaque jour, entrait à la tête de son équipage et s'asseyait sur le trône des Deux Horizons. Le grand âge du dieu rendait sa bouche molle ; aussi laissait-il tomber sa salive sur le sol, ou bien il crachait en la jetant à terre. Isis (un jour) la pétrit en ses mains avec la terre sur laquelle elle se trouvait ; elle lui donna la forme d'un serpent sacré, et le modela tel un trait prêt à s'élancer. Mais, devant elle, il ne bougea pas ; aussi put-elle le placer à la croisée des chemins que le dieu auguste avait coutume de suivre, selon son désir, sur le Double Pays.

Le dieu fit son apparition hors des portes de son palais, tandis que les divinités du palais étaient en sa suite, afin de se promener, comme chaque jour. Alors le serpent sacré le mordit, et le feu de la vie sortit de lui, puis l'animal se cacha dans les roseaux. Le dieu ouvrit la bouche et la voix de Sa Majesté atteignit le ciel. Son Ennéade dit : " Qu'est-ce donc ? Qu'est-ce donc ? " ; ses dieux dirent : " Quoi donc ? Quoi donc ? " Il ne pouvait leur répondre, ses lèvres tremblaient, ses membres étaient secoués, car le poison avait pris possession de son corps, de même que le grand Nil charrie tout derrière lui.

Le grand dieu affermit alors son cœur et il appela ceux qui étaient en sa suite : " Venez à moi, vous qui êtes venus à l'existence hors de mon corps, dieux qui êtes issus de moi, afin que je vous fasse connaître ce qui m'est arrivé. Une chose douloureuse m'a mordu. Mon cœur ne la connaît pas, mes yeux ne l'ont pas vue, ma main ne l'a pas faite. Je ne reconnais en elle aucun des éléments de ma création. Mais je n'ai jamais ressenti une souffrance comme celle-là ; il n'y a rien de plus pénible que cela. Je suis un Souverain, fils de Souverain, une semence divine venue à l'existence comme dieu. Je suis le Grand, fils du Grand, celui dont le nom fut pensé par son père. J'ai beaucoup de noms et beaucoup de formes. Ma forme est aussi en chaque dieu. Je suis celui que l'on appelle Atoum et Horus le loué. Mon père et ma mère m'ont dit mon nom, et je l'ai caché en mon corps hors de portée de mes enfants de peur qu'un pouvoir soit donné à un magicien contre moi. Or je sortais pour voir ce que j'avais créé, je me promenais sur le Double Pays que j'avais fait, lorsqu'une chose me mordit que je ne connais point. Ce n'est pas le feu, ce n'est pas l'eau, mais mon cœur brûle, mon corps tremble et mes membres ont froid. Que mes enfants, les dieux me soient amenés, avec des paroles bénéfiques - les dieux qui savent les formules magiques et dont la connaissance atteint le ciel ".

Alors les enfants du dieu vinrent à lui, chacun d'eux se lamentant. Isis s'en vint avec son pouvoir et ses incantations magiques, possédant le souffle de la vie, avec ses incantations magiques pour repousser la maladie, avec ses paroles capables de rendre la vie à une bouche qui étouffe. Elle dit : " Qu'est-ce-donc ? Qu'est-ce donc ? ô mon divin père ! L'un de tes enfants aurait-il levé la tête à ton encontre ? Alors je le ferai tomber grâce à mon pouvoir magique parfait, et je ferai qu'il soit chassé de la vue de tes rayons ".

Le dieu auguste ouvrit la bouche : " En vérité, je marchais sur le chemin, je me prosternais dans le Double Pays, mon cœur souhaitant de revoir ce que j'avais créé, lorsque je fus mordu par un serpent que je n'aperçus même point. Ce n'est pas le feu, ce n'est pas l'eau, mais je suis plus froid que l'eau et plus chaud que le feu ; tout mon corps transpire, et je tremble ; mon regard n'est pas ferme, je ne vois plus ; et le ciel fait que l'eau inonde mon visage comme au temps de l'été ".

Isis répondit : " Dis-moi ton nom, mon divin père ! Car un homme revit lorsqu'il est appelé par son nom ". - " Je suis celui qui a fait le ciel et la terre, qui a lié les montagnes, qui a créé ce qui existe sur eux. Je suis celui qui a fait l'eau, de telle sorte que la vache nommée Mehet-Ouret put venir à l'existence. J'ai fait le taureau pour la vache, de telle sorte que la jouissance sexuelle vînt aussi à l'existence. Je suis celui qui a fait l'empyrée et les mystères des deux horizons, j'ai placé là les ba des dieux. Je suis celui qui fait venir la lumière lorsqu'il ouvre les yeux, et amène l'obscurité lorsqu'il les ferme. L'eau du Nil coule selon son ordre, celui dont les dieux ignorent le nom. Je suis celui qui a fait venir à l'existence les heures et les jours, je suis celui qui a établi la répartition des fêtes de l'année, et qui a créé le fleuve. Je suis celui qui a fait le feu de la vie, afin de donner existence aux œuvres des temples. Je suis Khepri au matin, Rê au zénith, Atoum dans le soir/ "

- Mais cela n'arrêta pas le poison dans sa course, et le grand dieu ne se remettait point.

Isis dit alors à Rê : " Ton nom n'est pas parmi ceux que tu m'as dits. Dis-le-moi donc, et le poison sortira, car un homme revit lorsque son nom est prononcé ".

Le poison brûlait de toute sa brûlure, il était plus fort que la cuisson du feu. Alors Rê dit : " Prête-moi tes oreilles, ma fille Isis, de telle sorte que mon nom passe de mon corps dans ton corps. Le plus divin des dieux l'a caché, pour que ma place soit vaste dans le navire des millions d'années. Lorsqu'il sera sorti de mon cœur, dis-le à ton fils Horus, en le liant par un serment divin, en ayant placé Dieu devant son regard ". Et le grand dieu divulgua son nom auprès d'Isis, la Grande Magicienne.

" Ecoule-toi, poison du scorpion. Sors de Rê et de l'œil d'Horus ! Sors du dieu, ô brûlant, selon mon incantation ! Je suis celle qui agit et je suis celle qui chasse. Va-t-en dedans la terre, puissant poison ! Vois, le grand dieu a divulgué son nom. Rê vit, le poison est mort ! " - Selon les mots d'Isis, la grande magicienne, la maîtresse des dieux, qui connaît Rê par son nom.

Paroles à prononcer sur une image d'Atoum, Horus le loué, une figure d'Isis et une image d'Horus, peintes sur la main du malade et qui doivent être léchées par cet homme. Cela peut être fait aussi sur une bande de lin très fin que l'on placera sur la gorge du malade. Ceci est un procédé pour agir contre le poison du scorpion. Ou bien encore, on pourra agir de même avec de la bière et du vin qui seront bus par l'homme qu'un scorpion a mordu. C'est cela qui détruit le poison. Vraiment efficace, un million de fois.
(Textes sacrés et textes profanes de l'ancienne Egypte II, traductions et commentaires par Claire Lalouette, Connaissance de l'Orient, Gallimard)

Internet : http://www.etienneduval.fr/groupedelaparole/

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Analyse synthétique

 

Groupe de la parole du dimanche 12 décembre 2010 à 18 heures

Homme et femme dans le récit de la chute

Chez Alain et Marie-Madeleine Culem,
22, avenue Condorcet, 69100 Villeurbanne

Charpennes, tram T1, arrêt Condorcet
ou 27, dir. Laurent Bonnevay, arrêt Place Wilson

Tél. 04 78 17 71 80
06 75 47 77 21

La chute dans la Bible

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs
Que Yahvé avait faits.
Il dit à la femme : "Alors Dieu a dit :
Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ?"
La femme répondit au serpent :
"Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin.
Mais du fruit qui est au milieu du jardin, Dieu a dit :
Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, sous peine de mort."
Le serpent répliqua à la femme :
"Pas du tout ! Vous ne mourrez pas !
Mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez,
Vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux,
Qui connaissent le bien et le mal."
La femme vit que l'arbre était bon à manger et séduisant à voir,
Et qu'il était, cet arbre, désirable pour acquérir le discernement.
Elle prit de son fruit et mangea.
Elle en donna aussi à son mari,
Qui était avec elle, et il mangea.
Alors leurs yeux à tous deux s'ouvrirent
Et ils connurent qu'ils étaient nus ;
Ils cousirent des feuilles de figuier et se firent des pagnes.

Ils entendirent le pas de Yahvé Dieu,
Qui se promenait dans le jardin à la brise du jour,
Et l'homme et la femme se cachèrent devant Yahvé Dieu
Parmi les arbres du jardin.
Yahvé Dieu appela l'homme : "Où es-tu ?" dit-il.
"J'ai entendu ton pas dans le jardin, répondit l'homme :
J'ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché."
Il reprit : "Et qui t'a appris que tu étais nu ?
Tu as donc mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger !"
L'homme répondit : "C'est la femme que tu as mise auprès de moi
Qui m'a donné de l'arbre et j'ai mangé !"
Yahvé Dieu dit à la femme : "Qu'as-tu fait là ?"
Et la femme répondit : "C'est le serpent
Qui m'a séduite et j'ai mangé."

Alors Yahvé Dieu dit au serpent : Parce que tu as fait cela,
Maudit sois-tu entre tous les bestiaux
Et toutes les bêtes sauvages.
Tu marcheras sur ton ventre
Et tu mangeras de la terre tous les jours de ta vie.
Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien.
Il t'écrasera la tête et tu l'atteindra au talon."


A la femme il dit : "Je multiplierai les peines de tes grossesses,
Dans la peine, tu enfanteras des fils.
Ta convoitise te poussera vers ton mari
Et lui dominera sur toi."

A l'homme il dit : "Parce que tu as écouté la voix de la femme
Et que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais interdit de manger,
Maudit soit le sol à cause de toi !
A force de peine tu en tireras subsistance
Tous les jours de ta vie.
Il produira pour toi épines et chardons
Et tu mangeras l'herbe des champs.
A la sueur de ton visage, tu mangeras ton pain,
Jusqu'à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré.
Car tu es glaise et tu retourneras à la glaise."

L'homme appela sa femme "Eve",
Parce qu'elle fut la mère de tous les vivants.
Yahvé fit à l'homme et à sa femme des tuniques de peau et les en vêtit.
Puis Yahvé Dieu dit : "Voilà que l'homme est devenu comme l'un de nous,
Pour connaître le bien et le mal !
Qu'il n'étende pas maintenant la main,
Ne cueille aussi de l'arbre de vie,
N'en mange et ne vive pour toujours !"
Et Yahvé Dieu le renvoya du jardin d'Eden
Pour cultiver le sol d'où il avait été tiré.
Il bannit l'homme et il posta devant le jardin d'Eden les chérubins
Et la flamme du glaive fulgurant
Pour garder le chemin de l'arbre de vie.
(Bible de Jérusalem, Genèse, 3, 1-24)

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Analyse de la chute

Groupe de la parole du dimanche 9 janvier 2011 à 18 h.

" Je mettrai une hostilité entre toi et la femme,
Entre ton lignage et le sien.
Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon.
"

Chez Colette Dorin, 8 chemin de Toulevet,
01 700-Neyron le Haut (à côté de l'église)

04 78 55 57 07


Yahvé Dieu dit au serpent :
" Je mettrai une hostilité entre toi et la femme,
Entre ton lignage et le sien.
Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon."

Dans le récit de la chute, nous nous attendions à une malédiction de la femme. Or, en un premier temps, c'est apparemment le contraire qui arrive. Yahvé n'identifie pas la femme au serpent : il les sépare pour ouvrir l'espace de l'avenir. Chacun est invité comme précédemment à exprimer, à partir de son ressenti, ce qu'évoque pour lui cette affirmation divine.
Récit de la chute dans la Genèse


Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs
Que Yahvé avait faits.
Il dit à la femme : "Alors Dieu a dit :
Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ?"
La femme répondit au serpent :
"Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin.
Mais du fruit qui est au milieu du jardin, Dieu a dit :
Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, sous peine de mort."
Le serpent répliqua à la femme :
"Pas du tout ! Vous ne mourrez pas !
Mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez,
Vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux,
Qui connaissent le bien et le mal."
La femme vit que l'arbre était bon à manger et séduisant à voir,
Et qu'il était, cet arbre, désirable pour acquérir le discernement.
Elle prit de son fruit et mangea.
Elle en donna aussi à son mari,
Qui était avec elle, et il mangea.
Alors leurs yeux à tous deux s'ouvrirent
Et ils connurent qu'ils étaient nus ;
Ils cousirent des feuilles de figuier et se firent des pagnes.

Ils entendirent le pas de Yahvé Dieu,
Qui se promenait dans le jardin à la brise du jour,
Et l'homme et la femme se cachèrent devant Yahvé Dieu
Parmi les arbres du jardin.
Yahvé Dieu appela l'homme : "Où es-tu ?" dit-il.
"J'ai entendu ton pas dans le jardin, répondit l'homme :
J'ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché."
Il reprit : "Et qui t'a appris que tu étais nu ?
Tu as donc mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger !"
L'homme répondit : "C'est la femme que tu as mise auprès de moi
Qui m'a donné de l'arbre et j'ai mangé !"
Yahvé Dieu dit à la femme : "Qu'as-tu fait là ?"
Et la femme répondit : "C'est le serpent
Qui m'a séduite et j'ai mangé."

Alors Yahvé Dieu dit au serpent : Parce que tu as fait cela,
Maudit sois-tu entre tous les bestiaux
Et toutes les bêtes sauvages.
Tu marcheras sur ton ventre
Et tu mangeras de la terre tous les jours de ta vie.
Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien.
Il t'écrasera la tête et tu l'atteindra au talon."


A la femme il dit : "Je multiplierai les peines de tes grossesses,
Dans la peine, tu enfanteras des fils.
Ta convoitise te poussera vers ton mari
Et lui dominera sur toi."

A l'homme il dit : "Parce que tu as écouté la voix de la femme
Et que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais interdit de manger,
Maudit soit le sol à cause de toi !
A force de peine tu en tireras subsistance
Tous les jours de ta vie.
Il produira pour toi épines et chardons
Et tu mangeras l'herbe des champs.
A la sueur de ton visage, tu mangeras ton pain,
Jusqu'à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré.
Car tu es glaise et tu retourneras à la glaise."
L'homme appela sa femme "Eve",
Parce qu'elle fut la mère de tous les vivants.
Yahvé fit à l'homme et à sa femme des tuniques de peau et les en vêtit.
Puis Yahvé Dieu dit : "Voilà que l'homme est devenu comme l'un de nous,
Pour connaître le bien et le mal !
Qu'il n'étende pas maintenant la main,
Ne cueille aussi de l'arbre de vie,
N'en mange et ne vive pour toujours !"
Et Yahvé Dieu le renvoya du jardin d'Eden
Pour cultiver le sol d'où il avait été tiré.
Il bannit l'homme et il posta devant le jardin d'Eden les chérubins
Et la flamme du glaive fulgurant
Pour garder le chemin de l'arbre de vie.
(Bible de Jérusalem, Genèse, 3, 1-24)
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Analyse rapide de Genèse 3, 15

 

Groupe de la parole du dimanche 13 février à 18 heures

Chez Marie-Louise et Yves Jaffrès, 30, rue Chazière 69 004 Lyon

(à droite en arrivant)

Tél. 04 78 30 81 41

La chute dans le Coran

Nous vous avons créés et de plus façonnés. Et pour comble, Nous dîmes aux anges : " Prosternez-vous devant Adam ". Ils le firent, à l'exception d'Iblis, qui n'était pas des prosternants.
Dieu lui dit : " Qu'est-ce qui t'empêche de te prosterner, quand Je te l'ai enjoint ? - Je vaux mieux qu'Adam, dit-il, Tu m'as réé de feu, lui d'argile ".
Dieu dit : "Descends d'ici : tu n'es pas en mesure d'y faire l'orgueilleux. Sors. Abject sois-tu entre tous ! "
Satan dit : " Ajourne-moi aux jours de leur résurrection ".
Dieu dit : " Ajourné sois-tu ".
Il dit : " De ce même égarement dont Tu m'as affligé, je veux hanter pour eux Ta voie de rectitude ;
Que dis-je ? fondre sur eux de devant, de derrière, de droite et de gauche : Tu n'en trouveras pas beaucoup pour T'être reconnaissants ".
Dieu dit : " Sors d'ici dans la déchéance et l'exil. Quiconque parmi eux te suivra… que de vous tous ensemble J'emplisse la Géhenne ! "
Et aussi : " Toi Adam, ainsi que ton épouse, habitez le Jardin, mangez de ce que vous voudrez, mais n'approchez pas de cet arbre : vous seriez des iniques ".
Alors Satan leur chuchota, de sorte à leur découvrir ce qui de leurs parties honteuses leur demeurait jusque là caché : " Votre Seigneur ne vous a interdit cet arbre, dit-il, que pour vous empêcher d'être deux anges ou des éternels ".
Et de leur jurer : " Je suis pour vous le meilleur des conseillers ".
Ainsi perfidement les faisait-il dévaler. Alors, dès qu'ils eurent goûter à l'arbre, ils découvrirent leur sexe et commencèrent par tresser dessus des feuilles du Jardin. Cependant leur Seigneur les héla : " Ne vous avais-je pas interdit cet arbre, et prévenus que Satan est pour vous un ennemi déclaré ? "
- " Notre Seigneur, dirent-ils, nous deux, nous venons d'être iniques envers nous-mêmes. A moins que Tu ne nous pardonnes et ne nous dispenses Ta Miséricorde, sûr que nous sommes des perdants entre tous ".

Dieu dit : " Descendez ! L'un de l'autre ennemi vous serez. Toutefois sur la terre vous aurez établissement, et jouissance pour un temps. Vous y vivrez, dit-il, vous y mourrez, et puis l'on vous fera sortir…
O Fils d'Adam, nous avons fait descendre sur vous une vêture pour cacher votre honte, et comme plumage, mais la vêture de se prémunir vaut davantage ".
- Autant de signes de Dieu, destinés à vous faire méditer.
O Fils d'Adam, que ne vous séduise le Satan, de même qu'il fit sortir vos parents du Jardin en leur ôtant leur vêture leur découvrir leur honte. Car il vous voit, lui et sa gent, par où vous ne le voyez point. Nous avons donné les satans comme protecteurs aux incroyants…
Le Coran, traduction de Jacques Berque, Sourate VII, Les Redans, 11-27

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Analyse du récit de la chute dans le Coran

 

Groupe de la parole du dimanche 13 mars 2011 à 18 h.

Chez Colette Dorin, 8 chemin de Toulevet,
01 700-Neyron le Haut (à côté de l'église)

04 78 55 57 07

Conformément au choix qui a été fait par le groupe, nos échanges se feront à partir des deux phrases suivantes :

" O Fils d'Adam, que ne vous séduise le Satan, de même qu'il fit sortir vos parents du Jardin en leur ôtant leur vêture (pour) leur découvrir leur honte. Car il vous voit, lui et sa gent, par où vous ne le voyez point. " (Jacques Berque)

" O enfants d'Adam, que Satan ne vous séduise pas comme il a séduit vos pères, qu'il a fait sortir du jardin ; il leur ôta leur vêtement pour leur faire voir leur nudité. Lui et ses suppôts vous voient d'où vous ne les voyez pas. " (Kazimirski)

La chute dans le Coran

Nous vous avons créés et de plus façonnés. Et pour comble, Nous dîmes aux anges : " Prosternez-vous devant Adam ". Ils le firent, à l'exception d'Iblis, qui n'était pas des prosternants.
Dieu lui dit : " Qu'est-ce qui t'empêche de te prosterner, quand Je te l'ai enjoint ? - Je vaux mieux qu'Adam, dit-il, Tu m'as réé de feu, lui d'argile ".
Dieu dit : "Descends d'ici : tu n'es pas en mesure d'y faire l'orgueilleux. Sors. Abject sois-tu entre tous ! "
Satan dit : " Ajourne-moi aux jours de leur résurrection ".
Dieu dit : " Ajourné sois-tu ".
Il dit : " De ce même égarement dont Tu m'as affligé, je veux hanter pour eux Ta voie de rectitude ;
Que dis-je ? fondre sur eux de devant, de derrière, de droite et de gauche : Tu n'en trouveras pas beaucoup pour T'être reconnaissants ".
Dieu dit : " Sors d'ici dans la déchéance et l'exil. Quiconque parmi eux te suivra… que de vous tous ensemble J'emplisse la Géhenne ! "
Et aussi : " Toi Adam, ainsi que ton épouse, habitez le Jardin, mangez de ce que vous voudrez, mais n'approchez pas de cet arbre : vous seriez des iniques ".
Alors Satan leur chuchota, de sorte à leur découvrir ce qui de leurs parties honteuses leur demeurait jusque là caché : " Votre Seigneur ne vous a interdit cet arbre, dit-il, que pour vous empêcher d'être deux anges ou des éternels ".
Et de leur jurer : " Je suis pour vous le meilleur des conseillers ".
Ainsi perfidement les faisait-il dévaler. Alors, dès qu'ils eurent goûter à l'arbre, ils découvrirent leur sexe et commencèrent par tresser dessus des feuilles du Jardin. Cependant leur Seigneur les héla : " Ne vous avais-je pas interdit cet arbre, et prévenus que Satan est pour vous un ennemi déclaré ? "
- " Notre Seigneur, dirent-ils, nous deux, nous venons d'être iniques envers nous-mêmes. A moins que Tu ne nous pardonnes et ne nous dispenses Ta Miséricorde, sûr que nous sommes des perdants entre tous ".

Dieu dit : " Descendez ! L'un de l'autre ennemi vous serez. Toutefois sur la terre vous aurez établissement, et jouissance pour un temps. Vous y vivrez, dit-il, vous y mourrez, et puis l'on vous fera sortir…
O Fils d'Adam, nous avons fait descendre sur vous une vêture pour cacher votre honte, et comme plumage, mais la vêture de se prémunir vaut davantage ".
- Autant de signes de Dieu, destinés à vous faire méditer.
O Fils d'Adam, que ne vous séduise le Satan, de même qu'il fit sortir vos parents du Jardin en leur ôtant leur vêture leur découvrir leur honte. Car il vous voit, lui et sa gent, par où vous ne le voyez point. Nous avons donné les satans comme protecteurs aux incroyants…
Le Coran, traduction de Jacques Berque, Sourate VII, Les Redans, 11-27

 

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Analyse du récit de la chute dans le Coran

 

Groupe de la parole du dimanche 10 avril 2011 à 18 h.

Chez Alain et Marie-Madeleine Culem,
22, avenue Condorcet, 69100 Villeurbanne

Charpennes, tram T1, arrêt Condorcet
ou 27, dir. Laurent Bonnevay, arrêt Place Wilson
Tél. 04 78 17 71 80
06 75 47 77 21


Oedipe


Il y a bien longtemps, Thèbes était gouverné par le roi Laïos et la reine Jocaste. Ils n'avaient pas d'enfant et souhaitaient en vain un garçon pour assurer leur succession.

Un jour, le roi envoya un messager à Delphes pour demander au fameux oracle ce qu'il fallait faire pour apaiser le courroux des dieux. Ce fut une atroce prédiction que rapporta l'homme à ses souverains : le monarque en resta muet d'horreur. " Il te naîtra un fils, et, avec lui, le malheur s'abattra sur ton palais. Tu mourras toi-même de sa main. " Désespérée, la reine passa ses nuits à pleurer. Aussi, lorsque Jocaste mit au monde un garçon, la joie céda la place à la terreur. Laïos ne voulut pas voir l'enfant et ordonna sur-le-champ qu'un vieux berger l'emporte dans la montagne et l'abandonne aux animaux sauvages. Mais le berger prit pitié de cet innocent et le sauva de la mort. Il l'emmena chez un de ses amis, berger lui aussi, qui gardait les troupeaux du roi de Corinthe. Puis il s'en revint à Thèbes en prétendant avoir accompli sa fatale mission. Alors Laïos se calma et, après quelques mois, la reine sécha ses pleurs et oublia son malheureux nouveau-né. Puis le couple royal se fit à l'idée qu'il n'aurait pas de descendance.

Le berger qui avait recueilli le petit garçon lui donna pour nom Oedipe et l'emmena dans la cité de Corinthe. Le roi de ce pays, qui lui aussi n'avait pas d'héritier, s'attacha à l'enfant et l'adopta. Oedipe prit ses forces et grandit sans se douter le moins du monde de ses véritables origines : le secret en était bien gardé.

Lorsqu'il devint adulte, son père adoptif organisa une grande fête en son honneur. Les vins les plus fins égayèrent les visages et les esprits des joyeux convives. Puis les invités se mirent à raconter des histoires vraies ou fausses et ceux qui avaient le sang chaud se mirent à se disputer. Oedipe, qui était lui aussi un tempérament très passionné, prit part à la querelle. C'est alors qu'un homme, pris de boisson, voulant cruellement l'offenser, s'exclama : " J'en ai assez de me disputer avec toi. Seuls les dieux savent de qui tu es le fils. Sûrement pas celui de notre roi ". Le jeune homme domina sa colère et se tut car une étrange pensée venait de le priver à jamais de la paix du coeur. La première chose qu'il fit le lendemain fut de demander au roi et à la reine si on lui avait dit la vérité. Ils essayèrent de le rassurer, et se fâchèrent contre l'imprudent bavard. Doutant de leur sincérité, Oedipe sourit tristement sans les croire. Et, comme les soupçons le troublaient chaque jour davantage, il décida, sans en demander la permission, d'aller consulter l'oracle de Delphes. Mais il quitta Delphes encore plus troublé qu'il n'y était arrivé, car une sinistre prédiction lui avait été faite : " Fuis ton père ! Si tu le rencontres, tu le tueras de tes propres mains, et tu épouseras ta mère ".

Aussitôt, la résolution d'Oedipe fut prise : il ne retournerait pas chez ses parents adoptifs, qu'il croyait être ses véritables parents. Il prit la direction opposée à Corinthe, erra dans des pays inconnus et suivit les étoiles de façon que sa route ne le ramène jamais vers sa patrie, car il craignait de voir s'accomplir le présage fatal. Un jour, il rencontra un char à la croisée de deux chemins. Sur ce char, un vieillard et deux serviteurs. Comme ils étaient pressés, ils interpellèrent Oedipe : " Laisse-nous passer et vite ! " Notre héros ne bougea pas mais se mit à se quereller avec le conducteur impatient, et le jeta à bas de son siège. Alors le vieillard entra dans une grande colère et voulut frapper le jeune homme. Mais celui-ci, plus rapide que lui et doté d'un caractère fort emporté, le tua, massacra ses serviteurs, et, enfin calmé, poursuivit sa route.

Peu de temps après, Oedipe aperçut les remparts de la ville de Thèbes. Comme il se sentait fatigué, il s'assit sur une pierre en bordure du chemin pour se reposer. Soudain, il vit apparaître un voyageur marchant d'un pas très rapide et qui semblait fuir la cité. L'homme s'arrêta devant notre héros et s'exclama : " Qui es-tu donc pour t'arrêter aussi calmement ? Je ne conseillerais pas cela même à mon pire ennemi ". Oedipe regarda le nouveau venu avec stupéfaction. " L'un se repose tandis que l'autre court, dit-il, tu fuis Thèbes tandis que moi j'y vais. - Tu vas à Thèbes, s'écria le voyageur terrifié. Mais ne sais-tu pas qu'un Sphinx s'est installé sur un rocher près des murs de la ville ? - Je viens de Corinthe, répondit le jeune homme, et je n'ai parlé à personne en chemin. - Eh bien, écoute, lui murmura l'homme. Le Sphinx est une créature à tête de femme et au corps de lion. Sur son dos, il a des ailes. Chaque jour, un habitant de la ville doit aller le voir pour qu'il lui pose une énigme. S'il ne la résout pas, le Sphinx le précipite dans l'abîme. Personne n'arrive à trouver la réponse, c'est une véritable sorcellerie. Aussi, je suis bien content de n'être pas Thébain. Dès que je suis arrivé dans la cité et que j'ai su le funeste sort qui la frappait, j'ai pris mes jambes à mon cou. Puisque toi aussi, tu es étranger, n'y va pas, fuis avec moi. - Poursuis ta route, dit Oedipe, ta vie t'est sans doute très chère si j'en juge par la façon dont tu la protèges. Quant à moi, si je meurs, j'échapperai à une terrible fatalité. " Ayant prononcé ces paroles, il se leva et, perdu dans ses tristes pensées, s'avança vers la ville. Resté seul, le voyageur hocha la tête : " Il n'est pas de Thèbes et il veut se mêler de cela ! Grand bien lui fasse ! " Et il reprit sa course.

Ayant atteint la cité, Oedipe se dirigea aussitôt vers le palais royal où il trouva la reine Jocaste et son frère Créon. Le roi Laïos était parti à Delphes pour demander à l'oracle comment délivrer le royaume. Il n'en était pas revenu et l'on supposait qu'il avait été attaqué et tué par des voleurs de grand chemin. Aussi, pour le moment, Créon régnait-il à la place du défunt. Le jeune homme s'avança devant lui et dit : " Je sais le fléau qui s'est abattu sur ton peuple. Je vais aller trouver le Sphinx et j'essaierai de résoudre son énigme ". Jocaste et Créon furent surpris par tant de ténacité et le frère de la reine soupira tristement : " Les dieux aident les braves. Mon fils lui aussi a été victime de ce maudit sort et nous le serons tous à notre tour si personne ne trouve la solution de l'énigme. Je serai heureux de céder mon trône à qui nous délivrera du Sphinx. " La reine contempla le jeune homme avec admiration sans se douter qu'il était son propre fils. Le lendemain, tous les citoyens de Thèbes accompagnèrent le héros à l'une des sept portes de la ville ; mais ils n'osèrent pas s'aventurer plus loin. Oedipe escalada le sentier abrupt qui menait au rocher où se tenait le Sphinx. Déjà celui-ci attendait sa victime. Il cligna de l'oeil et lança au jeune homme un regard rusé. " Ecoute attentivement, scanda la voix avec une dureté inhumaine : Le matin, il a une tête et quatre jambes. A midi, il n'en a plus que deux. Et, le soir, il en a trois. Plus il a de jambes et moins il a de forces ". Oedipe sourit : grâce à son intelligence, la question lui avait paru facile. " C'est l'homme, dit-il. Au matin de sa vie il marche à quatre pattes. Au midi, qui représente l'âge adulte, il marche droit sur ses deux jambes, et au soir de sa vie il a besoin d'un bâton pour étayer sa faiblesse. Ce bâton, c'est sa troisième jambe. - Tu as résolu l'énigme, hurla le Sphinx ", et il se précipita dans l'abîme.

Lorsque du haut des remparts les Thébains aperçurent Oedipe qui revenait, sain et sauf, de sa mission, leur joie éclata bruyamment. Ils l'accueillirent en libérateur et Créon lui céda le trône. Ainsi le jeune homme devint roi de Thèbes et reçut la reine Jocaste pour épouse. Longtemps Oedipe régna avec bonheur et justice. La reine donna naissance à deux fils, Etéocle et Polynice, et à deux filles, Antigone et Ismène, sans que personne ne soupçonne que le enfants du roi étaient aussi ses frères et ses soeurs. Les années passèrent. Les fils devinrent des hommes, les filles des femmes. C'est alors que la peste s'abattit sur le pays. La Mort fit des ravages dans toutes les demeures, des familles entières furent décimées et une grande anxiété s'empara de ceux qui espéraient encore survivre. Même le bétail dans les prés se fit rare. Les bergers disparaissaient et les troupeaux périssaient. Les vallons, qui auparavant retentissaient de meuglements, étaient maintenant silencieux et déserts. Le peuple terrifié supplia Oedipe d'intercéder en sa faveur : depuis sa victoire sur le Sphinx, on le pensait protégé par l'Olympe. " Rentrez tranquillement chez vous, répondit le héros. Ce soir, Créon, le frère de ma femme, reviendra de Delphes avec une prédiction. Nous obéirons à la volonté exprimée par les dieux et chasserons le fléau de notre pays. "

Avant même que le jour soit tombé, un char tiré par des chevaux écumants s'arrêta devant le palais et Créon en descendit rapidement pour faire part au roi de ce que lui avait dit l'oracle. " Ce ne sera ni facile ni rapide de soulager notre peine, dit-il au souverain. Le meurtrier du roi Laïos est dans nos murs. Tant qu'il ne sera pas puni nous ne serons pas débarrassés de la peste. " Aussitôt Oedipe fit annoncer dans toute le royaume que quiconque aurait un témoignage à fournir concernant l'assassinat du défunt roi était prié de se présenter au palais sans aucun délai. Il convoqua ainsi l'aveugle Tirésias auquel les dieux avaient accordé le don de prophétie. Mais celui-ci refusa plusieurs fois d'obéir à cet appel et, lorsque finalement il fut forcé de se rendre au palais, il montra une grande réticence, refusa de franchir la porte et resta obstinément sur le seuil. Oedipe sortit le rejoindre : " Entre donc, insista-t-il, nous attendons avec impatience ton sage conseil. - Renvoie-moi, ô roi, supplia alors l'aveugle, il serait préférable, pour toi comme pour moi, que je ne te révèle pas le nom du coupable. L'ignorance est parfois précieuse. - Parle, l'encouragea le héros, nous souhaitons tous délivrer Thèbes. Tu ne dois pas être une exception. Chacun, ici, désire t'entendre. - Ne m'oblige pas à dévoiler le secret. Permets-moi de me taire : un horrible fléau s'est abattu sur nos têtes, mais un malheur bien plus grand te frappera si je parle. - Très bien, s'exclama le roi. Je comprends pourquoi tu gardes le silence : je pense que tu es le complice des meurtriers. Tu es traître à ton pays et, si tu n'étais pas aveugle, je dirais que tu es toi-même l'assassin. " Après une telle réprimande, Tirésias ne résista plus et révéla ce qu'il savait depuis longtemps. " Tu veux connaître la vérité ? Eh bien, je vais te le dire. Tu as toi-même tué Laïos et tu as épousé ta propre mère ! " Se souvenant du lointain présage, Oedipe s'alarma. Mais bientôt la colère chassa ce troublant souvenir. " Qui a inventé cela ? s'écria-t-il : Créon ou toi ? Vous voulez donc vous emparer de mon trône par la traîtrise et par la fourberie ? Ou bien peut-être es-tu fou ? - Il te semble que j'ai perdu la raison, répondit le prophète, pourtant tes parents me considéraient comme un sage. L'avenir montrera qui a dit la vérité et qui n'a pas voulu comprendre. " Et, sur ces mots, le vieil aveugle quitta le palais. La reine Jocaste consola le bouillant Oedipe : " Quelle importance a donc la prophétie de Tirésias ? Ne te tracasse pas. Je peux te donner l'exemple d'un faux présage : mon premier mari Laïos, avait lui aussi consulté l'oracle qui lui avait prédit qu'il périrait de la main de son propre fils. Et notre unique enfant est mort dans la montagne. Quant à Laïos, il fut tué par des voleurs, au croisement de deux routes en revenant de Delphes. - A un croisement de chemins, reprit vivement Oedipe. Et à quoi ressemblait-il ? - Il était grand, répondit la reine, ses cheveux blanchissaient sur les tempes et il te ressemblait beaucoup. - L'aveugle avait raison ", s'écria Oedipe horrifié. Et il se mit à poser des questions à sa femme. Plus il obtenait de réponses, plus il se sentait coupable et malheureux. L'histoire du défunt roi, tué par des voleurs s'évanouit, faisant place à l'horrible supposition qu'Oedipe lui-même était le meurtrier.

C'est alors qu'arriva de Corinthe un messager apportant la nouvelle de la mort du roi et offrant au héros le trône vacant. Jocaste demanda des précisions sur la mort du souverain et lorsqu'elle apprit que celui-ci était mort de vieillesse dans son lit, elle courut trouver son époux et lui dit, avec un radieux souvenir, " Tu t'es fait bien du souci : pendant ce temps, ton père passait paisiblement de vie à trépas ". Mais cette annonce n'apaisa pas Oedipe. Il ne pouvait s'empêcher de penser aux propos de l'ivrogne qui avaient gâché sa jeunesse. " Je ne retournerai pas à Corinthe, dit-il au messager, car ma mère y vit encore. - Seigneur, si tu crains ta mère, je vais te rassurer : ni le roi ni la reine n'étaient tes parents : c'est moi-même, qui t'ai apporté dans la cité alors que tu n'étais qu'un tout petit enfant. - Et où m'as-tu trouvé ? s'enquit Oedipe. - Un vieux berger du roi de Thèbes t'a confié à moi, un jour dans la montagne. " A ces mots, Oedipe poussa un horrible cri et s'enfuit du palais. Il n'y avait plus de doute possible : l'affreuse prédiction s'était accomplie. Il parcourut la ville en demandant à tous les citoyens qu'il rencontrait de le tuer et de délivrer ainsi le pays du mal qui le rongeait. Mais les Thébains avaient pitié de leur roi et n'arrivaient pas à le haïr. Alors le malheureux revint au palais, fermement décidé à se punir lui-même. Il y trouva les servantes en pleurs. Ses filles terrorisées lui montrèrent la chambre où la reine Jocaste venait de se pendre. Oedipe se précipita vers elle, prit une épingle d'or de son voile et se creva les yeux. Rendu aveugle par sa propre volonté, il appela Créon : " Prends le trône et bannis-moi! (Mythes te légendes de la Grèce antique, éd. Gründ)

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Analyse d'Œdipe et Antigone

 

 

Groupe de la parole du dimanche 8 mai 2011 à 18 h.

Chez Colette Dorin,
8 chemin de Toulevet,
01 700-Neyron le Haut (à côté de l'église)

04 78 55 57 07

Le 8 mai, nous parlerons de nos expériences et de nos ressentis à partir du passage suivant :

"Ne m'oblige pas à dévoiler le secret. Permets-moi de me taire : un horrible fléau s'est abattu sur nos têtes, mais un malheur bien plus grand te frappera si je parle."

Oedipe


Il y a bien longtemps, Thèbes était gouverné par le roi Laïos et la reine Jocaste. Ils n'avaient pas d'enfant et souhaitaient en vain un garçon pour assurer leur succession.

Un jour, le roi envoya un messager à Delphes pour demander au fameux oracle ce qu'il fallait faire pour apaiser le courroux des dieux. Ce fut une atroce prédiction que rapporta l'homme à ses souverains : le monarque en resta muet d'horreur. " Il te naîtra un fils, et, avec lui, le malheur s'abattra sur ton palais. Tu mourras toi-même de sa main. " Désespérée, la reine passa ses nuits à pleurer. Aussi, lorsque Jocaste mit au monde un garçon, la joie céda la place à la terreur. Laïos ne voulut pas voir l'enfant et ordonna sur-le-champ qu'un vieux berger l'emporte dans la montagne et l'abandonne aux animaux sauvages. Mais le berger prit pitié de cet innocent et le sauva de la mort. Il l'emmena chez un de ses amis, berger lui aussi, qui gardait les troupeaux du roi de Corinthe. Puis il s'en revint à Thèbes en prétendant avoir accompli sa fatale mission. Alors Laïos se calma et, après quelques mois, la reine sécha ses pleurs et oublia son malheureux nouveau-né. Puis le couple royal se fit à l'idée qu'il n'aurait pas de descendance.

Le berger qui avait recueilli le petit garçon lui donna pour nom Oedipe et l'emmena dans la cité de Corinthe. Le roi de ce pays, qui lui aussi n'avait pas d'héritier, s'attacha à l'enfant et l'adopta. Oedipe prit ses forces et grandit sans se douter le moins du monde de ses véritables origines : le secret en était bien gardé.

Lorsqu'il devint adulte, son père adoptif organisa une grande fête en son honneur. Les vins les plus fins égayèrent les visages et les esprits des joyeux convives. Puis les invités se mirent à raconter des histoires vraies ou fausses et ceux qui avaient le sang chaud se mirent à se disputer. Oedipe, qui était lui aussi un tempérament très passionné, prit part à la querelle. C'est alors qu'un homme, pris de boisson, voulant cruellement l'offenser, s'exclama : " J'en ai assez de me disputer avec toi. Seuls les dieux savent de qui tu es le fils. Sûrement pas celui de notre roi ". Le jeune homme domina sa colère et se tut car une étrange pensée venait de le priver à jamais de la paix du coeur. La première chose qu'il fit le lendemain fut de demander au roi et à la reine si on lui avait dit la vérité. Ils essayèrent de le rassurer, et se fâchèrent contre l'imprudent bavard. Doutant de leur sincérité, Oedipe sourit tristement sans les croire. Et, comme les soupçons le troublaient chaque jour davantage, il décida, sans en demander la permission, d'aller consulter l'oracle de Delphes. Mais il quitta Delphes encore plus troublé qu'il n'y était arrivé, car une sinistre prédiction lui avait été faite : " Fuis ton père ! Si tu le rencontres, tu le tueras de tes propres mains, et tu épouseras ta mère ".

Aussitôt, la résolution d'Oedipe fut prise : il ne retournerait pas chez ses parents adoptifs, qu'il croyait être ses véritables parents. Il prit la direction opposée à Corinthe, erra dans des pays inconnus et suivit les étoiles de façon que sa route ne le ramène jamais vers sa patrie, car il craignait de voir s'accomplir le présage fatal. Un jour, il rencontra un char à la croisée de deux chemins. Sur ce char, un vieillard et deux serviteurs. Comme ils étaient pressés, ils interpellèrent Oedipe : " Laisse-nous passer et vite ! " Notre héros ne bougea pas mais se mit à se quereller avec le conducteur impatient, et le jeta à bas de son siège. Alors le vieillard entra dans une grande colère et voulut frapper le jeune homme. Mais celui-ci, plus rapide que lui et doté d'un caractère fort emporté, le tua, massacra ses serviteurs, et, enfin calmé, poursuivit sa route.

Peu de temps après, Oedipe aperçut les remparts de la ville de Thèbes. Comme il se sentait fatigué, il s'assit sur une pierre en bordure du chemin pour se reposer. Soudain, il vit apparaître un voyageur marchant d'un pas très rapide et qui semblait fuir la cité. L'homme s'arrêta devant notre héros et s'exclama : " Qui es-tu donc pour t'arrêter aussi calmement ? Je ne conseillerais pas cela même à mon pire ennemi ". Oedipe regarda le nouveau venu avec stupéfaction. " L'un se repose tandis que l'autre court, dit-il, tu fuis Thèbes tandis que moi j'y vais. - Tu vas à Thèbes, s'écria le voyageur terrifié. Mais ne sais-tu pas qu'un Sphinx s'est installé sur un rocher près des murs de la ville ? - Je viens de Corinthe, répondit le jeune homme, et je n'ai parlé à personne en chemin. - Eh bien, écoute, lui murmura l'homme. Le Sphinx est une créature à tête de femme et au corps de lion. Sur son dos, il a des ailes. Chaque jour, un habitant de la ville doit aller le voir pour qu'il lui pose une énigme. S'il ne la résout pas, le Sphinx le précipite dans l'abîme. Personne n'arrive à trouver la réponse, c'est une véritable sorcellerie. Aussi, je suis bien content de n'être pas Thébain. Dès que je suis arrivé dans la cité et que j'ai su le funeste sort qui la frappait, j'ai pris mes jambes à mon cou. Puisque toi aussi, tu es étranger, n'y va pas, fuis avec moi. - Poursuis ta route, dit Oedipe, ta vie t'est sans doute très chère si j'en juge par la façon dont tu la protèges. Quant à moi, si je meurs, j'échapperai à une terrible fatalité. " Ayant prononcé ces paroles, il se leva et, perdu dans ses tristes pensées, s'avança vers la ville. Resté seul, le voyageur hocha la tête : " Il n'est pas de Thèbes et il veut se mêler de cela ! Grand bien lui fasse ! " Et il reprit sa course.

Ayant atteint la cité, Oedipe se dirigea aussitôt vers le palais royal où il trouva la reine Jocaste et son frère Créon. Le roi Laïos était parti à Delphes pour demander à l'oracle comment délivrer le royaume. Il n'en était pas revenu et l'on supposait qu'il avait été attaqué et tué par des voleurs de grand chemin. Aussi, pour le moment, Créon régnait-il à la place du défunt. Le jeune homme s'avança devant lui et dit : " Je sais le fléau qui s'est abattu sur ton peuple. Je vais aller trouver le Sphinx et j'essaierai de résoudre son énigme ". Jocaste et Créon furent surpris par tant de ténacité et le frère de la reine soupira tristement : " Les dieux aident les braves. Mon fils lui aussi a été victime de ce maudit sort et nous le serons tous à notre tour si personne ne trouve la solution de l'énigme. Je serai heureux de céder mon trône à qui nous délivrera du Sphinx. " La reine contempla le jeune homme avec admiration sans se douter qu'il était son propre fils. Le lendemain, tous les citoyens de Thèbes accompagnèrent le héros à l'une des sept portes de la ville ; mais ils n'osèrent pas s'aventurer plus loin. Oedipe escalada le sentier abrupt qui menait au rocher où se tenait le Sphinx. Déjà celui-ci attendait sa victime. Il cligna de l'oeil et lança au jeune homme un regard rusé. " Ecoute attentivement, scanda la voix avec une dureté inhumaine : Le matin, il a une tête et quatre jambes. A midi, il n'en a plus que deux. Et, le soir, il en a trois. Plus il a de jambes et moins il a de forces ". Oedipe sourit : grâce à son intelligence, la question lui avait paru facile. " C'est l'homme, dit-il. Au matin de sa vie il marche à quatre pattes. Au midi, qui représente l'âge adulte, il marche droit sur ses deux jambes, et au soir de sa vie il a besoin d'un bâton pour étayer sa faiblesse. Ce bâton, c'est sa troisième jambe. - Tu as résolu l'énigme, hurla le Sphinx ", et il se précipita dans l'abîme.

Lorsque du haut des remparts les Thébains aperçurent Oedipe qui revenait, sain et sauf, de sa mission, leur joie éclata bruyamment. Ils l'accueillirent en libérateur et Créon lui céda le trône. Ainsi le jeune homme devint roi de Thèbes et reçut la reine Jocaste pour épouse. Longtemps Oedipe régna avec bonheur et justice. La reine donna naissance à deux fils, Etéocle et Polynice, et à deux filles, Antigone et Ismène, sans que personne ne soupçonne que le enfants du roi étaient aussi ses frères et ses soeurs. Les années passèrent. Les fils devinrent des hommes, les filles des femmes. C'est alors que la peste s'abattit sur le pays. La Mort fit des ravages dans toutes les demeures, des familles entières furent décimées et une grande anxiété s'empara de ceux qui espéraient encore survivre. Même le bétail dans les prés se fit rare. Les bergers disparaissaient et les troupeaux périssaient. Les vallons, qui auparavant retentissaient de meuglements, étaient maintenant silencieux et déserts. Le peuple terrifié supplia Oedipe d'intercéder en sa faveur : depuis sa victoire sur le Sphinx, on le pensait protégé par l'Olympe. " Rentrez tranquillement chez vous, répondit le héros. Ce soir, Créon, le frère de ma femme, reviendra de Delphes avec une prédiction. Nous obéirons à la volonté exprimée par les dieux et chasserons le fléau de notre pays. "

Avant même que le jour soit tombé, un char tiré par des chevaux écumants s'arrêta devant le palais et Créon en descendit rapidement pour faire part au roi de ce que lui avait dit l'oracle. " Ce ne sera ni facile ni rapide de soulager notre peine, dit-il au souverain. Le meurtrier du roi Laïos est dans nos murs. Tant qu'il ne sera pas puni nous ne serons pas débarrassés de la peste. " Aussitôt Oedipe fit annoncer dans toute le royaume que quiconque aurait un témoignage à fournir concernant l'assassinat du défunt roi était prié de se présenter au palais sans aucun délai. Il convoqua ainsi l'aveugle Tirésias auquel les dieux avaient accordé le don de prophétie. Mais celui-ci refusa plusieurs fois d'obéir à cet appel et, lorsque finalement il fut forcé de se rendre au palais, il montra une grande réticence, refusa de franchir la porte et resta obstinément sur le seuil. Oedipe sortit le rejoindre : " Entre donc, insista-t-il, nous attendons avec impatience ton sage conseil. - Renvoie-moi, ô roi, supplia alors l'aveugle, il serait préférable, pour toi comme pour moi, que je ne te révèle pas le nom du coupable. L'ignorance est parfois précieuse. - Parle, l'encouragea le héros, nous souhaitons tous délivrer Thèbes. Tu ne dois pas être une exception. Chacun, ici, désire t'entendre. - Ne m'oblige pas à dévoiler le secret. Permets-moi de me taire : un horrible fléau s'est abattu sur nos têtes, mais un malheur bien plus grand te frappera si je parle. - Très bien, s'exclama le roi. Je comprends pourquoi tu gardes le silence : je pense que tu es le complice des meurtriers. Tu es traître à ton pays et, si tu n'étais pas aveugle, je dirais que tu es toi-même l'assassin. " Après une telle réprimande, Tirésias ne résista plus et révéla ce qu'il savait depuis longtemps. " Tu veux connaître la vérité ? Eh bien, je vais te le dire. Tu as toi-même tué Laïos et tu as épousé ta propre mère ! " Se souvenant du lointain présage, Oedipe s'alarma. Mais bientôt la colère chassa ce troublant souvenir. " Qui a inventé cela ? s'écria-t-il : Créon ou toi ? Vous voulez donc vous emparer de mon trône par la traîtrise et par la fourberie ? Ou bien peut-être es-tu fou ? - Il te semble que j'ai perdu la raison, répondit le prophète, pourtant tes parents me considéraient comme un sage. L'avenir montrera qui a dit la vérité et qui n'a pas voulu comprendre. " Et, sur ces mots, le vieil aveugle quitta le palais. La reine Jocaste consola le bouillant Oedipe : " Quelle importance a donc la prophétie de Tirésias ? Ne te tracasse pas. Je peux te donner l'exemple d'un faux présage : mon premier mari Laïos, avait lui aussi consulté l'oracle qui lui avait prédit qu'il périrait de la main de son propre fils. Et notre unique enfant est mort dans la montagne. Quant à Laïos, il fut tué par des voleurs, au croisement de deux routes en revenant de Delphes. - A un croisement de chemins, reprit vivement Oedipe. Et à quoi ressemblait-il ? - Il était grand, répondit la reine, ses cheveux blanchissaient sur les tempes et il te ressemblait beaucoup. - L'aveugle avait raison ", s'écria Oedipe horrifié. Et il se mit à poser des questions à sa femme. Plus il obtenait de réponses, plus il se sentait coupable et malheureux. L'histoire du défunt roi, tué par des voleurs s'évanouit, faisant place à l'horrible supposition qu'Oedipe lui-même était le meurtrier.

C'est alors qu'arriva de Corinthe un messager apportant la nouvelle de la mort du roi et offrant au héros le trône vacant. Jocaste demanda des précisions sur la mort du souverain et lorsqu'elle apprit que celui-ci était mort de vieillesse dans son lit, elle courut trouver son époux et lui dit, avec un radieux souvenir, " Tu t'es fait bien du souci : pendant ce temps, ton père passait paisiblement de vie à trépas ". Mais cette annonce n'apaisa pas Oedipe. Il ne pouvait s'empêcher de penser aux propos de l'ivrogne qui avaient gâché sa jeunesse. " Je ne retournerai pas à Corinthe, dit-il au messager, car ma mère y vit encore. - Seigneur, si tu crains ta mère, je vais te rassurer : ni le roi ni la reine n'étaient tes parents : c'est moi-même, qui t'ai apporté dans la cité alors que tu n'étais qu'un tout petit enfant. - Et où m'as-tu trouvé ? s'enquit Oedipe. - Un vieux berger du roi de Thèbes t'a confié à moi, un jour dans la montagne. " A ces mots, Oedipe poussa un horrible cri et s'enfuit du palais. Il n'y avait plus de doute possible : l'affreuse prédiction s'était accomplie. Il parcourut la ville en demandant à tous les citoyens qu'il rencontrait de le tuer et de délivrer ainsi le pays du mal qui le rongeait. Mais les Thébains avaient pitié de leur roi et n'arrivaient pas à le haïr. Alors le malheureux revint au palais, fermement décidé à se punir lui-même. Il y trouva les servantes en pleurs. Ses filles terrorisées lui montrèrent la chambre où la reine Jocaste venait de se pendre. Oedipe se précipita vers elle, prit une épingle d'or de son voile et se creva les yeux. Rendu aveugle par sa propre volonté, il appela Créon : " Prends le trône et bannis-moi ! "
(Mythes te légendes de la Grèce antique, éd. Gründ)

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Analyse d'Œdipe et Antigone

 

Groupe de la parole du lundi de Pentecôte 13 juin 2011 à 18 h.

Chez Colette Dorin, 8 chemin de Toulevet,
01 700-Neyron le Haut (à côté de l'église)

04 78 55 57 07

La mort d'Oedipe

Le nouveau souverain s'efforça pourtant de le garder à Thèbes. La peste avait disparu, la paix et la prospérité revenaient. Mais personne n'arriva à persuader Oedipe de rester dans la ville. Il partit, appuyé sur un bâton, accompagné de sa fille aînée Antigone. Elle seule avait refusé d'abandonner son père dans le malheur. Bientôt ce couple d'étranges voyageurs fut connu de toute la Grèce : le vieil aveugle conduit par la ravissante jeune fille. Ils erraient tous les deux à la recherche des bosquets des Erinyes, déesses chargées de punir les parricides, car l'oracle avait prédit qu'Oedipe y trouverait la paix.

Pendant ce temps les fils d'Oedipe, Etéocle et Polynice, avaient grandi et se disputaient le trône de Thèbes. Leur rivalité était bien loin de rendre service au pays et Créon, inquiet de cette discorde, leur conseilla de régner chacun à leur tour. Les frères acceptèrent. Polynice allait régner une année, puis Etéocle lui succéderait pour douze mois avant de lui céder le trône pour une nouvelle année. Mais il advint que pendant son année de gouvernement Etéocle assura tellement bien son pouvoir que Polynice dut fuir le royaume. Etéocle devint roi de Thèbes et son frère partit à l'étranger pour rassembler une armée afin de reconquérir le trône par la force. Comme les deux prétendants avaient le caractère aussi vif que leur père, aucun des deux ne voulut céder et la guerre fut bientôt sur le point d'éclater. Chacun souhaita alors s'assurer l'appui d'Oedipe car il avait été prédit que celui qui le gagnerait à sa cause serait victorieux. Aussi se mirent-ils en quête de l'aveugle et, pour la première fois, depuis tant d'années, s'inquiétèrent de son sort.

A ce moment, Oedipe était arrivé non loin d'Athènes et, enfin, il sentait, en son coeur, que le moment où il trouverait la paix était proche. Il s'assit, avec Antigone, à la lisière d'un bois pour se reposer. Soudain, il entendit un bruit de sabots et une troupe de chasseurs conduits par le roi d'Athènes, Thésée, s'arrêta devant lui. Ce souverain reconnut aussitôt l'aveugle, il sauta à bas de son cheval et vint le saluer : " Pauvre Oedipe, dit-il, je sais ton triste sort et aimerais t'offrir mon aide. Viens avec nous à Athènes, tu pourras y vivre une vieillesse paisible. Bientôt la nuit froide va tomber et tu ne peux rester ici dans le bois destiné aux Erynies ". Quand Oedipe apprit où il était, il se réjouit car son voyage était fini. Aussi il remercia le roi avec douceur et tranquillité : " Merci, ô Thésée, mais j'ai achevé mon périple. Je partirai bientôt pour le royaume des ombres. Si tu veux me rendre un dernier service, dis à tes serviteurs de m'apporter des vêtements neufs pour que je ne vive pas en guenilles ce moment solennel ". Accédant à sa prière, le souverain envoya ses gens à Athènes et s'assit à côté d'Oedipe. A peine la suite royale était-elle partie que retentit à nouveau le bruit de chevaux au galop, et ce fut cette fois Polynice qui mit pied à terre devant l'aveugle. Enfin, il avait retrouvé son père ! Il tomba à genoux, se plaignant de son frère qui l'avait privé du trône, et supplia Oedipe de se joindre à lui dans sa lutte fratricide. " Pendant des années, tu ne t'es pas soucié de moi, répondit le héros à ses lamentations, et maintenant que tu veux t'emparer du pouvoir tu voudrais que je t'aide dans cette lutte contre nature ? Reçois donc le conseil de ton père, au seuil de la mort : si tu attaques Thèbes, tu subiras le même sort que celui que tu souhaites à ton frère. Va-t'en d'ici ! Même mes yeux aveugles peuvent voir le sang de ton frère imprimé sur ton glaive. " Fou de rage, Polynice sauta sur son cheval, et, sans dire adieu, partit rejoindre son armée. Etéocle, quant à lui, envoya Créon en ambassadeur à son père pour le persuader de revenir à Thèbes. Créon arriva aux portes d'Athènes alors que Polynice, le visage contracté par la colère, quittait Oedipe. Il était tellement perdu dans ses amères pensées qu'il ne reconnut même pas son oncle, mais sa vue donna à Créon l'espoir de réussir sa délicate mission. Il se précipita donc vers le bois pour présenter sa requête. Mais Oedipe, dégoûté par ces manoeuvres, détourna la tête. Au moment de quitter la vie, il devinait les terribles conséquences de la guerre de Thèbes et ne voulait plus se mêler des affaires terrestres. A son tour, Créon le quitta. Pendant ce temps, les serviteurs étaient revenus d'Athènes et l'aveugle revêtit le vêtement qu'ils lui avaient rapporté. Il fit à tous ses adieux et demanda à Thésée d'aider Antigone à retourner dans son pays natal. Puis, comme si soudain, la vue lui était revenue, il pénétra d'une marche assurée dans le bois dédié aux déesses infernales. Au plus profond des buissons, il trouva l'entrée du monde inférieur. Il y disparut et la terre se referma silencieusement après son passage. Personne ne retrouva jamais son corps.

Antigone revint à Thèbes alors que les troupes de Polynice encerclaient déjà la ville. Six courageux commandants se présentaient à six portes de la cité tandis que Polynice se chargeait lui-même de la septième. Craignant un siège prolongé, Etéocle se montra sur les remparts et s'écria : " Pourquoi, mon frère, de braves guerriers périraient-ils de part et d'autre pour une querelle que nous pouvons régler nous-mêmes ? Mesure ta force à la mienne. Si tu es vaincu, tes troupes se retireront, si tu es vainqueur, tu deviendras roi de Thèbes sans qu'il y ait eu de guerre et les Thébains t'ouvriront leurs portes ". Polynice accepta la proposition de son frère. Les deux armées se confondirent et se rassemblèrent en dehors des murs de la ville. Les soldats se mirent aussitôt à faire des paris sur l'issue du combat. Etéocle et Polynice se jetèrent l'un sur l'autre en brandissant leurs armes et, sous les regards de leurs concitoyens, commencèrent leur combat fratricide. Les lames sifflaient dans les airs avant de rebondir sur les boucliers qu'ils tenaient à bout de bras. Les deux frères lançaient leurs assauts avec rage, encouragés par leurs guerriers, mais les boucliers arrêtaient tous les coups. Le premier qui commit une imprudence fut Etéocle, qui laissa une jambe à découvert. Aussitôt, celle-ci fut impitoyablement sectionnée d'un coup de lance, à la grande joie des troupes de Polynice. Le malheureux, surmontant la souffrance causée par sa blessure, ressaisit son épée. Polynice fit de même et le combat continua. Soudain, Etéocle arriva à s'approcher très près du côté où son adversaire n'était pas protégé par son bouclier. Il prit son élan et lui porta un coup mortel. Polynice s'écroula aux pieds de son frère. Mais alors qu'Etéocle se penchait sur le mourant, celui-ci ouvrit une ultime fois les yeux, et, rassemblant ses dernières forces, brandit l'épée et tua son frère. Tous deux rendirent l'âme en même temps. Les frères étaient bien morts, mais une violente dispute s'éleva aussitôt entre les armées en présence, l'une soutenant qu'Etéocle était le vainqueur, l'autre affirmant le contraire. Par chance pour les Thébains, ils avaient pensé à prendre leurs armes, alors que les partisans de Polynice avaient oublié les leurs. En conséquence, l'armée de Thèbes fut la plus forte et celle de Polynice amorça une retraite qui se termina en fuite éperdue. La troupe victorieuse put faire son entrée dans la ville ainsi libérée.

Une fois de plus, Créon prit le pouvoir. Comme Etéocle était mort pour sauver sa patrie, il eut droit à des funérailles solennelles, quant à Polynice, puisqu'il avait levé les armes contre sa propre ville, son corps fut condamné à rester à l'air libre, en dehors de Thèbes. Les oiseaux de proie et les chiens sauvages se partageraient sa dépouille. Quiconque oserait l'enterrer serait puni de mort, et Créon envoya même des gardes pour s'assurer que personne ne désobéissait à son ordre. Cet arrêt inhumain attrista Antigone : comment l'âme de son frère pourrait-elle trouver la paix, si elle n'était pas enterrée ? " Ma soeur, dit Antigone à Ismène, le corps de Polynice gît hors de l'enceinte de cette ville. Viens avec moi, allons nous occuper de lui avant que les bêtes ne passent à notre place. - Ne sais-tu pas que cela signifie la mort ? demanda Ismène, effrayée. - Mourir pour une action agréable aux dieux et aux hommes est une belle fin, répondit Antigone. - Il n'est pas toujours possible de faire le bien, se défendit Ismène. Créon est puissant et tu ne lui échapperas pas. - Je lui ai déjà échappé, dit Antigone. Il peut me tuer pour avoir obéi à l'amour humain et fraternel. Mais il ne peut supprimer l'amour et la charité. Si tu ne veux pas venir avec moi, j
'irai seule. " Elle n'essaya pas davantage de convaincre sa soeur. Profitant de l'obscurité de la nuit, elle s'échappa du palais et sortit de la ville. Le mort était couché le long des remparts de la cité, tandis que non loin de là sommeillaient les gardes. Sans bruit, elle tira le corps de son frère vers une rivière où elle le lava avant d'oindre son corps d'huile ; puis elle le couvrit de terre. Dès l'aurore, elle revint à Thèbes. La fraîcheur du matin réveilla les sentinelles. Elles s'aperçurent alors que l'endroit où gisait la dépouille était vide et imaginèrent la colère de Créon. Aussi cherchèrent-ils fébrilement les traces de l'enlèvement, et, en les suivant, atteignirent la rivière où ils découvrirent la tombe inachevée. Ils enlevèrent la pierre qui recouvrait le corps et s'embusquèrent pour confondre le coupable. Ils attendirent ainsi toute la journée et lorsque l'obscurité fut tombée ils remarquèrent une sombre silhouette. C'était Antigone qui allait achever sa tâche. Elle s'arrêta devant la sépulture profanée mais, au lieu de s'attarder, prit des poignées de terre et se mit à les jeter pour combler à nouveau le trou. Comme elle se penchait pour la seconde fois, les gardes quittèrent leur cachette et s'emparèrent d'Antigone, qui n'opposa aucune résistance et ne nia pas les faits.

" Comment as-tu pu désobéir à mes ordres ? s'écria Créon, fort en colère. - Ce n'était pas le commandement de Zeus, mais celui du roi, répondit Antigone, donc il ne peut compter davantage que l'amour et la charité. Il y a des lois qui sont au-dessus de celles que peuvent instituer les souverains. - Tu es bien la seule à avoir cette opinion, hurla le roi. - Non, dit la jeune fille, le peuple de Thèbes pense la même chose, mais il n'ose pas le dire. - N'es-tu pas honteuse d'être unique en ton genre ? demanda Créon. - Je ne regrette pas d'avoir honoré mon frère défunt. La mort donne les mêmes droits au vaincu et au vainqueur. Et tu ne peux m'ôter plus que la vie. - Tu parles bravement, mais nous verrons si tu es aussi courageuse devant le chemin qui mène au royaume des ombres. A moi, gardes ! " Les hommes en armes accoururent à l'appel de Créon qui leur ordonna d'emmener Antigone dans une grotte isolée, puis de l'y enterrer vivante. La troupe était déjà partie avec sa prisonnière lorsque le fils du roi, Hémon, qui était son fiancé, apprit ce qui s'était passé. L'insensible Créon fut sans pitié. Alors Hémon s'enfuit du palais, espérant arriver à empêcher l'accomplissement de l'injuste punition. Pendant ce temps, le prophète aveugle Tirésias se fit conduire au palais et mit en garde le roi contre une aussi cruelle décision. De très mauvais présages avaient prévenu le vieil homme que de lourdes menaces pesaient sur la famille royale. Après son départ, Créon se mit à réfléchir. Puis, soudain, il prit peur de la punition des dieux immortels. Il fit harnacher ses chevaux, sauta dans son char et galopa jusqu'à la grotte. Mais, déjà en chemin, lui parvinrent de terribles nouvelles : Antigone s'était pendue à son voile et son fils Hémon s'était transpercé le corps de son glaive devant sa défunte fiancée. Lorsque la femme du roi apprit ce malheur, elle se suicida. Comme Créon eût été plus heureux s'il avait pu faire revivre les morts ! Mais tel est le destin des rois tyranniques : sur un seul ordre, ils peuvent décider du sort de leurs sujets et les priver à jamais du bonheur ; mais nul de leurs ordres ne peut, par contre, rendre le bonheur aux sujets ni la vie aux morts. Créon vécut tristement, avant de rejoindre ses victimes au royaume des ombres. (Mythes te légendes de la Grèce antique, éd. Gründ)

 

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Analyse d'Œdipe et Antigone

 

 

 

Dimanche 9 octobre et 13 novembre 2011 à 18 heures

La résurrection d'Osiris

Passé dans le royaume des morts, Osiris fut alors embaumé au son des Lamentations d'Isis et de Nephtys.
Isis inventa ainsi le "remède qui donne l'immortalité".
Avec Nephthys, Thot et Anubis, elle disposa les restes d'Osiris et les transforma en une momie impérissable, capable de supporter éternellement l'âme de ce dieu. Car Anubis le chacal avait depuis longtemps déjà la science mystérieuse qui assure la persistance infinie de la chair.

Pourtant il ne réussissait à obtenir qu'un corps desséché, immobile et glacé, que le Double ne pouvait ni soulever ni faire remuer et qui le condamnait à mener une existence ténébreuse.
Thot et Isis voulurent qu'Osiris fût plus favorisé. Ils ajoutèrent cette fois à la préparation de la momie des rites magiques qui devaient procurer à la chair desséchée une nouvelle existence. Et voici comment ils s'y prirent.
Isis avait, au moment de ses trouvailles, revivifié l'un après l'autre chacun des membres du dieu mutilé. Elle enveloppa ces membres dans une figure faite de cire et d'aromates, et de terre mélangée de blé, et d'encens, et de pierres précieuses, de la grandeur d'Osiris et faite à sa ressemblance. Ensuite, elle fit sur cette figure des opérations magiques. Et Isis et Nephthys lui dirent :
"Tu as repris ta tête, tu as resserré tes chairs, on t'a rendu tes veines, tu as rassemblé tes membres ".

Et Sibou, le père d'Osiris, présidait la cérémonie, et Râ, du ciel, envoyait les déesses Vautour et Uraeus, celles qui ceignent comme d'une couronne le front des dieux, mettre en place la tête d'Osiris et consolider sa nuque.
Et la statue fut revêtue d'un linceul de lin bien ajusté. Alors Isis et Nephthys, en robes de deuil, les cheveux dénoués, se meurtrissant la poitrine de coups, se mirent à chanter lamentablement, suppliant Osiris de revenir habiter sa forme reconstituée.
Isis chanta en embrassant les pieds de la momie :

" Viens vers ta demeure, viens à ta demeure,
Toi qui n'a plus d'ennemis,
O bel adolescent, viens à ta demeure pour que tu me voies.
Je suis ta sœur que tu aimes,
Ne te sépare pas de moi, bel adolescent.
Viens à ta demeure,
Je ne te vois pas et pourtant
Mon cœur aspire à te rejoindre
Et mes yeux te réclament
Je cours de tous côtés pour te voir.
(...)
Cela est merveilleux de te contempler.
(...)
Viens à celle qui t'aime, qui t'aime ô Ounen-Nèfer,
Viens auprès de ta sœur,
Viens auprès de ta femme,
Toi dont le cœur a cessé de battre !
Viens vers la maîtresse de ta maison.
Je suis ta sœur, de la même mère,
Ne t'éloigne pas de moi...
Les dieux et les hommes ont tourné leur visage vers toi
Et tous te pleurent ensemble car ils me voient
Je t'appelle et je pleure si fort
Qu'on l'entend dans le ciel
Mais tu n'entends pas ma voix ?
Je suis la sœur que tu aimais sur terre,
Tu n'aimais aucune autre femme
En dehors de moi, ô mon frère, ô mon frère".

Et Nephtys, penchée sur la tête de la momie, dit à son tour :

"Reviens en cette heure, mon maître, toi qui es parti,
Afin de faire ce qui te plaît, sous les arbres.
Tu as éloigné mon cœur de moi de milliers de mille.
Avec toi seul, je désire faire ce que j'aime !
Si tu vas au pays d'éternité, je t'accompagne,
J'ai peur que mon époux ne me tue.
Y eût-il roi qui, en son temps, fît ainsi ?
Je suis venue pour l'amour de toi.
Tu délivres mon corps de ton amour."

Ils enveloppèrent encore la momie d'un autre linceul de lin qu'ils fixèrent avec des bandelettes ; puis ils tracèrent sur les bandelettes des figures sacrées et des formules magiques, ils déposèrent sur les membres des amulettes recélant des charmes puissants ; ils tracèrent ensuite sur les planches du cercueil et sur les murs de la chambre mortuaire les scènes de l'existence terrestre et de la vie d'outre-tombe en chantant des incantations pour rendre à Osiris l'usage de ses yeux pour voir, de ses oreilles pour entendre, de sa bouche pour manger et parler, de ses mains pour agir, de ses jambes pour marcher et ces formules sont écrites dans "le Livre de l'ouverture de la bouche".
Et ils firent encore autre chose. Ils dressèrent à côté du cercueil qui contenait la momie une statue faite à la ressemblance du vivant. Et ils la remirent aux mains des habilleurs qui lui firent subir une toilette minutieuse, ablutions, fumigations, encensements, onctions du fard, puis ils revêtirent la statue de bandelettes vertes, rouges, jaunes et blanches, d'armes et de couronnes. Ensuite, ils firent fabriquer soit en cornaline, soit en pierreries, soit en or, la croix ansée, signe de vie, les liens de cou, de poignets, de chevilles, toutes les amulettes destinées à éloigner Seth l'adversaire et l'ennemi et à le frapper d'impuissance.

Et à la statue aussi ils chantèrent les chants magiques pour ouvrir sa bouche, ses yeux et ses oreilles, pour délier ses bras et ses jambes, pour donner le souffle à son gosier et pour susciter les battements de son coeur. Et les formules qu'ils prononcèrent étaient si puissantes que le double, cette statue à l'image d'Osiris, vit et entendit, parla et mangea, assis devant une table chargée de toutes les choses bonnes et pures que donne le ciel, que crée la terre, que le Nil amène de sa cachette. Et les pains, les viandes, les fruits, les boissons écartent à jamais de lui toute menace de soif ou de faim.

Isis la magicienne alors transformée de nouveau en oiselle battit l'air avec ses ailes pour lui redonner le souffle vital, et ranima son frère-époux. Mais "c'est une chose à garder bien cachée ! qu'il ne soit pas permis qu'un homme ou une femme la divulgue à haute voix !". Puis, grâce à sa magique puissance, elle lui rendit quelques instants son membre disparu et descendit en planant doucement sur le corps d'Osiris qui, revirilisé par cette action, la féconda.

Ressuscité, Osiris aurait pu reprendre sa place parmi les hommes et quelquefois il lui est arrivé de se montrer à ses fidèles serviteurs. Mais il ne voulut pas séjourner dans les villes comme l'avaient fait ses ancêtres. Il préféra la Prairie du repos au milieu des marais dans les îlots sablonneux à l'abri des inondations du Nil. Ce fut le premier royaume d'Osiris où il mena une existence toute semblable à sa vie première, mais sans vieillir jamais.
Là est son royaume éternel. Le soleil et la lune l'éclairent en même temps. Quand il fait chaud au milieu du jour, le vent du nord souffle pour rafraîchir l'atmosphère, les moissons y sont abondantes et magnifiques. Des remparts épais protègent ce séjour des entreprises de Seth et des esprits malfaisants. Un palais semblable à celui de Pharaon, mais mille fois plus beau, s'y élève au milieu de jardins délicieux. Osiris entouré des siens y mène une vie tranquille où abondent tous les plaisirs de la vie terrestre sans aucune de ses douleurs.
Cependant Osiris, Ounnefer-le-bon, le type de la bonté parfaite, a voulu ouvrir les portes de son paradis aux âmes de ses anciens sujets fidèles, ceux qui sont les suivants d'Horus, afin que ceux qui ont été bons sur la terre, qui ont compris les enseignements sacrés et qui ont suivi la voie droite, mènent dans l'autre monde une heureuse existence et jouissent du bonheur éternel auprès du dieu qu'ils ont adoré et honoré pendant leur vie humaine. Il prit la croix de la vie, l'Ankh de la résurrection, et avec elle dans son Ba il alla pour sauver et protéger tous ceux qui, seuls ou terrifiés, pénétraient dans l'Amenti. Il leur revint de vivre à l'ouest en attendant ceux qui, déshérités, sont exilés du règne de la vie.

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Analyse de la résurrection d'Osiris

 

Dimanche 11 décembre 2011 et 8 janvier 2012 à 18 heures

Narcisse

Narcisse était de Thespies : il était fils de Liriopé, la Nymphe bleue que le dieu-Fleuve Céphise avait un jour emportée dans ses tourbillons et violée. Le devin Tirésias dit à Liriopé, qui fut la première personne à le consulter : " Narcisse vivra très vieux, à condition qu'il ne se regarde jamais ". On était bien excusable alors de tomber amoureux de Narcisse ; enfant et adolescent déjà, sa route était semée des cœurs de ses soupirants des deux sexes qu'il avait repoussés avec indifférence ; il était en effet farouchement orgueilleux de sa propre beauté.

Parmi ses amoureux se trouvait la Nymphe Écho qui ne pouvait plus se servir de sa voix si ce n'est pour répéter comme une insensée les paroles de quelqu'un d'autre ; c'était une punition pour avoir longtemps retenu l'attention d'Héra, racontant de longues histoires pendant que les concubines de Zeus, les nymphes de la montagne échappaient à on œil jaloux et parvenaient à s'enfuir. Un jour que Narcisse était sorti pour prendre des cerfs au filet, Écho le suivit furtivement dans la forêt épaisse, dévorée du désir de lui adresser la parole mais incapable de parler la première. A la fin, Narcisse s'étant aperçu qu'il s'était égaré et avait perdu ses compagnons, cria : " Holà, y a-t-il quelqu'un par ici ? - Par ici ! " répondit Écho, ce qui surprit Narcisse car il ne voyait personne. " Viens ! -Viens ! - Pourquoi me fuis-tu ? - Pourquoi me fuis-tu ? - Rejoignons-nous ! - Rejoignons-nous ! " répéta Écho et, sortant de sa cachette, tout heureuse, elle se précipita pour embrasser Narcisse.

Mais il la repoussa brutalement et s'enfuit. " Je mourrai plutôt que d'être à toi. - Être à toi ", implora Écho. Mais Narcisse était parti, et elle passa le restant de sa vie dans des vallons abandonnés, se languissant d'amour et se laissant dépérir par mortification, au point que seule sa voix subsista.

Un jour, Narcisse envoya, en présent, une épée à Ameinias, le plus tenace de ses soupirants, et dont le fleuve Ameinias porte le nom ; c'est un affluent du fleuve Hélicon qui se jette dans l'Alphée. Ameinias se tua devant la porte de Narcisse, faisant appel aux dieux pour venger sa mort.

Artémis l'entendit et fit que Narcisse tomba amoureux. Mais elle l'empêcha de consommer son amour. A Donacon, à Thespies, il vit une source ; elle était claire et argentée et n'avait encore jamais été touchée par un troupeau, ou des oiseaux, ou des bêtes sauvages, ni même par des branches tombées des arbres, qui l'ombrageaient ; et, comme épuisé de fatigue, il s'était laissé tomber sur l'herbe, pour étancher sa soif, il tomba amoureux de sa propre image, reflétée dans l'eau. Il commença par essayer de saisir et d'embrasser le beau jeune homme qui se trouvait devant lui, mais il se reconnut lui-même et, transporté d'amour, resta couché à regarder dans l'eau pendant des heures.

Comment supporter à la fois de posséder et de ne pas posséder ? Il était miné par le chagrin et, cependant, il se réjouissait de son tourment ; il sut au moins que son autre moi lui restait fidèle, quoi qu'il arrive.

Écho, bien qu'elle n'eût pas pardonné à Narcisse, souffrait avec lui ; elle répéta en écho à sa voix : " Hélas ! Hélas ! ", comme il se plongeait un poignard dans sa poitrine ; et elle redit aussi sa dernière phrase au moment où il expirait : " Ô toi, jeune homme que j'ai vainement aimé, adieu ! "

Son sang s'écoula dans la terre et il naquit un narcisse blanc à corolle rouge dont on extrait un baume, à Chéronée, de nos jours encore. Il est recommandé dans les affections des oreilles (bien qu'il puisse occasionner des maux de tête) et comme vulnéraire contre les engelures. (Les mythes grecs, Robert Graves, traduit de l'anglais par Maurice Hafez, Hachette Littératures, tome I, collection Pluriel, p. 306)

NB. Echo renvoie à la féminité et Narcisse à la masculinité.

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Analyse de Narcisse

 

Groupe de la parole du dimanche 15 janvier 2012 à 18 h.

Chez Claire et Jean-Nicolas Hérique

Résidence La Blonderie, 8 B, chemin du Plat 69 130 Ecully

Tél. 04 78 83 26 19

N'oubliez pas de préciser si vous venez et si vous ne venez pas en indiquant ce que vous apportez si vous avez choisi d'apporter quelque chose.

Pour notre prochaine réunion, nous avons décidé de travailler, à partir de notre ressenti, sur la phrase suivante : "Comment supporter à la fois de posséder et de ne pas posséder ? " (vers la fin du texte)

Narcisse

Narcisse était de Thespies : il était fils de Liriopé, la Nymphe bleue que le dieu-Fleuve Céphise avait un jour emportée dans ses tourbillons et violée. Le devin Tirésias dit à Liriopé, qui fut la première personne à le consulter : " Narcisse vivra très vieux, à condition qu'il ne se regarde jamais ". On était bien excusable alors de tomber amoureux de Narcisse ; enfant et adolescent déjà, sa route était semée des cœurs de ses soupirants des deux sexes qu'il avait repoussés avec indifférence ; il était en effet farouchement orgueilleux de sa propre beauté.

Parmi ses amoureux se trouvait la Nymphe Écho qui ne pouvait plus se servir de sa voix si ce n'est pour répéter comme une insensée les paroles de quelqu'un d'autre ; c'était une punition pour avoir longtemps retenu l'attention d'Héra, racontant de longues histoires pendant que les concubines de Zeus, les nymphes de la montagne échappaient à on œil jaloux et parvenaient à s'enfuir. Un jour que Narcisse était sorti pour prendre des cerfs au filet, Écho le suivit furtivement dans la forêt épaisse, dévorée du désir de lui adresser la parole mais incapable de parler la première. A la fin, Narcisse s'étant aperçu qu'il s'était égaré et avait perdu ses compagnons, cria : " Holà, y a-t-il quelqu'un par ici ? - Par ici ! " répondit Écho, ce qui surprit Narcisse car il ne voyait personne. " Viens ! -Viens ! - Pourquoi me fuis-tu ? - Pourquoi me fuis-tu ? - Rejoignons-nous ! - Rejoignons-nous ! " répéta Écho et, sortant de sa cachette, tout heureuse, elle se précipita pour embrasser Narcisse.

Mais il la repoussa brutalement et s'enfuit. " Je mourrai plutôt que d'être à toi. - Être à toi ", implora Écho. Mais Narcisse était parti, et elle passa le restant de sa vie dans des vallons abandonnés, se languissant d'amour et se laissant dépérir par mortification, au point que seule sa voix subsista.

Un jour, Narcisse envoya, en présent, une épée à Ameinias, le plus tenace de ses soupirants, et dont le fleuve Ameinias porte le nom ; c'est un affluent du fleuve Hélicon qui se jette dans l'Alphée. Ameinias se tua devant la porte de Narcisse, faisant appel aux dieux pour venger sa mort.

Artémis l'entendit et fit que Narcisse tomba amoureux. Mais elle l'empêcha de consommer son amour. A Donacon, à Thespies, il vit une source ; elle était claire et argentée et n'avait encore jamais été touchée par un troupeau, ou des oiseaux, ou des bêtes sauvages, ni même par des branches tombées des arbres, qui l'ombrageaient ; et, comme épuisé de fatigue, il s'était laissé tomber sur l'herbe, pour étancher sa soif, il tomba amoureux de sa propre image, reflétée dans l'eau. Il commença par essayer de saisir et d'embrasser le beau jeune homme qui se trouvait devant lui, mais il se reconnut lui-même et, transporté d'amour, resta couché à regarder dans l'eau pendant des heures.

Comment supporter à la fois de posséder et de ne pas posséder ? Il était miné par le chagrin et, cependant, il se réjouissait de son tourment ; il sut au moins que son autre moi lui restait fidèle, quoi qu'il arrive.

Écho, bien qu'elle n'eût pas pardonné à Narcisse, souffrait avec lui ; elle répéta en écho à sa voix : " Hélas ! Hélas ! ", comme il se plongeait un poignard dans sa poitrine ; et elle redit aussi sa dernière phrase au moment où il expirait : " Ô toi, jeune homme que j'ai vainement aimé, adieu ! "

Son sang s'écoula dans la terre et il naquit un narcisse blanc à corolle rouge dont on extrait un baume, à Chéronée, de nos jours encore. Il est recommandé dans les affections des oreilles (bien qu'il puisse occasionner des maux de tête) et comme vulnéraire contre les engelures. (Les mythes grecs, Robert Graves, traduit de l'anglais par Maurice Hafez, Hachette Littératures, tome I, collection Pluriel, p. 306)

NB. Echo renvoie à la féminité et Narcisse à la masculinité.

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Analyse de Narcisse

 

Dimanche 12 février

chez Marie-Madeleine et Alain Culem

Lutte de Jacob avec l'inconnu

Cette même nuit, Jacob se leva,
Prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants
Et passa le gué du Yabboq.
Il les prit et leur fit passer le torrent,
Et il fit passer aussi tout ce qu'il possédait.
Et Jacob resta seul.

Et quelqu'un lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore.
Voyant qu'il ne le maîtrisait pas,
Il le frappa à l'emboîture de la hanche,
Et la hanche de Jacob se démit pendant qu'il luttait avec lui.
Il dit : " Lâche-moi car l'aurore est levée ",
Mais Jacob répondit :
" Je ne te lâcherai pas, que tu ne m'aies béni ".
Il lui demanda : " Quel est ton nom ? "
" Jacob, répondit-il ".
Il reprit :
" On ne t'appellera plus Jacob, mais Israël,
Car tu as été fort contre Dieu et contre les hommes
Et tu l'as emporté ".
Jacob fit cette demande : " Révèle-moi ton nom, je te prie ",
Mais il répondit :
" Et, pourquoi me demandes-tu mon nom ? "
Et, là même, il le bénit.

Jacob donna à cet endroit le nom de Penuel,
" Car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face et j'ai eu la vie sauve ".
Au lever du soleil, il avait passé Penuel
Et il boitait de la hanche.
C'est pourquoi les Israélites ne mangent pas, jusqu'à ce jour,
Le nerf sciatique, qui est à l'emboîture de la hanche,
Parce qu'il avait frappé Jacob
À l'emboîture de la hanche, au nerf sciatique.
( Genèse, 32, 23-33)

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Analyse de la lutte de Jacob avec l'inconnu


Dimanche 11 mars 2012 à 18 heures

Chez Colette Dorin

Pour travailler à partir de notre ressenti, le 11 mars prochain, nous avons choisi le passage suivant :

Jacob fit cette demande : " Révèle-moi ton nom, je te prie ",
Mais il répondit :
" Et, pourquoi me demandes-tu mon nom ? "
Et, là même, il le bénit.


Lutte de Jacob avec l'inconnu

Cette même nuit, Jacob se leva,
Prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants
Et passa le gué du Yabboq.
Il les prit et leur fit passer le torrent,
Et il fit passer aussi tout ce qu'il possédait.
Et Jacob resta seul.

Et quelqu'un lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore.
Voyant qu'il ne le maîtrisait pas,
Il le frappa à l'emboîture de la hanche,
Et la hanche de Jacob se démit pendant qu'il luttait avec lui.
Il dit : " Lâche-moi car l'aurore est levée ",
Mais Jacob répondit :
" Je ne te lâcherai pas, que tu ne m'aies béni ".
Il lui demanda : " Quel est ton nom ? "
" Jacob, répondit-il ".
Il reprit :
" On ne t'appellera plus Jacob, mais Israël,
Car tu as été fort contre Dieu et contre les hommes
Et tu l'as emporté ".
Jacob fit cette demande : " Révèle-moi ton nom, je te prie ",
Mais il répondit :
" Et, pourquoi me demandes-tu mon nom ? "
Et, là même, il le bénit.

Jacob donna à cet endroit le nom de Penuel,
" Car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face et j'ai eu la vie sauve ".
Au lever du soleil, il avait passé Penuel
Et il boitait de la hanche.
C'est pourquoi les Israélites ne mangent pas, jusqu'à ce jour,
Le nerf sciatique, qui est à l'emboîture de la hanche,
Parce qu'il avait frappé Jacob
À l'emboîture de la hanche, au nerf sciatique.
( Genèse, 32, 23-33)

http://www.etienneduval.fr/groupedelaparole/

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Analyse de la lutte de Jacob avec l'inconnu

 

 

Dimanche 29 avril 2012

Chez Marie-Louise et Yves Jaffrès

Chahrazade

Le roi Chahriyâr ne cessa de prendre ainsi, chaque nuit, une fille parmi celles des marchands ou des hommes du peuple, pour dormir avec elle et la tuer le lendemain matin. Mais il se fit à la fin grand bruit par toute la ville de ces disparitions. Les matrones se lamentaient, les femmes, les pères, les mères, tous vivaient dans une inquiétude continuelle et ne tardèrent pas à appeler les pires maux sur la tête du roi, présentant leurs supplications au Créateur des cieux, demandant aide et protection à Celui qui entend la voix des affligés et répond à leurs prières.

Le vizir chargé de veiller à l'exécution des épouses du roi avait, on le sait deux filles : l'aînée avait nom Chahrazade, et la plus jeune Dounyazade. Chahrazade avait lu des livres et des écrits de toutes sortes, allant jusqu'à étudier les ouvrages des Sages et les traités de médecine…

Un jour, elle dit à son père : " Ô père, je voudrais te faire part de mes pensées secrètes. - Quelles sont-elles ? demanda la vizir. - Je désire que tu arranges mon mariage avec le roi Chahriyâr : ou bien je grandirai dans l'estime de mes semblables en les délivrant des péril qui les menace, ou bien je mourrai et périrai sans espoir de salut, partageant le sort de celles qui sont mortes et ont péri avant moi ".

Lorsque le vizir entendit les paroles de sa fille, il s'écria d'une voix courroucée : " Sotte que tu es, ne sais-tu pas que le roi Chahriyâr a juré de ne dormir qu'une seule nuit avec chacune de ses épouses pour la tuer le lendemain matin ? Tu veux que je te donne à lui ! Ignores-tu qu'après avoir passé une nuit avec toi, il m'ordonnera, dès le jour suivant, de te faire périr ? Et tu sais bien que je serai obligé de te tuer sans pouvoir m'opposer à ses ordres ! - Ô mon père, il faut absolument que tu me donnes à lui. Ma décision est irrévocable, mon choix est définitif ".

Le vizir son père, cette fois fort en colère, s'écria à la fin : " Celui qui ne sait pas s'adapter aux réalités du monde tombe immanquablement dans les dangers qu'il veut éviter…

Histoire de l'âne, du taureau et du laboureur…

Ayant terminé son récit, le vizir dit à sa fille : " Toi aussi, tu ne reviendras sur ta décision que lorsque j'aurai employé à ton endroit les mêmes moyens dont le marchand sut si bien user avec sa femme… - Par Dieu ! répondit-elle, je ne renoncerai pas pour cela à mon projet. Et ton histoire ne m'empêchera pas de réitérer ma demande, car si je voulais, je t'en conterais d'autres qui conduisent à des conclusions différentes. En fin de compte, je t'avertis que si tu ne te décides pas à me présenter au roi Chahriyâr de ton plein gré, j'irai le trouver en ton absence pour lui dire que tu as refusé de consentir à ce mariage par dédain pour sa personne et par crainte de donner à ton maître une fille aussi riche que moi… - Tu exiges donc que j'obéisse à tes injonctions ? conclut le vizir. - Oui ".

Ayant épuisé tous ses arguments pour la dissuader de son projet et lassé à la fin par tant d'entêtement, le ministre se rendit donc au palais. Il se fit introduire en présence du roi Chahriyâr, baisa la terre à ses pieds, présenta la requête de sa fille et annonça à son souverain son intention de lui offrir les faveurs de celle-ci pour le soir même. Le roi s'en étonna et dit : " Comment as-tu consenti à me céder ta fille ? Sache par Dieu ! par le prix de Celui qui a élevé le ciel au-dessus de la terre ! que demain, à peine le jour aura-t-il paru, je te donnerai l'ordre de la tuer… et que si tu refuses, je veillerai à ce que tu sois exécuté pareillement. - Ô sultan, notre maître, répondit le vizir, j'ai essayé de lui faire abandonner son projet en lui rapportant le sort qui l'attendait. Je l'ai avertie en termes clairs de son destin. Malgré cela, elle a maintenu sa décision : elle désire se trouver chez toi, cette nuit même ".

Ces mots eurent l'air de fort réjouir le roi. " Va lui préparer tout ce qui est convenable, ordonna-t-il au vizir, et amène-la-moi au début de la nuit. " Le vizir s'en alla porter la nouvelle à sa fille : " Que Dieu me garde, dans l'avenir, de regretter ton absence ! déclara-t-il en conclusion de toutes ses paroles ".

Chahrazade ressentit une très vive joie en apprenant la réussite de son projet. Elle fit ses préparatifs, disposa tout ce dont elle avait besoin pour ses noces ; puis elle s'en vint trouver sa sœur Dounyazade et lui dit : " Ma sœur, retiens bien les conseils que je vais te donner. Lorsque je serai chez le roi, il te fera demander. Tu viendras le trouver aussitôt, et lorsque tu constateras que nos ébats ont pris fin, tu me diras : " Ô ma sœur, si tu ne dors pas, raconte-moi une petite histoire ". Alors, je commencerai un récit… dont l'issue coïncidera avec ma délivrance et avec celle de toute la communauté ! Oui, entends-tu, c'est ainsi que je compte faire oublier au roi ses habitudes sinistres… " Dounyazade approuva ces paroles et promit de seconder les projets de son aînée.

La nuit arriva. Le vizir prit Chahrazade et l'emmena auprès du Grand Roi Chahriyâr. Celui-ci la fit entrer dans son lit et se livra avec elle à mille jeux. A la suite de quoi la belle enfant se prit à pleurer. " Pourquoi ces larmes ? s'étonna le roi. - J'ai une sœur cadette, expliqua Chahrazade, et je voudrais la faire venir ici pour lui faire mes adieux et recueillir les siens avant l'apparition de l'aube ".

Le roi envoya chercher la sœur cadette. Dounyazade arriva dans la chambre et s'étendit au pied du lit. Lorsque l'obscurité fut complète, elle ouvrit l'œil et attendit patiemment que le roi eût fini de mener son affaire avec sa sœur. A la fin, comme les deux conjoints reprenaient leurs esprits, elle se risqua à toussoter et murmura : " Ô ma sœur, si tu ne dors pas, raconte-moi une de tes belles histoires, de celles qui nous aidaient à passer nos veillées. Ensuite, dès avant l'aube, je te ferai mes adieux, car je ne sais trop ce que demain te réserve… ". Chahrazade demanda au roi : " Me permets-tu de lui raconter une histoire ? - Oui, fit le roi ". Chahrazade, toute à sa joie secrète, s'adressa alors à sa sœur : " Ecoute, lui dit-elle… "

Elle n'avait pas terminé son récit que le jour vint à paraître. Chahrazade se tut. Le roi, visiblement fort embarrassé, se demandait de quelle manière il devait s'y prendre pour connaître la fin de l'histoire. Lorsque Dounyazade aperçut la lumière de l'aube, elle s'écria : " Ô ma sœur, ton récit est beau et merveilleux ! - Ce que vous venez d'entendre, insinua alors la conteuse, n'est rien en comparaison de ce que je me propose de vous révéler la nuit prochaine… si je reste en vie et si le roi m'accorde un délai pour le raconter. Mon histoire comporte en effet nombre d'épisodes plus beaux et merveilleux encore que ceux que je vous ai régalés ". Alors le roi se dit en lui-même : " Par Dieu ! Je ne la tuerai que lorsque j'aurai entendu la suite. Me voilà bel et bien obligé de reporter sa condamnation au lendemain… ".

Enfin l'aube céda la place au jour, et le soleil brilla de tout son éclat. Le roi s'en alla régler les affaires de son royaume, soucieux qu'il était du bon gouvernement de ses sujets. Quant au père de Chahrazade, son vizir, il fut bien étonné de ce que son maître n'envoyât pas à la mort, sa nouvelle épousée, et ne laissa pas de s'en réjouir beaucoup. Chahriyâr, cependant vaquait à ses fonctions royales, décrétant de sa bouche tout ce qui lui semblait bon de décréter, ce qui le tint affairé jusqu'au soir. Il regagna alors son palais, se retira dans ses appartements et admit Chahrazade dans son lit. Au cœur de la nuit, la voix de sa sœur cadette se fit entendre à nouveau : " Par Dieu ! ô ma sœur, si tu ne dors pas, raconte-moi donc une de tes belles histoires, afin d'agrémenter notre veillée. - Oui, conte-nous vite la suite de ton récit d'hier, renchérit le roi. Qu'est-il donc arrivé à notre héros, je brûle de le savoir. - Volontiers, ô roi fortuné, répondit Chahrazade. Avec amour et respect je t'obéirai ".

Et elle continua de dérouler ainsi le fil de ses histoires, l'interrompant à la fin de chaque nuit et le reprenant au cours de la nuit suivante, toujours avec la permission du roi Chahriyâr… Et mille et une nuits s'écoulèrent.

La reine Chahrazade avait, pendant ce temps, donné le jour à trois enfants du sexe masculin. Lorsqu'elle fut rendue au terme de sa dernière histoire, elle se leva, se présenta à la face du roi, baisa le sol devant lui et dit : " Ô roi du temps, ô roi unique à son époque et en son siècle, sache que je suis ta servante et que, durant mille et une nuits, je t'ai rapporté tous les récits de ceux qui nous ont précédés sur cette terre, toutes les exhortations de ceux qui ont vécu avant nous. Puis-je après cela me prévaloir de quelque crédit auprès de ta seigneurie et te présenter un vœu auquel je souhaite que tu puisses répondre d'une manière favorable ? - Demande une grâce, elle te sera accordée, répondit le roi ". Alors elle appela les nourrices et les eunuques du palais et leur dit : " Amenez ici mes enfants ". Ils s'empressèrent d'aller les chercher. Or ces enfants étaient au nombre de trois, tous de sexe masculin. Le premier commençait à marcher, le second allait à quatre pattes, le troisième était encore à la mamelle. Lorsqu'ils furent devant elle, elle les prit tous les trois dans ses bras et les déposa devant le roi. Puis elle baisa la terre et dit : " Ô roi du temps, voici tes enfants. Je souhaite maintenant que tu m'accordes la grâce d'échapper à la mort que tu avais prévue pour moi, et cela, par égard pour eux. Car si tu me fais mourir, ils seront sans mère et ne trouveront aucune femme capable de les élever avec plus de tendresse que moi-même ".

A ces mots, le roi pleura et serra ses trois fils sur sa poitrine. " Ô Chahrazade, s'écria-t-il. Par Allah ! J'étais décidé à épargner ta vie avant même que tu me présentes ces enfants, car je t'ai vue chaste et pure, fidèle et pieuse. Que Dieu t'accorde ses bénédictions, qu'il les accorde aussi à ton père, à ta mère et à tous ceux de ton lignage et de ta race. Je prends Dieu à témoin que j'écarterai désormais de toi tout ce qui pourrait te nuire ". Elle lui baisa les mains et les pieds et s'écria, débordante de joie : " Que Dieu prolonge ta vie ! Qu'Il augmente la crainte et le respect que tu inspires à tes sujets ". L'allégresse se répandit partout, depuis le palais du roi jusqu'aux quartiers reculés de la ville. Oui, le souvenir de cette nuit-là fut unique dans la mémoire de tous ceux qui la vécurent…, nuit plus brillante même que le visage resplendissant du jour.

L'aube trouva le roi heureux et comblé par la fortune. Il fit venir tous ses soldats et accorda à son vizir, le père de Chahrazade, un somptueux manteau d'honneur dont la seule vue imposait à tous le respect. Puis il lui déclara : " Tu as bénéficié de la protection de Dieu lorsque tu m'as donné pour épouse ta fille aux nobles qualités. Elle a été la cause de ma repentance et m'a fait renoncer à mon habitude de tuer les filles de mes sujets. Je l'ai vue fidèle, pure, chaste, honnête, et Dieu m'a octroyé la faveur d'avoir de cette épouse trois enfants mâles. Qu'il soit loué pour cette grâce magnifique !

Puis il gratifia de vêtements d'honneur tous les grands personnages de son royaume sans exception, tous les vizirs, tous les émirs. Il ordonna d'orner la ville durant trente jours et de mettre à son compte les dépenses de tous les habitants au cours de ces réjouissances publiques, en ayant bien soin, pour cela, de ne faire tirer d'argent que sur son trésor personnel, de façon à épargner le moindre débours à ses sujets. On décora donc la ville d'une manière splendide, telle que jamais elle ne l'avait été dans le passé. On battit du tambour, on joua de la flûte. Les baladins les plus habiles donnèrent des représentations gratuites devant la foule et le roi les combla eux aussi de faveurs et de cadeaux. Il fit de larges aumônes aux pauvres et aux indigents, et sa générosité étendit ses bienfaits jusqu'au dernier des habitants de son royaume.

Ainsi vécurent-ils, lui et les siens, dans le bien-être, le plaisir, le bonheur et la gaîté… jusqu'à ce qu'ils fussent rejoints par celle qui efface toute jouissance et disperse les assemblées…

Loué soit Celui que le déroulement du temps ne peut anéantir, que les changements ne privent d'aucune qualité, qu'un état déterminé ne distrait d'aucun autre, Celui qui seul possède la perfection totale.

Que la bénédiction et le salut soient sur le premier en dignité parmi ses préposés, sur la meilleure de ses créatures, notre maître Mohammad, le Maître de l'humanité entière. Que par lui arrivent jusqu'à Dieu les prières que nous formulons en mettant bonne fin à ce récit. (Les mille et une nuits, édition établie par René R. Khawam, Phébus libretto)

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Analyse de Chahrazade

 

Dimanche 10 juin 2012

Chez Colette Dorin

La première nuit de Tobie avec Sarra

Quand on eut fini de boire et de manger,
On parla d'aller se coucher,
Et l'on conduisit le jeune homme
Depuis la salle du repas jusque dans la chambre.
Tobie se souvint des conseils de Raphaël,
Il prit le sac, il en tira le cœur et le foie du poisson,
Et il en mit sur les braises de l'encens.
L'odeur du poisson incommoda le démon,
Qui s'enfuit par les airs jusqu'en Egypte.
Raphaël l'y poursuivit, l'entrava et le garotta sur le champ.

Cependant les parents étaient sortis en refermant la porte.
Tobie se leva du lit et dit à Sarra : "Debout, ma sœur !
Il faut prier tous deux, et recourir à notre Seigneur,
Pour obtenir sa grâce et sa protection."
Elle se leva et ils se mirent à prier pour obtenir d'être protégés,
Et il commença ainsi :

Tu es béni, Dieu de nos pères,
Et ton Nom est béni
Dans tous les siècles des siècles !
Que te bénissent les cieux
Et toutes les créatures
Dans tous les siècles !

C'est toi qui a créé Adam,
C'est toi qui a créé Eve sa femme,
Pour être son secours et son appui,
Et la race humaine est née de ces deux-là.
C'est toi qui as dit :
"Il ne faut pas que l'homme reste seul,
Faisons-lui une aide semblable à lui."

Et maintenant, ce n'est pas le plaisir
Que je cherche en prenant ma sœur,
Mais je le fais d'un cœur sincère.
Daigne avoir pitié d'elle et de moi
Et nous mener ensemble à la vieillesse !

Et ils dirent de concert : "Amen, amen !"
Et ils se couchèrent pour la nuit.

Or Ragouël se leva, il appela ses serviteurs
Et ils vinrent l'aider à creuser une tombe.
Il avait pensé : "Pourvu qu'il ne meure pas !
Nous serions couverts de ridicule et de honte."
Une fois la fosse achevée, Ragouël revint à la maison,
Il appela sa femme et lui dit : "Si tu envoyais
Une servante dans la chambre voir si Tobie est en vie ?
Parce que, s'il est mort, on l'enterrerait sans que personne ne sache rien."
On avertit la servante, on alluma la lampe,
On ouvrit la porte, et la servante entra.
Elle les trouva dormant tous deux d'un profond sommeil ;
Elle ressortit et leur dit tout bas :
"Il n'est pas mort, tout va bien."
Ragouël bénit le Dieu du ciel par ces paroles :

Tu es béni, mon Dieu,
Par toute bénédiction pure !
Qu'on te bénisse dans tous les siècles !

Tu es béni de m'avoir réjoui,
Et ce que je redoutais n'est pas arrivé,
Mais tu nous a traités
Avec ton immense bienveillance.

Tu es béni d'avoir eu pitié
De ce fils unique et de cette fille unique.
Donne-leur, Maître, ta grâce et ta protection,
Fais-les poursuivre leur vie,
Dans la joie et dans la grâce !

Et il fit combler la tombe par ses serviteurs,
Avant le petit jour.
Il fit faire par sa femme une fournée de pains,
Il alla au troupeau, prit deux boeufs et quatre moutons,
Il les recommanda à la cuisine,
Et l'on commença les préparatifs.
Il fit venir Tobie et lui déclara :
"Pendant quatorze jours, il n'est pas question que tu bouges d'ici.
Tu resteras là où tu es , à manger et à boire, chez moi.
Tu rendras la joie à ma fille après tous ses chagrins.
Après, emporte d'ici la moitié de tout ce que j'ai,
Et retourne sans encombre auprès de ton père.
Quand nous serons morts, ma femme et moi,
Vous aurez l'autre moitié.
Aie confiance, mon garçon !
Je suis ton père, et Edna est ta mère.
Nous sommes tes parents, comme ceux de ta sœur, désormais.
Aie confiance, mon enfant !"
(Bible de Jérusalem, Tobie, 8, 1-21)

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Analyse de la première nuit de Tobie passée avec Sarra