Programme du groupe de la parole 2012-2013




Bouddhisme tibétain

 

Second dimanche du mois du mois à 18 heures

à des lieux différents précisés chaque fois (chez des membres du groupe)

 

Programme du groupe de la parole 2012-2013

Nous aborderons l'étude du bouddhisme en parcourant le Lankâvatâra sûtra, proposé par le lama Tsultrim Gvamtso. Nous prendrons d'abord les 8 premiers chapitres et nous terminerons par le chapitre XIII consacré au nirvana :

1. La discrimination
2. Fausses imaginations, connaissances des apparences
3. Connaissance correcte ou connaissance des relations
4. Parfaite connaissance ou connaissance de la réalité
5. Le système mental
6. L'intelligence transcendantale
7. L'auto-réalisation
8. L'accession à l'auto-réalisation
13. Le nirvâna

Intégralité du Lankâvatâra sûtra

Sûtras divers

Dictionnaire des termes bouddhiques

Groupe de la parole du dimanche 14 octobre 2012 à 18 h.

Chez Claire et Jean-Nicolas Hérique

Résidence La Blonderie, 8 B, chemin du Plat 69 130 Ecully

Tél. 04 78 83 26 19

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Lankavâtara Sûtra

Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse


Transmission par le Lama Tsultrim Gyamtso

Hautes-Alpes
Le Jardin de Grande Compassion Les Blancs - Chantaussel, 05500 Saint-Julien en Champsaur Tel 04 92 50 76 29 - http://thouktchenling.free.fr - E-mail thouktchenling@free.fr Autorité spirituelle : Sa Sainteté Le Gyalwa Karmapa et le Vénérable Guèndun Rinpoché Lama responsable : Lama Tsultrim Gyamtso

I. Introduction par Daisetz Teitaro Suzuki

Ce sûtra, selon la tradition, a été transmis par Bodhidharma à son plus grand disciple Huike et contient l'essentiel de la doctrine zen. Depuis, il a surtout été étudié par les philosophes du Zen. Mais, comme il est rempli de termes techniques difficiles et que le style en est quelque peu rugueux, ce sûtra n'a pas reçu le même succès populaire que d'autres soutras du Mahâyana tels que le Pundarika, le Vimalakirti ou le Vajracchedika [Diamant].
Le personnage principal y est un Bodhisattva du nom de Mahâmati ; divers sujets de spéculation philosophique sont abordés sur un fond profondément religieux. Le point le plus intéressant pour le lecteur est l'étude de svapratyatmagati, c'est-à-dire de la réalisation intérieure de la plus haute vérité.

Explication de quelques termes
Il n'est peut-être pas inutile d'expliquer ici quelques-uns des termes qui reviennent constamment dans le texte : " naissance et mort " (sanskrit : samsara) se trouve toujours en contraste avec " Nirvâna ". Nirvâna est la plus haute vérité et la norme de l'existence alors que la naissance et la mort s'appliquent à un monde de particularités soumis au karma et à la loi de causalité. Tant que nous sommes dépendants du Karma, nous passons d'une naissance à l'autre et souffrons de tous les maux nécessairement inhérents à ce genre de vie, bien que ce soit une forme d'immortalité. Ce que les bouddhistes recherchent, c'est autre chose. "Mental Cosmique " (cittamatra) est un terme difficile. Il signifie mental absolu, à distinguer d'un mental empirique pouvant être l'objet d'une étude psychologique. Commençant par une majuscule, il s'applique à la réalité ultime sur laquelle s'appuie l'univers entier des objets individuels pour en tirer sa valeur. Réaliser cette vérité, tel est l'objectif de la vie bouddhiste.

Le monde est une illusion et ce qui existe vraiment, c'est le Mental
L'expression " ce que l'on voit du Mental Cosmique ", désigne ce monde visible, y compris ce que l'on appelle communément le mental. Dans notre expérience ordinaire du monde, nous considérons celui-ci comme une chose ayant sa " nature propre ", c'est-à-dire une chose qui existe par elle-même. Mais une intuition plus profonde nous dit qu'il n'est rien, que le monde est une illusion et que ce qui existe réellement, c'est le Mental qui, par le fait qu'il est absolu, est sans second. Tout ce que nous voyons, entendons, tout ce que nous considérons comme objets des vijñanas (consciences) sont des événements qui naissent et disparaissent dans le Mental Cosmique.

Le mental absolu appelé Dharma de Solitude
Ce Mental Absolu est également appelé, dans le Lankavatâra, le Dharma de Solitude (vivikta-dharma) parce qu'il existe par lui-même. Cela signifie aussi qu'il est le Dharma absolument tranquille. Il n'y a, dans ce Dharma de Solitude, aucune "discrimination", ce qui veut dire que la discrimination règne de ce côté-ci de l'existence, côté de multiplicités et de causalité. Bien plus, sans cette discrimination, il n'y a pas de monde possible.

La conscience-magasin s'éveille tout d'un coup
La discrimination provient de " l'énergie de l'habitude "* de la " mémoire " qui demeure latente dans l'alayavijñana, conscience-magasin où tout est conservé. Cette conscience n'a pas, à elle seule, le pouvoir d'agir. Elle est entièrement passive et reste au repos jusqu'à ce qu'une opération spécifique vienne l'activer. L'apparition de cette opération est un grand mystère devant lequel l'intellect est impuissant ; c'est un phénomène qu'il faut accepter simplement, sans chercher davantage. Selon Asvagosha, elle s'éveille " tout d'un coup".
Comprendre cette opération subite est la fonction de la " noble sagesse " (aryajñana), mais, en tant qu'expérience, l'éveil subit de la discrimination ne recouvre aucune signification. Le fait est simplement qu'elle est éveillée, rien de plus ; ce n'est pas une expression cherchant à désigner quelque chose d'autre. L'Alayavijñana ou cette conscience de conservation, considérée comme un magasin-entrepôt, ou mieux, comme une matrice créatrice dont tous les Tathagatas proviennent est appelée "Tathagatagarbha". Garbha est la matrice.

Le retournement ou la révolution
Normalement, notre appareil cognitif est fait pour fonctionner à l'extérieur, dans un monde de relativité et c'est pour cette raison que nous sommes profondément intégrés en lui que nous ne réalisons pas que nous sommes tous intrinsèque ment libres ; pour finir, nous sommes gênés de tous les côtés. Pour nous sortir de cette situation, il nous faut effectuer au fond de notre conscience ce que l'on peut appeler, sur le plan psychologique, un " retournement " ou une " révolution ". Cependant, il ne s'agit pas d'un simple événement psychologique empirique que l'on puisse expliquer en termes de conscience. Ce processus surgit dans les zones les plus profondes de notre être. Le terme sanskrit pour l'exprimer est paravrittasraya.
une expression qu'utilise aussi Thich Nhat Hanh.

II. Chapitre I. La discrimination

…Tout ce qu'on voit dans le monde est privé d'effort et d'action parce que toutes choses dans le monde sont comme un rêve, ou comme une image miraculeusement projetée. Ceci n'est pas compris par les philosophes et par les ignorants, mais par ceux qui les voient vraiment.

L'image réfléchie dans un miroir
Ceux qui voient les choses autrement marchent dans la discrimination et, comme ils dépendent de la discrimination, ils s'accrochent au dualisme. Le monde, tel qu'il est vu par la discrimination est comme de voir sa propre image réfléchie dans un miroir, ou sa propre ombre, ou la lune réfléchie dans l'eau, ou un écho entendu dans la vallée. Les gens, en s'attachant à leurs propres ombres de discrimination, s'attachent à cette chose-ci et à cette chose-là et, en n'arrivant pas à quitter le dualisme, ils continuent pour toujours à discriminer et n'atteignent ainsi jamais la tranquillité. Par tranquillité, on veut dire l'Unité, et l'Unité donne naissance au samadhi le plus élevé qu'on gagne en entrant dans le royaume de la Noble Sagesse qui n'est réalisable qu'à l'intérieur de sa propre conscience la plus profonde".

Les ignorants s'attachent à la multiplicité des objets extérieurs
… "Mahâmati, vu que les ignorants et les simples d'esprit, ne sachant pas que le monde est seulement vu par l'esprit lui-même, s'attachent à la multiplicité des objets extérieurs, s'attachent aux notions d'être et de non-être, d'homogénéité et d'hétérogénéité, de dualité et de non-dualité, d'existence et de non-existence, d'éternité et de non-éternité, et pensent qu'ils ont une existence propre, le tout provenant des discriminations de l'esprit et étant perpétué par l'énergie de l'habitude, ce qui les amène à de fausses imaginations. C'est tout comme un mirage dans lequel des sources d'eau sont vues comme si elles étaient réelles. Elles sont ainsi imaginées par les animaux qui, assoiffés par la chaleur de la saison, se ruent sur elles. Les animaux, ne sachant pas que ces sources sont une hallucination de leur propre esprit, ne se rendent pas compte qu'elles n'existent pas. De la même façon, Mahâmati, les ignorants et les simples d'esprit, leur esprit brûlant du feu de l'avidité, de la colère et de la folie, trouvant du plaisir dans un monde aux formes multiples, leur pensées obsédées par les idées de naissance, de croissance et de destruction, ne comprenant pas bien ce que signifie l'existence et la non-existence, et impressionnés par les discriminations erronées et les spéculations sans commencement ni fin, tombent dans l'habitude de saisir ceci et cela et s'y attachent en conséquence.

Comme un miroir ou l'écho du vent
… C'est comme un miroir qui réfléchit couleurs et images telles que déterminées par les conditions, mais sans partialité. C'est comme l'écho du vent qui rend le son de la voix humaine. C'est comme un mirage d'eau mouvante qu'on voit dans un désert. De la même manière l'esprit discriminant de l'ignorant qui a été échauffé par de fausses imaginations et spéculations est-il agité en vagues semblables au mirage par les vents de la naissance, de la croissance et de la destruction.

L'accumulation du karma
…les ignorants s'attachent aux noms, aux signes et aux idées; comme leur esprit se meut au long de ces canaux, il se nourrissent d'un multiplicité d'objets et tombent dans la notion d'âme dotée d'une existence propre et dans ce qui lui appartient; ils discriminent entre le bien et le mal parmi les apparences et s'attachent à ce qui est agréable. Comme ils s'attachent ainsi, il se produit une réversion de l'ignorance, et le karma issu de l'avidité, de la colère et de la folie s'accumule. Comme l'accumulation du karma se poursuit, ils sont emprisonnés dans un cocon de discrimination et sont en conséquence incapables de se libérer du cycle de la naissance et de la mort.

Les ignorants se meuvent avec le flot des apparences
A cause de la folie, ils ne comprennent pas que toutes choses sont de la nature de maya, comme le reflet de la lune dans l'eau, qu'il n'existe pas de substance du soi qu'on puisse imaginer comme une âme-âme dotée d'une existence propre et ses propriétés, et que toutes leurs idées définitives proviennent de leurs fausses discriminations de ce qui n'existe que parce que c'est vu par l'esprit lui-même. Ils ne se rendent pas compte que les choses n'ont rien à voir avec le qualifié et le qualifiant, ni avec le cycle de la mort, de la durée et de la destruction, et au contraire, ils assurent qu'ils sont nés d'un créateur, du temps, des atomes, de quelque esprit céleste. C'est parce que les ignorants s'adonnent à la discrimination qu'ils se meuvent avec le flot des apparences, mais il n'en va pas ainsi des sages.


Il épousa la vacuité

Dans une certaine ville, une très belle femme apparut soudain comme venant de nulle part. Personne ne savait d'où elle venait ; ses origines étaient complètement inconnues. Mais elle était si belle, si enchanteresse que personne ne se posa même la question. Les gens se rassemblèrent, toute la ville se réunit et tous les jeunes hommes - ils étaient presque trois cents - voulurent épouser cette femme. La femme dit : " Regardez, je suis seule et vous êtes trois cents. Je ne puis épouser que l'un de vous, alors faites une chose. Je reviendrai demain ; je vous donne vingt-quatre heures. Si l'un de vous parvient à répéter le Sutra du Lotus de Bouddha, je l'épouserai. " Tous les jeunes gens se précipitèrent chez eux ; ils ne purent ni manger ni dormir, toute la nuit ils récitèrent le sutra, ils essayèrent de l'apprendre par coeur. Dix réussirent. Le lendemain matin, la femme vint et ces dix personnes proposèrent de le réciter. La femme écouta. Ils avaient réussi. Elle dit : "C'est bien, mais je suis seule. Comment pourrais-je épouser dix personnes ? Je vous donne encore vingt-quatre heures. J'épouserai celui qui pourra également expliquer le sens du Sutra du Lotus. Essayez donc de le comprendre - car réciter c'est quelque chose de facile, c'est répéter mécaniquement quelque chose dont vous ne comprenez pas le sens. " Le temps était fort court - une nuit seulement ! Et le sutra du Lotus est long. Mais quand on est amoureux on peut faire n'importe quoi. Ils repartirent en hâte et firent de leur mieux. Le jour suivant, trois personnes se présentèrent. Ils en avaient compris le sens. Et la femme dit : " La difficulté subsiste encore. Votre nombre est réduit, mais cela reste difficile. De trois cents à trois c'est un grand progrès ; mais de nouveau, je ne peux pas épouser trois personnes - je ne peux me marier qu'avec un seul. Il faut donc encore vingt-quatre heures… J'épouserai celui qui non seulement aura compris le sens du sutra, mais qui l'aura également goûté. Alors essayez d'en goûter le sens pendant ces vingt-quatre heures. Vous l'expliquez, mais cette explication est intellectuelle. Bien, c'est mieux qu'hier - vous en avez une certaine compréhension - mais la compréhension est intellectuelle. J'aimerais y trouver un certain goût méditatif, un certain parfum. Je voudrais que le lotus pénètre votre présence, que vous deveniez un peu ce lotus. Je voudrais en respirer le parfum. Revenez donc demain. " Un seul revint, il avait réussi. La femme le conduisit à sa maison, hors de la ville. L'homme n'avait jamais vu cette maison ; elle était très belle, c'était presque un pays de rêve. Et les parents de la femme se tenaient à l'entrée. Ils reçurent le jeune homme et lui dirent : " Nous sommes très heureux. " La femme entra dans la maison, et l'homme bavarda un peu avec les parents. Puis les parents dirent : " Allez-y. Elle doit vous attendre. Voici sa chambre. " Ils la lui montrèrent. Il alla ouvrir la porte, mais il n'y avait personne. La chambre était vide. Une porte donnait sur le jardin. Il regarda - peut-être était-elle allée au jardin. Oui, elle avait dû s'y rendre, car il y avait des traces de pas sur le chemin. Il suivit donc ces traces. Il marcha presque un kilomètre. Il arriva au bout du jardin et se trouva sur la rive d'une belle rivière - mais la femme n'était pas là. Les traces avaient disparu. Il ne restait que deux chaussures dorées qui lui appartenaient. Alors, il fut dérouté. Que s'était-il donc passé ? Il regarda derrière lui - il n'y avait ni jardin, ni maison, ni parents, rien. Tout avait disparu. Il regarda à nouveau. Les chaussures n'étaient plus là, la rivière avait disparu. Il n'y avait que le vide - et un grand rire. Il se mit aussi à rire. Il se maria. C'est une belle histoire bouddhiste. Il épousa le vide, il épousa la vacuité. C'est le mariage que tous les grands saints ont recherché. C'est l'instant où vous devenez " la fiancée du Christ ", ou la gopi de krishna. Mais tout disparaît - le chemin, le jardin, la maison, la femme, même les traces de pas. Tout disparaît. Il n'y a plus qu'un rire, un rire qui jaillit des entrailles de l'univers.
Histoire tirée du livre "Autobiographie d'un mystique spirituellement incorrect" d'OS

 

 

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Groupe de la parole
Dimanche 11 novembre 2012 et dimanche 9 décembre à 18 heures

Statue de Bouddha, couleur or

Lankavâtara Sûtra

Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse


Chapitre II Fausses imaginations et connaissance des apparences

...L'assertion de vues philosophiques à propos des éléments qui constituent la personnalité et son monde environnant qui sont non-existants, suppose l'existence d'une existence propre, d'un être, d'une âme, d'un être vivant, d'un "nourrisseur" ou d'un esprit.

Des assertions et des négations fondées sur les mots et la logique
Ceci est un exemple de vues philosophiques qui ne sont pas vraies. C'est cette combinaison de la discrimination des marques imaginaires de l'individualité, de leur regroupement, et de leur avoir donné un nom et de s'y être attachés comme à des objets, en raison de l'énergie de l'habitude qui s'est accumulée depuis des temps immémoriaux, qu'on se construit des vues erronées dont la seule base consiste en des imaginations fausses. C'est pour cette raison que les Bodhisattvas devraient éviter toute discussion à propos des assertions et des négations fondées uniquement sur les mots et la logique.

La validité des choses est indépendante de la validité des mots
…Les mots sont des créations artificielles; il y a des terres de Bouddha où il n'y a pas de mots. Dans certaines terres de Bouddha, les idées sont indiquées par un regard constant, dans d'autres par des gestes, et dans d'autres encore par un froncement de sourcils, par un mouvement des yeux, par un rire, par un bâillement, par un éclaircissement de la gorge ou par un tremblement. Par exemple, dans la terre de Bouddha du Tathagata Samantabhadra, les Bodhisattvas, grâce à un dhyâna transcendant les mots et les idées, arrivent à reconnaître toutes choses comme étant non-nées, et ils font également l'expérience de divers très excellents Samadhis qui transcendent les mots. Même en ce monde, des êtres aussi spécialisés que les fourmis ou les abeilles poursuivent très bien leurs activités sans avoir recours à des mots. Non, Mahâmati, la validité des choses est indépendante de la validité des mots.

Les mots et les choses produits par la loi de la causalité ne peuvent exprimer la réalité ultime
…Les mots et les phrases sont produits par la loi de causalité et se conditionnent mutuellement, ils ne peuvent pas exprimer la Réalité ultime. Qui plus est, dans la Réalité ultime, il n'y a pas de différentiations entre lesquelles discriminer, et il n'y a rien à affirmer à leur sujet. La Réalité ultime est un état de béatitude exalté, ce n'est pas un état de discrimination de mots et on ne peut pas y entrer simplement avec des postulats la concernant. Les Tathagatas ont de meilleures façons d'enseigner, en particulier grâce à l'auto-réalisation de la Noble Sagesse.

Les six éléments de la causalité
…On peut diviser la causalité en six éléments: la cause-indifférence, la cause dépendante, la cause-possibilité, la cause agente, la cause objective, la cause manifestante. La cause-indifférence signifie que s'il n'y a pas de discrimination à l'oeuvre, il n'y a pas de pouvoir de combinaison à l'oeuvre, et donc pas de combinaison en jeu, ou qu'il y a dissolution de combinaison présente. La cause dépendante signifie que les éléments doivent être présents. La cause-possibilité signifie que pour qu'une cause devienne effective, il doit y avoir un concours approprié de conditions autant internes qu'externes. La cause agente signifie qu'il doit y avoir un principe investi d'une autorité suprême comme un roi souverain qui est présent et qui s'impose. La cause objective signifie que pour faire partie du monde objectif, le système mental doit être existant et doit poursuivre son activité permanente. La cause manifestante signifie que lorsque la faculté discriminante du système mental s'affaire, les marques individuelles sont révélées à la manière dont la lumière de la lampe révèle les formes.

Une vision dualiste
… Tant que les gens ne comprennent pas la véritable nature du monde objectif, ils tombent dans une vision dualiste. Ils imaginent que les multiples objets extérieurs sont réels et s'y attachent, et sont nourris par l'énergie de leur habitude.

Les fausses imaginations prennent leur origine dans la considération des apparences
… Les fausses-imaginations prennent leur origine dans la considération des apparences; les choses sont discriminées selon la forme, les signes et la façon; selon qu'elles ont couleur, chaleur, humidité, mobilité ou rigidité. La fausse imagination consiste à s'attacher à ces apparences et à leurs noms. Par attachement aux objets on entend le fait de s'attacher aux choses intérieures et extérieures comme si elles étaient réelles. Par attachement aux noms on entend le fait de reconnaître dans ces choses intérieures et extérieures les marques caractéristiques de l'individuation et de la généralité, et à les considérer comme appartenant absolument aux noms des objets. La fausse imagination enseigne que, puisque toutes choses sont liées aux causes et conditions de l'énergie de l'habitude qui s'accumule depuis des temps immémoriaux, du fait de ne pas reconnaître que le monde extérieur est le fait de l'esprit lui-même, toutes choses peuvent se comprendre sous les aspects de l'individualité et de la généralité. En vertu de cet attachement à ces fausses-imaginations, il y a une multitude d'apparences qui sont imaginées comme étant réelles mais qui ne sont qu'imaginaires.

En essence, les choses ne sont pas deux mais une
…La fausse imagination enseigne que des choses telles que la lumière et l'ombre, longue et courte, noire et blanche sont différentes et doivent être discriminées; mais elles ne sont pas indépendantes l'une de l'autre; elles ne sont que différents aspects de la même chose, ce sont des termes de relation et pas de réalité. Les conditions d'existence ne sont pas de caractère mutuellement exclusif ; en essence, les choses ne sont pas deux mais une. Même le Nirvâna et le monde de vie et de mort du Samsara sont des aspects de la même chose, car il n'y a pas de Nirvâna sauf là où il y a Samsara, et pas de Samsara sauf là où il y a Nirvâna. Toute dualité est faussement imaginée.


Les Démons dans le Désert

On doit toujours avoir assez de sagesse pour ne pas se faire avoir par les mensonges et les fausses apparences
Par Fondation bouddhiste Vihara Lemanique
Cette histoire se déroule il y a très longtemps. C'est l'histoire de deux marchands, deux très bons amis. Tous les deux se préparaient à partir en voyage d'affaires afin de vendre leurs marchandises et décidèrent de voyager ensemble. Comme ils avaient chacun 500 chariots et qu'ils allaient au même endroit par la même route, ils savaient qu'il y aurait trop de monde en même temps sur cette route.
Le premier décida qu'il valait mieux partir en premier. Il se dit : " Comme je serai le premier à partir, la route sera en bonne état, mes chevaux mangeront toute l'herbe qu'ils veulent, nous trouverons les meilleurs fruits et les meilleurs légumes, mes compagnons de voyage seront tous très contents et, une fois le voyage terminé, je pourrai gagner beaucoup d'argent en négociant et en vendant ma marchandise au meilleur prix. "
Le deuxième marchand réfléchit longuement et réalisa qu'il y a beaucoup d'avantages à partir le deuxième. Il se dit : " Comme mon ami part le premier, nous n'aurons pas à dégager la route, mes chevaux mangeront de la nouvelle herbe bien tendre, nous cueillerons les fruits et les légumes nouveaux et nous nous régalerons. Mon ami aura déjà négocié le prix de la marchandise et je n'aurai plus qu'à faire des profits. " Ainsi, il décida de laisser partir son ami en premier. Le premier marchand était tout heureux car il était convaincu qu'il avait réussi à avoir son ami - ainsi le lendemain, il partit le premier.
Le premier marchand et ses compagnons de voyage arrivèrent à un endroit appelé le " Désert sans eau " qui, selon les gens qui habitaient la région, était hanté par des fantômes et des démons. Une fois arrivés au milieu de ce désert, nos amis rencontrèrent une autre caravane venant en sens inverse. Les chariots de cette caravane étaient couverts de boue et de gouttes d'eau. Ils étaient chargés de lotus et de plantes aquatiques. Le guide de cette mystérieuse caravane s'adressa alors au marchand : " Pourquoi transportez-vous tous ces tonneaux d'eaux si lourds ? Dans peu de temps, vous arriverez à l'oasis que l'on voit là-bas à l'horizon et vous y trouverez de l'eau et de quoi manger. Vos chevaux ont l'air si fatigués de tirer tous ces chariots avec tous ces tonneaux. Alors renversez toute cette eau inutile et ayez pitié de vos pauvres animaux essoufflés.
Et bien que les gens de la région les avaient prévenus, le marchand ne voyait pas que ces personnes n'étaient pas des humains mais les fameux démons déguisés en voyageurs et qui cherchaient à les dévorer. Mais comme c'était un homme qui aimait faire confiance aux autres, notre marchand décida de suivre leurs conseils et de vider tous ses tonneaux.
Continuant leur chemin, nos amis n'arrivèrent pas à trouver l'oasis, ni d'ailleurs la moindre goutte d'eau. Certains d'entre eux finirent par comprendre qu'on leurs avait menti et que ces voyageurs étaient sûrement les fameux démons dont les habitants de la région avaient parlé et ils commencèrent à accuser le marchand de s'être fait avoir. A la fin de la journée, tous nos étaient extrêmement fatigués. Les chevaux, qui n'avaient rien bu depuis si longtemps, n'arrivent même pus à tirer les chariots. Les hommes aussi bien que les animaux s'arrêtent et finirent par s'allonger et s'endormirent. Mais au milieu de la nuit, les démons, qui avaient repris leur apparence terrifiante, vinrent et attaquèrent nos pauvres amis sans défense. Et au petit matin, il ne restait plus que des chariots vides et des os dispersés à gauche et à droite. Pas un seul survivant.
Quelques mois plus tard, le deuxième marchand commença son voyage sur la même route. Arrivant devant le même désert, il rassembla ses compagnons de voyage et leurs donna ce conseil : " Mes amis, nous sommes arrivés dans une région très dangereuse. Les gens d'ici l'appellent le " Désert sans eau " et on raconte qu'il est hanté par des fantômes et des démons. Alors faîtes très attention. " Alors tous ensemble, ils continuèrent leur voyage et traversèrent le désert.
Arrivés à la moitié du chemin, ils rencontrèrent eux aussi la mystérieuse caravane remplie de lotis et de plantes aquatiques, les fameux démons déguisés en voyageurs. Ces étranges voyageurs leur expliquèrent à eux aussi qu'il y avait tout près une oasis avec de quoi boire et de quoi manger. Mais le deuxième marchand se méfia. Comment pouvait-il y avoir une oasis dans une région appelée le " Désert sans eau ". Et d'ailleurs, ces voyageurs avaient l'air étrange avec leurs yeux rouge sang. C'est pourquoi le marchand décida de continuer sa route tout en gardant ses tonneaux remplis d'eau. Il se contenta juste de dire aux étrangers : " Nous sommes des marchants. Nous ne jetons rien. Ni même de l'eau. "
Voyant que ses propres compagnons de voyage ne comprenaient pas pourquoi il ne voulait pas écouter les conseils de ces voyageurs, le marchand leur expliqua : " Ne les écoutez pas. Gardons cette eau avant d'être sûr de trouver l'oasis. D'ailleurs cette oasis qu'ils nous montrent à l'horizon n'est peut-être qu'une illusion, un mirage. Avez-vous déjà entendu parlé d'un *Désert sans eau " avec une oasis ? Si nous jetons toute notre eau, peut-être qu'après nous n'en aurons pas pour boire et préparer à manger - nous serons alors affamés et assoiffés - ce sera alors facile aux fantômes et aux démons de nous attaquer et de nous dévorer ! C'est pourquoi vous ne devez pas gaspiller la moindre goutte d'eau avant d'en trouver ! "
La caravane continua alors de traverser le désert et, à la nuit tombée, nos amis arrivèrent à l'endroit où la première caravane avait été attaquée par les démons. Là, il ne restait que des chariots vides et des os dispersés à gauche et à droite. Le marchand et ses amis décidèrent de passer la nuit à cet endroit et de monter la garde chacun son tour.
Le lendemain matin, après avoir pris le petit-déjeuner et avoir nourri les chevaux, nos amis chargèrent dans leurs chariots ce qui restait de la première caravane et en fin de journée, ils terminèrent leur voyage. Après avoir tout vendu, chacun rentra chez lui et retrouva sa famille.
Moralité : On doit toujours avoir assez de sagesse pour ne pas se faire avoir par les mensonges et les fausses apparences.

Fondation bouddhiste Vihara Lemanique
Grande Rue 8 - 1110 Morges Suisse
Tél : +41 21-802 42 64 - Fax : +41 21-802 42 74

 

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Groupe de la parole du dimanche 13 janvier et 9 février 2013 à 18 h.

Buste de Bouddha au dojo de Nuits Saint-Georges


Lankavâtara Sûtra

Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse


Chapitre III Connaissance correcte ou Connaissance des Relations

Alors Mahâmati dit: Je vous en prie, parlez-nous, ô Béni du Ciel, de l'être et du non-être de toutes choses.

La dépendance de la notion de l'être ou du non-être
Le Béni du Ciel répondit: Les gens de ce monde dépendent dans leur pensée de l'une de deux choses : de la notion de l'être par laquelle ils prennent plaisir au réalisme, ou de la notion de non-être par laquelle ils prennent plaisir au nihilisme; dans chacun de ces cas, ils imaginent une émancipation là où il n'y a pas d'émancipation. Ceux qui dépendent des notions de l'être, considèrent que le monde tire son origine d'une causalité qui existerait réellement, et que ce monde qui existerait et deviendrait réellement ne tire pas son origine d'une causalité qui est non-existante. Ceci est la vue réaliste que soutiennent certaines personnes. Ensuite il y a d'autres gens qui dépendent de notion de non-être de toutes choses. Ces gens admettent l'existence de l'avidité, de la colère et de la bêtise, et en même temps ils nient l'existence de choses qui produisent l'avidité, la colère et la bêtise. Ceci n'est pas rationnel, car l'avidité, la colère et la bêtise ne doivent plus être tenues pour réelles; elles n'ont ni substance ni marques individuelles. Là où il y a un état d'asservissement, il y a des liens et des moyens pour lier ; mais là où il y a émancipation, comme dans le cas des Bouddhas, des Bodhisattvas, des maîtres et des disciples, qui ont cessé de croire et à l'être et au non-être, il n'y a ni asservissement, ni liens, ni moyens pour lier. Il vaut mieux chérir la notion d'une substance de l'existence propre que d'entretenir la notion d'une vacuité dérivée de la vue de l'être et du non-être, car ceux qui croient cela échouent à comprendre le fait fondamental que le monde extérieur n'est rien qu'une manifestation de l'esprit. Comme ils voient que les choses sont transitoires, provenant d'une cause et disparaissant en vertu d'une cause, parfois se divisant, parfois se combinant dans les éléments qui constituent les agrégats de la personnalité et son monde extérieur et parfois disparaissant, ils sont condamnés à souffrir à chaque instant des changements qui se suivent, l'un après l'autre, et sont finalement condamnés à la ruine.

La vacuité
Alors Mahâmati interrogea le Béni du Ciel, en disant: Dites-nous, ô Béni du Ciel, comment toutes choses peuvent être vides, non-nées, et ne pas avoir de nature propre, que nous puissions être éveillés et réaliser rapidement l'Eveil supérieur?
Le Béni du Ciel répondit: Qu'est-ce que la vacuité, effectivement! C'est là un terme dont la nature propre est elle-même une fausse-imagination, mais à cause de l'attachement de chacun à cette fausse-imagination, nous sommes obligés de parler de la vacuité, de la non-naissance, et de l'absence de nature propre. Il y a sept sortes de vacuité: la vacuité de mutualité qui est non-existante; la vacuité des marques individuelles; la vacuité de la nature propre; la vacuité du non-travail, la vacuité du travail; la vacuité de toutes choses au sens où ils sont imprédictibles, et la vacuité dans son sens le plus élevé de Réalité ultime.
Par la vacuité de mutualité qui est non-existante on entend que lorsqu'une chose manque ici, on en parle comme étant vides ici. Par exemple: dans la salle de conférences de Mrigarama il n'y a pas d'éléphants présents, ni de taureaux, ni de moutons; mais pour ce qui est des moines, il y en a beaucoup de présents. Nous pouvons correctement parler de la salle comme étant vide dans la mesure où il s'agit d'animaux. On ne dit pas que la salle est vide de ses propres caractéristiques, ou que les moines sont vides de ce qui fait leur état de moine, ni qu'à d'autres endroits, il n'y a pas d'éléphants, de taureaux, ni de moutons. Dans ce cas nous parlons de choses sous leur aspect de l'individualité et la généralité, mais du point de vue de la mutualité certaines choses n'existent pas quelque part. Ceci est la forme la plus basse de la vacuité et elle doit être scrupuleusement écartée.
Par la vacuité des marques individuelles on entend que toutes choses n'ont aucunes marques distinctives d'individualité et de généralité. A cause des relations et interactions mutuelles, les choses sont superficiellement discriminées mais quand elles sont examinées et analysées plus avant et avec plus de soins, elles s'avèrent non-existantes et rien ne peut en être prédiqué selon l'individualité et la généralité. Donc quand les marques individuelles ne se peuvent plus voir, les idées de soi, d'altérité et de dualité, ne tiennent plus.
Il faut donc dire que toutes choses sont vides de marques du soi. Par vacuité de la nature propre on entend que toutes choses dans leur nature propre sont non-nées; c'est pourquoi l'on dit que les choses sont vides de nature propre. Par la vacuité de non-travail on entend que l'agrégat d'éléments qui constitue la personnalité et son monde extérieur est le Nirvâna lui-même et depuis le début il n'y a pas d'activité en eux; en conséquence de quoi, on parle de la vacuité de non-travail. Par la vacuité du travail on entend que les agrégats, étant dépourvus d'une existence propre et de ses accessoires, continuent de fonctionner automatiquement car il y a conjonction mutuelle de causes et conditions; c'est ainsi que l'on parle de la vacuité du travail. Par la vacuité de toutes choses au sens où elles sont imprédictibles on entend que, comme la nature propre de la fausse-imagination est en elle-même inexprimable, de même toutes choses sont imprédictibles, et sont en conséquence vides en ce sens. Par la vacuité au sens le plus élevé de la vacuité de la Réalité ultime, on entend que dans l'accession à l'auto-réalisation de la Noble Sagesse il n'y a pas de trace de l'énergie de l'habitude générée par des conceptions erronées ; c'est ainsi que l'on parle de la plus élevée Vacuité de la Réalité ultime.

Toutes choses sont non-nées
Lorsqu'on examine les choses au moyen de la connaissance correcte, on ne peut pas obtenir de signes qui pourraient les caractériser avec des marques d'individualité et de généralité, c'est pourquoi ils sont dits ne pas avoir de nature propre. Comme on voit que ces signes d'individualité et de généralité sont existants, tout autant qu'on sait qu'ils sont non-existants, qu'on voit qu'ils sortent, tout autant qu'on sait qu'ils ne sortent pas, ils ne sont jamais annihilés. Pourquoi est-ce vrai? Pour la raison qui suit : les signes individuels qui devraient constituer la nature propre de toutes choses sont non-existants. Encore une fois, dans leur nature propre, les choses sont et éternelles et non-éternelles. Les choses ne sont pas éternelles parce que les marques d'individualité apparaissent et disparaissent, c'est-à-dire que les marques de la nature propre sont caractérisées par la non-éternité. D'autre part, comme les choses sont non-nées et ne sont que créations de l'esprit, elles sont en un sens profond éternelles. C'est-à-dire que les choses sont éternelles à cause de leur non-éternité même.
Qui plus est, en plus de comprendre la vacuité de toutes choses autant en considération de la substance et de la nature propre, il est nécessaire que les Bodhisattvas comprennent clairement que toutes choses sont non-nées. Ce n'est pas en un sens superficiel qu'on postule que les choses ne sont pas nées, mais bien qu'au sens profond elles ne sont pas nées d'elles-mêmes.

Le monde tel qu'il se présente n'est rien d'autre qu'une manifestation de l'esprit
Tout ce qui peut être dit, c'est que, relativement dit, il y a un flux constant de devenir, un changement momentané et ininterrompu d'un état d'apparence à un autre. Lorsqu'il est reconnu que le monde tel qu'il se présente lui-même n'est rien de plus qu'une manifestation de l'esprit, alors la naissance est vue comme non-naissance, et tous les objets existants, à propos desquels la discrimination postule qu'ils sont et ne sont pas, sont non-existants et ce, parce que non-nés; étant dépourvus d'agent et d'action, les choses sont non-nées.
Si les choses ne sont pas nées de l'être et du non-être, mais ne sont que des manifestations de l'esprit lui-même, elles n'ont pas de réalité, pas de nature propre : elles sont comme les cornes d'un lièvre, d'un cheval, d'un âne ou d'un chameau. Mais les ignorants et les simples d'esprit, qui pris au piège de leurs imaginations fausses et erronées, discriminent des choses là où elles ne sont pas. Pour les ignorants, la caractéristique des marques de la nature propre des propriétés et demeure du corps paraissent fondamentales et enracinées dans la nature même de l'esprit, c'est pourquoi ils discriminent leur multiplicité et s'y attachent.

Deux sortes d'attachement
Il y a deux sortes d'attachement: l'attachement aux objets en tant qu'ayant une nature propre, et l'attachement aux mots en tant qu'ayant une nature propre. Le premier vient du fait de ne pas savoir que le monde extérieur n'est qu'une manifestation de l'esprit lui-même; et le second provient de l'attachement aux mots et noms en raison de l'énergie de l'habitude. Dans l'enseignement de la non-naissance, la causalité n'est pas à sa place parce que, en voyant que toutes choses sont comme maya et un rêve, on ne discrimine pas entre les signes individuels. Que toutes choses soient non-nées et n'aient pas de nature propre parce qu'elles sont comme maya est postulé correspondre à la thèse des philosophes que la naissance est un produit de la causalité. Ils entretiennent la notion que la naissance de toutes choses dérive du concept de l'être et du non-être, et ils échouent à la considérer pour ce qu'elle est vraiment, causée par les attachements à la multiplicité qui provient des discriminations de l'esprit lui-même.
Ceux qui croient dans la naissance de quelque chose qui n'a jamais existé et qui, venant à exister, disparaît, sont obligés de postuler que les choses viennent à exister et disparaissent par voie de causalité &endash; ces gens ne trouvent pas pied dans mes enseignements. Lorsqu'on se rend compte qu'il n'y a rien qui soit né, et rien qui disparaisse, alors il n'y a pas de possibilité d'admettre l'être et le non-être, et l'esprit se tranquillise.

Tout dans le monde est une vue de l'esprit lui-même
Mon enseignement de la non-naissance et de la non-annihilation n'est pas comme celui des philosophes, ni n'est-il comme leur doctrine de la naissance et l'impermanence. Ce à quoi les philosophes attribuent la caractéristique de la non-naissance et de la non-annihilation, c'est la nature propre de toutes choses, qui fait qu'elles tombent dans le dualisme de l'être et du non-être. Mon enseignement transcende l'entière conception de l'être et du non-être; il n'a rien à voir avec la naissance, la demeure et la destruction; ni avec existence ni la non-existence. J'enseigne que la multiplicité des objets n'ont pas de réalité en eux-mêmes mais ne sont que vues de l'esprit et, c'est pourquoi ils ont la nature de maya et d'un rêve. J'enseigne la non-existence des choses parce qu'elles ne portent les signes d'aucune nature propre inhérente. Il est vrai qu'en un sens elles sont vues et discriminées par les sens en tant qu'objets individualisés; mais dans un autre sens, à cause de l'absence de toute caractéristique des marques de la nature propre, elles ne sont pas vues mais ne sont qu'imaginées. Dans un sens, on peut les saisir, mais dans un autre sens, on ne peut pas les saisir.
Lorsqu'il est clairement compris qu'il n'y a rien au monde qui ne soit qu'une vue de l'esprit lui-même, la discrimination n'a plus lieu, et les sages sont installés dans leur vraie demeure qui est le domaine de la quiétude. Les ignorants discriminent et s'efforcent de s'ajuster aux conditions extérieures, et ont l'esprit constamment perturbé; on imagine et on discrimine des irréalités, cependant que les réalités ne sont pas vues et sont ignorées. Il n'en va pas de même avec les sages. Pour illustrer: Ce que voient les ignorants, c'est comme la cité magiquement créée des Gandharvas, où on peut voir des enfants, des rues et des maisons, et des marchands fantômes, et des gens qui entrent et sortent. Celle-ci, avec ses rues et maisons et ses gens qui entrent et sortent, on n'en pense pas qu'elle soit née ou annihilée, parce qu'en ce cas, il n'est pas question de leur existence ou non-existence. De la même manière, j'enseigne, qu'il n'y a rien de fait ni de défait; qu'il n'y a rien qui soit en rapport avec la naissance et la destruction sauf quand les ignorants chérissent des notions faussement imaginées sur la réalité du monde extérieur. Lorsqu'on ne voit pas et qu'on ne juge pas les objets selon ce qu'ils sont réellement en eux-mêmes, il y a discrimination et attachement aux notions de l'être et du non-être, et de la nature propre individualisée, et aussi longtemps que ces notions d'individualité et de nature propre persisteront, Les philosophes devront expliquer le monde extérieur par une loi de causalité.

Conditions extérieures et conditions intérieures
Cette position soulève la question d'une cause première que les philosophes apportent en postulant que leur cause première, Ishvara et les éléments primaires, sont non-nés et non-annihilés; position qui est sans preuve et irrationnelle. Les gens ignorants et les philosophes mondains chérissent une sorte de non-naissance, mais ce n'est pas la non-naissance que j'enseigne. J'enseigne la "non-né-ité" de l'essence non-née de toutes choses, enseignement qui est établi dans l'esprit des sages par leur auto-réalisation de la Noble Sagesse. Une louche, de l'argile, un récipient, une roue, des semences ou des éléments &emdash; ce sont là des conditions extérieures; ignorance, discrimination, attachement, habitude, karma, - ce sont là des conditions intérieures. Lorsqu'on considère cet univers tout entier comme une concaténation et rien d'autre qu'une concaténation, alors l'esprit, par sa patiente acceptation de la vérité que toutes choses sont non-nées, obtient la tranquillité.


Le jeune prince et le magicien (ce conte, étudié le 13 janvier, ne sera pas repris le 10 février)


En Inde, dans une famille royale, il y avait un jeune prince. Sa mère ne souhaitait pas le voir monter sur le trône, mais plutôt pratiquer le dharma. Son père, le roi, lui souhaitait qu'il prenne sa succession, peu lui importait qu'il pratique le dharma. Son père détenait l'autorité sur la famille, et la mère se demanda comment faire. A cette époque, en Inde, il y avait de nombreux experts magiciens ; elle alla voir l'un d'eux, lui demandant s'il ne pourrait pas, par sa magie, faire en sorte que son fils se détourne du monde pour pratiquer le dharma. Le magicien acquiesça : C'est possible mais il faut que vous me disiez ce que votre fils aime particulièrement. - Il adore les chevaux, lui expliqua-t-elle. - Bon, dit-il ; venez, demain, avec votre fils. Et ils se fixèrent rendez-vous.

Le lendemain, la mère organisa une promenade avec le roi et leur fils, à l'endroit convenu. Le magicien y était avec un superbe cheval qu'il avait créé magiquement, un étalon magnifique comme le prince en rêvait. Subjugué, et ne sachant pas que l'homme auquel il s'adressait était un magicien, il dit : Accepterais-tu de me vendre ce cheval ? L'autre dit : S'il vous plait, pourquoi pas ?- Je voudrais d'abord l'essayer. - Mais bien sûr, allez-y.

Il monta sur le cheval qui partit au grand galop sans que le prince ne puisse l'arrêter. Il partit, très, très loin, jusqu'en un pays qu'il ne connaissait pas. Il finit par s'arrêter en un endroit complètement inconnu du prince, qui ne savait ni où il était, ni vers où se diriger. C'est alors qu'il aperçut un peu plus loin de la fumée ; il pensa qu'il devait y avoir quelqu'un et alla voir. Il y découvrit une maison ; sur le pas de la porte se tenaient une femme avec sa fille, une jeune fille ravissante. Il dit : Je suis perdu, pourriez-vous m'accorder l'hospitalité ? Elles répondirent : Si vous voulez. Nous habitons ce lieu près de la mer et vous êtes le bienvenu.

Il resta donc car il ne voyait pas où était son pays et les gens n'en avaient même jamais entendu parler. Comme la jeune fille était très jolie, ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. Les enfants grandirent et ils formaient tous ensemble une famille très heureuse. Son beau-père, qui habitait aussi la maison familiale, était infirme et ne pouvait marcher. Un jour, sa femme, qui aimait bien le cheval, dit : Puis-je aller faire un tour avec ton cheval ? - Bien sûr, vas-y.

Elle monta sur le cheval, qui s'enfuit et sauta dans la mer avec la femme, qui se noya… Voyant cela, tous les enfants, sauf le plus petit qui était trop jeune, plongèrent dans l'espoir de lui porter secours, mais ils se noyèrent aussi, puis c'est le vieux père informe qui, à son tour, sauta à l'eau, et mourut… Il ne restait plus que le plus jeune garçon ; mais alors le cheval revint, mangea l'enfant et se sauva… Le prince, découvrant la situation, fut au comble du désespoir : J'ai perdu ma femme, mes enfants, mon cheval, toute ma famille, je n'ai plus rien, mieux vaut mourir.

Et il plongea, pour se noyer… mais, à peine englouti, il se retrouva dans le parc de sa ville natale avec le roi et la reine. Fort confus, tout tremblant, il se souvint de sa femme et de ses enfants bien-aimés. Il expliqua à ses parents ce qui lui était arrivé, mais ils lui répondirent : Mais non ! Ne crains rien, tu es tombé de cheval et tu t'es évanoui voici une heure, il faut te reposer. Le prince était tout de même persuadé que son histoire était vraie, car il l'avait vraiment vécue, et il en souffrait beaucoup.

Ultérieurement, à partir de cette aventure, le prince réalisa la nature illusoire de la vie ordinaire et se consacra pleinement au dharma. Après plusieurs années de pratique, il devint un grand maître accompli.

Kalou Rinpoché, La voie du Bouddha, Points Sagesse, 2010, p. 343-46

 

 

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Groupe de la parole du 10 mars 2013

Le grand Bouddha

Lankavâtara Sûtra

Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse

 

Chapitre IV Parfaite Connaissance ou Connaissance de la Réalité

Alors Mahâmati demanda au Béni du Ciel: Je vous en prie, parlez-nous, ô Béni du Ciel, des cinq Dharmas, que nous puissions pleinement comprendre la connaissance parfaite?

Les cinq dharmas : apparence, nom, discrimination, connaissance correcte et Réalité
Le Béni du Ciel répondit: Les cinq Dharmas sont: apparence, nom, discrimination, connaissance correcte, et Réalité. Par apparence on entend ce qui se révèle soi-même aux sens et à l'esprit discriminant et est perçu comme forme, son, odeur, goût, et toucher. De ces apparences se forment des idées, comme l'argile, l'eau, une cruche, etc., par lesquelles on dit : ceci est telle et telle chose et pas une autre, ceci est un nom. Lorsque les apparences sont contrastées et les noms comparés, comme quand on dit: ceci est un éléphant, ceci est un cheval, une charrette, un piéton, un homme, une femme, ou ceci est l'esprit et ce qui lui appartient, on dit des choses ainsi nommées qu'elles sont discriminées. Comme on finit par voir ces discriminations comme mutuellement conditionnantes, comme vides de substance autonome, comme non-nées, c'est ainsi qu'on en vient à les voir comme elles sont réellement, c'est-à-dire en tant que manifestations de l'esprit lui-même, ceci est la connaissance correcte. Par elle les sages cessent de considérer les apparences et les noms comme des réalités.

L'Ainsité de la réalité
Lorsqu'apparences et noms sont mis de côté et que cessent toutes discriminations, ce qui reste est la vraie et essentielle nature des choses et, comme rien ne peut être prédiqué selon la nature de l'essence, on l'appelle "l'Ainsité" de la Réalité. Cette universelle, indifférenciée, inscrutable "Ainsité" est la seule réalité mais elle est diversement caractérisée par la Vérité, l'Essence mentale, l'Intelligence transcendantale, la Noble Sagesse, etc. Ce Dharma de l'absence d'image dans la Nature-essence de la Réalité ultime est le Dharma qui a été proclamé par tous les bouddhas, et quand toutes choses sont comprises en plein accord avec lui, on est en possession de la Parfaite Connaissance, et on est en route pour l'accession à l'Intelligence transcendantale des Tathagatas.
Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Ces trois natures propres des choses, des idées, et de la Réalité, doit-on les considérer comme inclues dans les Cinq Dharmas, ou selon qu'elles ont leurs propres caractéristiques complètes en elles-mêmes.

Les trois natures propres
Le Béni du Ciel répondit: Les trois natures propres, l'octuple système mental, et la double absence d'existence propre sont toutes inclues dans les Cinq Dharmas. La nature propre des choses, des idées, et de l'octuple système mental, correspond avec le Dharma de l'apparence, du nom et de la discrimination; la nature propre de l'Esprit universel et de la Réalité correspond aux Dharmas de la connaissance correcte et de "l'Ainsité".

Une âme dotée d'une existence propre et l'absence d'existence propre des personnes
En s'attachant à ce qui est vus par l'esprit lui-même, il y a une activité éveillée qui est perpétuée par l'énergie de l'habitude qui devient manifeste dans le système mental, des activités du système mental provient la notion d'une âme dotée d'une existence propre et de ses possessions; les discriminations, attachements, et la notion d'une âme dotée d'une existence propre, surgissant simultanément comme le soleil et ses rayons de lumière. Par l'absence d'existence propre des choses, on entend que les éléments qui constituent les agrégats de personnalité et son monde objectif étant caractérisés par la nature de maya et dépourvus de quoi que ce soit qui puisse être appelé substance intrinsèque, ils sont donc non-nés et n'ont pas de nature propre. Comment peut-on dire des choses qu'elles ont une âme dotée d'une existence propre? Par l'absence d'existence propre des personnes, on entend que dans les agrégats qui constituent la personnalité il n'y a pas de substance intrinsèque, ni quoi que ce soit qui soit comme an substance intrinsèque ni qui y appartienne. Le système mental, qui est la marque la plus caractéristique de la personnalité, tire son origine de l'ignorance, de la discrimination, du désir et des actes; et ses activités sont perpétuées par le fait de percevoir, de saisir et de s'attacher aux objets comme s'ils étaient réels. La mémoire de ces discriminations, désirs, attachements et actes est emmagasinée dans l'Esprit universel depuis des temps immémoriaux, continue de s'accumuler là où elle conditionne l'apparence de la personnalité et de son environnement, et entraîne des changements et une destruction constants d'un moment à l'autre. Les manifestations sont comme une rivière, une semence, une lampe, un nuage, le vent; l'esprit universel dans sa voracité à tout emmagasiner, est comme un singe qui ne reste jamais au repos, comme une mouche toujours en quête de nourriture et sans partialité, comme un feu qui n'est jamais satisfait, comme une machine à élever l'eau qui continue de tourner. L'esprit universel comme souillé par l'énergie de l'habitude est comme un magicien qui fait apparaître et se déplacer des choses et des gens fantômes. Une complète compréhension de ces choses est nécessaire pour comprendre l'absence d'existence propre des personnes.

Quatre sortes de connaissances
Il y a quatre sortes de Connaissance: la connaissance de l'apparence, la connaissance relative, la connaissance parfaite, et l'Intelligence transcendantale. La connaissance de l'apparence appartient aux ignorants et aux simples d'esprit qui sont accros à la notion de l'être et du non-être, et qui ont peur à l'idée d'être non-nés. Elle est produite par la concordance de la triple combinaison et s'attache elle-même aux multiplicités des objets; elle est caractérisée par l'obtensibilité et l'accumulation; elle est sujette à la naissance et à la destruction. La connaissance de l'apparence appartient aux faiseurs de mots qui se régalent de discriminations, d'assertions et de négations.
La connaissance relative appartient au monde mental des philosophes. Elle naît de la capacité de l'esprit à arranger, combiner et analyser ces relations par ses pouvoirs de logique discursive et d'imagination, en raison desquels il peut jeter un regard au sens et à la signification des choses. La connaissance parfaite appartient au monde des Bodhisattvas qui reconnaissent que toutes choses ne sont que manifestations de l'esprit; qui comprennent clairement la vacuité, la "non-né-ité", l'absence d'existence propre de toutes choses; et qui sont entrés dans une compréhension des Cinq Dharmas, la double absence d'existence propre, et dans la vérité de l'absence d'image. La connaissance parfaite différencie les étapes de Bodhisattva, et est la piste et l'entrée dans l'état exalté d'auto-réalisation de la Noble Sagesse.
La connaissance parfaite (jñana) appartient aux Bodhisattvas qui sont entièrement libres du dualisme de l'être et du non-être, de la non-naissance et de la non-annihilation, de toutes assertions et négations, et qui, en raison de l'auto-réalisation, ont gagné une pénétration dans la vérité de l'absence d'existence propre et de l'absence d'image. Ils ne discriminent plus le monde comme étant sujet à causalité: ils considèrent la causalité qui règle le monde comme quelque chose de semblable à la fameuse cité des Gandharvas. Pour eux, le monde est comme une vision et un rêve, il est comme la naissance et la mort de l'enfant d'une femme stérile; pour eux, il n'y a rien qui évolue et rien qui disparaisse.

Les disciples, les maîtres et les arhats
Les sages qui chérissent la connaissance parfaite peuvent être répartis en trois classes: disciples, maîtres et Arhats. Les disciples ordinaires qui sont séparés des maîtres en tant que disciples ordinaires continuent à chérir la notion d'individualité et de généralité; les maîtres s'élèvent du rang des disciples ordinaires quand, abandonnant les erreurs d'individualité et de généralité, ils s'accrochent encore à la notion d'une âme dotée d'une existence propre, en raison de quoi ils s'en vont d'eux-mêmes dans la retraite et la solitude. Les Arhats se distinguent du lot lorsque l'erreur de toute discrimination est réalisée. L'erreur discriminée par les sages se transforme en Vérité par vertu du "retournement" qui a lieu au sein de la plus profonde conscience. L'esprit, ainsi émancipé, pénètre dans la parfaite auto-réalisation de la Noble Sagesse.

Toutes choses sont comme un rêve ou une vision : elles sont non-nées
Mais, Mahâmati, si tu soutiens qu'il existe une chose telle que la Noble Sagesse, cela ne tient plus, car quoi que ce soit dont quelque chose est postulé participe en conséquence de la nature de l'être et est donc caractérisé par la qualité de la naissance. L'assertion même: "Toutes choses sont non-nées" en détruit la vérité. Il en va de même des postulats: "Toutes choses sont vides", et "Rien n'a de nature propre", tous deux sont intenables quand on les met sous forme d'assertion. Mais quand on fait remarquer que toutes choses sont comme un rêve et une vision, cela signifie que dans un sens ils sont perçus, et que dans un autre sens ils ne sont pas perçus; c'est-à-dire que dans l'ignorance ils sont perçus, mais que dans la connaissance parfaite ils ne sont pas perçus. Toutes assertions et négations étant des constructions intellectuelles, elles sont non-nées. Même l'assertion que l'Esprit universel et la Noble Sagesse sont la Réalité ultime, est une construction intellectuelle et, c'est pourquoi elle est non-née. En tant que "choses" il n'y a pas d'Esprit universel, il n'y a pas de Noble Sagesse, il n'y a pas de Réalité ultime. La pénétration des sages qui se déplacent dans le domaine de l'absence d'image et sa solitude, est pure. C'est-à-dire que pour les sages toutes "choses" sont balayées et que même l'état d'absence d'image cesse d'exister.


L'Arhat balayeur

Il y eut, dans l'entourage de Bouddha Sâkyamuni, un moine sans intelligence, qui n'arrivait même pas à apprendre l'alphabet. Néanmoins, comme il avait une grande confiance en Bouddha et une grande aspiration vers le dharma, quelques-uns de ses compagnons allèrent trouver le Bouddha Sâkyamuni pour lui demander conseil sur la façon de l'aider. Le Bouddha Sâkyamuni répondit : " Il peut lui aussi arriver à la réalisation. Qu'il pratique les actions positives, abandonne les nuisibles, et soit affecté au balayage du temple " : et il donna des instructions pour qu'il sache bien balayer avec attention.

Le moine pratiqua cela pendant plusieurs années, et purifiant son esprit des voiles qui l'obscurcissaient, son intelligence s'aiguisait. Finalement, un jour, alors que le Bouddha Sâkyamuni enseignait les quatre nobles vérités, il comprit l'enseignement et obtint l'état d'arhat. Il reste connu comme l'un des grands arhats de l'entourage de Bouddha Sâkyamuni.

 

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Groupe de la parole du dimanche 14 avril 2013 à 18 h.

Le bouddha de la pagode u-ponya-shin

Lankavâtara Sûtra

Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse

Chapitre V Le système mental

Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Je vous en prie, dites-nous, ô Béni du Ciel, ce qu'on entend par l'esprit (citta)?
Le Béni du Ciel répondit: Toutes choses de ce monde, qu'elles soient apparemment bonnes ou mauvaises, défectueuses ou sans défaut, productrices d'effet ou non-productrices d'effet, réceptives ou non-réceptives, peuvent être réparties en deux classes: mauvais écoulements et bien qui ne s'écoule pas.

L'énergie de l'habitude du système mental
Les cinq éléments de saisie qui constituent les agrégats de la personnalité, c'est-à-dire, la forme, la sensation, la perception, la discrimination, et la conscience, et qu'on s'imagine être bons et mauvais, prennent leur origine dans l'énergie de l'habitude du système mental, ce sont les mauvais écoulements de la vie. Les réalisations spirituelles et les joies des Samadhis et la fructification des Samapatis auxquelles arrivent les sages grâce à leur auto-réalisation de la Noble Sagesse et qui culminent dans leur retour et leur participation aux relations du triple monde sont appelées le bien qui ne s'écoule pas.
Le système mental qui est la source des mauvais écoulements est constitué des cinq organes sensoriels et de leurs mentations sensorielles concomitantes (vijñanas) qui sont tous unifiés dans l'esprit discriminant (manovijñana). Il y a une succession ininterrompue de concepts sensoriels s'épanchant dans cet esprit discriminant ou pensant, qui les recombine, les discrimine entre eux et passe des jugements sur eux selon leur bonté ou leur méchanceté. Alors s'ensuit une aversion envers eux ou un désir pour eux et de l'attachement et des actes; c'est ainsi que le système tout entier poursuit de façon continue, lié ensemble de façon très compacte. Mais il échoue à voir et à comprendre que ce qu'il voit, discrimine et saisit n'est qu'une manifestation de sa propre activité et n'a pas d'autre base, et c'est ainsi que l'esprit continue de percevoir et de discriminer erronément les différences de formes et de qualités, sans rester tranquille ne fut-ce qu'une minute.

Les trois modes d'activité du système mental
Il y a dans le système mental trois modes distincts d'activité : les mentations sensorielles qui fonctionnent tout en demeurant dans leur nature originelle, les mentations sensorielles comme produisant des effets, et les mentations sensorielles comme évoluant. Dans leur fonctionnement normal, les mentations sensorielles saisissent les éléments appropriés du monde extérieur, par lesquels sensation et perception se produisent instantanément et par degrés dans tous les organes sensoriels et toutes les mentations sensorielles, dans les pores de la peau, et même dans les atomes qui constituent le corps, par lesquels le champ tout entier est appréhendé comme un miroir reflète les objets, et sans se rendre compte que le monde extérieur lui-même n'est qu'une manifestation de l'esprit. Le second mode d'activité produit des effets par lesquels ces sensations réagissent sur l'esprit discriminant de façon à produire des perceptions, des attractions, des aversions, de la saisie, des actes et des habitudes. Le troisième mode d'activité est en rapport avec la croissance, le développement et la fin du système mental, c'est-à-dire que le système mental est sujet à sa propre énergie de l'habitude accumulée depuis des temps immémoriaux, comme par exemple: l' "oeillitude" dans les yeux qui les prédispose à saisir et s'attacher aux formes et apparences multiples. De la sorte, les activités du système mental évoluant en raison de son énergie de l'habitude entraînent des vagues d'objectivité en face de l'Esprit universel qui, en retour, conditionne les activités et l'évolution du système mental. Les apparences, la perception, l'attraction, la saisie, les actes, l'habitude, la réaction, se conditionnent mutuellement de façon incessante, et c'est ainsi que les mentations sensorielles en fonctionnement, l'esprit discriminant et l'Esprit universel sont liés ensemble. Donc, en raison de la discrimination de ce qui par nature n'est que fausse-imagination irréelle et erronée et semblable à maya , le raisonnement a lieu, l'action s'ensuit et son énergie de l'habitude s'accumule, souillant par voie de conséquence la pure face de l'Esprit universel, avec pour résultat que le système mental se met en marche et que le corps physique prend sa genèse. Mais l'esprit discriminant n'a pas pensé que, par ses discriminations et ses attachements, il conditionne le corps tout entier et qu'ainsi les mentations sensorielles et l'esprit discriminant continuent d'être en relation mutuelle et en conditionnement mutuel de la façon la plus intime et se construisent un monde de représentation des activités de sa propre imagination. De même qu'un miroir reflète les formes, les sens de la perception perçoivent les apparences que l'esprit discriminant rassemble et s'active à discriminer, à nommer et à s'attacher. Entre ces deux fonctions il n'y a pas d'espace, mais elles sont néanmoins mutuellement conditionnantes. Le sens percepteur saisit ce pour quoi il a une affinité, et il y a une transformation qui a lieu dans leur structure en raison de laquelle l'esprit s'active à combiner, discriminer, informer, et agir; alors s'ensuit l'énergie de l'habitude et l'établissement de l'esprit et sa continuation.

Les trois divisions de l'activité mentale
L'esprit discriminant, à cause de sa capacité à discriminer, juger, sélectionner et raisonner, est également appelé l'esprit pensant, ou esprit intellectuel. Il y a trois divisions de son activité mentale: la mentation qui fonctionne en connexion avec l'attachement aux objets et aux idées, la mentation qui fonctionne en connexion avec les idées générales, et la mentation qui examine la validité de ces idées générales. La mentation qui fonctionne en connexion avec l'attachement aux objets et aux idées, dérivée de la discrimination, discrimine l'esprit de ses processus mentaux et accepte les idées en provenant comme étant réelles et s'y attache. On arrive ainsi à une variété de faux jugements qui sont multiplicité, individualité, valeur, etc., une forte saisie se produit qui est perpétuée par l'énergie de l'habitude et c'est ainsi que la discrimination continue à se postuler elle-même.

L'Esprit universel
… Le Béni du Ciel répondit: Les mentations sensorielles et leur esprit discriminant centralisé sont en relation au monde extérieur qui est une manifestation de lui-même et qui se laisse aller à percevoir, à discriminer, et à se saisir de ses apparences de la nature de maya. L'Esprit universel (Alaya-vijñana) transcende toute individuation et toutes limites. L'Esprit universel est absolument pur dans sa nature essentielle, subsistant inchangé et exempt des défauts de l'impermanence, imperturbé par l'égoïsme, non troublé par les distinctions, les désirs et les aversions.
L'Esprit universel est comme un grand océan: sa surface est ridée par des vagues et des lames de fond mais ses profondeurs restent à jamais impassibles. En lui-même il est dépourvu de personnalité et de tout ce qui y appartient, mais en raison des souillures à sa surface, il est comme un acteur qui joue une variété de rôles, entre lesquels a lieu un fonctionnement mutuel qui fait surgir le système mental. Le principe de l'intellection se divise et l'esprit, les fonctions de l'esprit, les mauvais écoulements de l'esprit, prennent leur individuation. La septuple gradation de l'esprit apparaît: c'est-à-dire, l'auto-réalisation intuitive, la discrimination pensante et désirante, la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat, le toucher, et toutes leurs interactions et réactions prennent leur envol.
L'esprit discriminant est la cause des mentations sensorielles et leur support, et avec elles, il est maintenu en fonctionnement alors qu'il décrit et s'attache à un monde des objets, et alors, au moyen de son énergie de l'habitude, il souille la face de l'Esprit universel. L'Esprit universel devient donc le magasin et le débarras de tous les produits accumulés de la mentation et de l'action depuis des temps immémoriaux.

L'esprit intuitif entre l'Esprit universel et l'esprit discriminant
Entre l'Esprit universel et l'esprit discriminant individuel, il y a l'esprit intuitif (manas) qui dépend de l'Esprit universel pour sa cause et son soutien et entre en relation avec les deux. Il participe de l'universalité de l'Esprit universel, partage sa pureté, et comme elle, est au-dessus de la forme et de la transitoriété. C'est par l'esprit intuitif que se fait jour le bien sans écoulements, qu'il est manifesté et réalisé. Il est heureux que l'intuition ne soit pas momentanée, car si l'éveil qui provient de l'intuition était momentané, les sages perdraient leur "sagesse" ce qui n'est pas le cas. Mais l'esprit intuitif entre en relations avec le système mental inférieur, partage ses expériences et réfléchit sur ses activités.
L'esprit intuitif ne fait qu'un avec l'Esprit universel, en raison de sa participation à l'Intelligence transcendantale (Arya-jñana), et il ne fait qu'un avec le système mental de par sa compréhension de la connaissance différenciée (vijñana). L'esprit intuitif n'a pas de corps propre ni aucune des marques par lesquelles il pourrait être différencié. L'Esprit universel est sa cause et son soutien mais il a évolué avec la notion d'un existence propre et de ce qui lui appartient, notion à laquelle il s'accroche et sur laquelle il réfléchit. C'est par l'esprit intuitif, par la faculté d'intuition qui est un mélange, et de l'identité, et de la perception, que l'inconcevable sagesse de l'Esprit universel est révélée et rendue réalisable. Comme l'Esprit universel, il ne peut pas être la source de l'erreur.

Le retournement et la cessation du système mental
Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Je vous en prie, dites-nous, ô Béni du Ciel, ce qu'on entend par cessation du système mental?
Le Béni du Ciel répondit: Les cinq fonctions sensorielles et leur fonction discriminante et pensante ont leurs apparitions et leur fin complète d'un moment à l'autre. Elles sont nées avec la discrimination comme cause, et avec la forme, l'apparence et l'objectivité étroitement liées ensemble comme condition. L'envie de vivre est la mère, l'ignorance est le père. L'avidité est multipliée par l'établissement de noms et de formes, et c'est ainsi que l'esprit continue d'être mutuellement conditionnant et d'être conditionné. L'erreur apparaît, la fausse-imagination en raison du plaisir et de la douleur apparaît, et la voie de l'émancipation est bloquée par l'attachement aux noms et aux formes, parce qu'on ne se rend pas compte qu'ils n'ont pas plus de fondement que les activités de l'esprit lui-même. Le système inférieur de mentations sensorielles et l'esprit discriminant ne souffrent pas réellement le plaisir et la douleur &endash; ils s'imaginent seulement le faire. Plaisir et douleur sont les trompeuses réactions de l'esprit mortel lorsqu'il se saisit d'un monde objective imaginaire.
Il y a deux manières de cessation du système mental: en ce qui concerne la forme, et en ce qui concerne la continuation. En ce qui concerne la forme, les organes sensoriels fonctionnent par interaction de la forme, du contact et de la saisie; et ils cessent de fonctionner quand ce contact est rompu. En ce qui concerne la continuation, quand cessent ces interactions de la forme, du contact et de la saisie, il n'y a pas plus de continuation de la vue, de l'ouïe et d'autres fonctions sensorielles; avec la cessation de ces fonctions sensorielles, les discriminations, saisies et attachements de l'esprit discriminant cessent; et avec leur cessation, les actes, les faits et leur énergie de l'habitude cessent, et il n'y a plus d'accumulation de souillures karmiques sur la face de l'Esprit universel.
Si l'esprit mortel évoluant était de même nature que l'Esprit universel, la cessation du système mental inférieur entraînerait la cessation de l'Esprit universel, mais ils sont différents car l'Esprit universel n'est pas la cause de l'esprit mortel. Il n'y a pas de cessation de l'Esprit universel dans sa pure et essentielle nature. Ce qui cesse de fonctionner n'est pas l'Esprit universel dans sa nature essentielle, mais bien la phénomène des souillures productrices d'effets sur sa face, causées par l'accumulation d'énergie de l'habitude des activités de l'esprit mortel discriminant et pensant. Il n'y a pas de cessation de l'esprit divin qui, en lui-même, est la demeure de la Réalité et la Matrice de la Vérité.
Par cessation des mentations sensorielles on entend, non pas la cessation de leurs fonctions perceptives, mais la cessation de leurs activités discriminantes et nominatives qui sont centralisées dans l'esprit mortel discriminant. Par cessation du système mental dans son ensemble on entend, la cessation de la discrimination, l'enlèvement des divers attachements, et donc l'enlèvement des souillures de l'énergie de l'habitude sur la face de l'Esprit universel, souillures accumulées depuis des temps immémoriaux en raison de ces discriminations, attachements, raisonnements erronés, et actes consécutifs. La cessation de l'aspect de continuation du système mental, c'est-à-dire que l'esprit mortel discriminant le monde de maya et du désir disparaît tout entier. Le Nirvâna, c'est se débarrasser de l'esprit mortel discriminant.
Mais la cessation de l'esprit discriminant ne peut avoir lieu tant qu'il n'y a pas eu "retournement" au siège le plus profond de la conscience. Il faut abandonner l'habitude mentale de regarder par l'esprit discriminant hors de soi sur un monde objectif extérieur, et mettre en place une nouvelle habitude de se rendre compte de la Vérité au sein de l'esprit intuitif en ne faisant plus qu'un avec La Vérité elle-même. Et cela, jusqu'à ce qu'on arrive à cette auto-réalisation intuitive de la Noble Sagesse. Le système mental évolutif continuera d'être. Mais quand on arrive à une pénétration dans les cinq Dharmas, dans les trois natures propres, et dans la double absence d'existence propre, la voie s'ouvre alors pour que ce "retournement" ait lieu. Avec la fin du plaisir et de la douleur, de idées contradictoires, des troublants intérêts de l'égoïsme, on arrive à un état de tranquillisation dans lequel la vérité de l'émancipation est pleinement comprise et où il n'y a plus de mauvais écoulements du système mental qui puissent interférer avec la parfaite auto-réalisation de la Noble Sagesse.


L'éveil d'Indrabodhi

Un exemple de personne aux capacités supérieures fut, autrefois en Inde à l'époque du bouddha Sakyamuni, le roi Indrabodhi. En tant que grand roi, il possédait un palais et une cour où il jouissait constamment de tous les plaisirs des sens. Il était réputé, en particulier, pour être entouré de la compagnie de cinq cents courtisanes le jour et de cinq cents autres la nuit ! Un jour, alors qu'il jouait avec elles sur la terrasse du palais, passa dans le ciel une troupe de cinq cents grands oiseaux jaunes.

Bizarre, je n'ai jamais vu auparavant d'oiseaux jaunes de cette taille, prenez donc des renseignements ! dit le roi, intrigué. Un ministre pratiquant le dharma lui dit : Votre majesté, ce ne sont point des oiseaux, mais le seigneur Bouddha qui se déplace avec ses cinq cents arhats. - Voilà qui est merveilleux, dit le roi. Invitez-les donc à venir au palais, s'ils veulent bien. - Votre majesté, ils demeurent fort loin, et il serait long et difficile d'envoyer un messager, mais ce n'est sans doute pas nécessaire car le Bouddha est omniscient et il suffit de le prier en pensées pour qu'il vienne.

Le roi ordonna alors que l'on fît les préparatifs adéquats et que la terrasse du palais soit dégagée pour que le bouddha Sakyamuni et sa suite puissent atterrir. Quelques jours plus tard, lorsque la grande réception fut prête, le roi et sa cour se réunirent pour prier le Bouddha de venir, et il vint avec ses cinq cents arhats. Le roi fit servir le banquet, se prosterna par trois fois devant le bouddha Sakyamuni, et dit : Vous êtes merveilleux ! Pourriez-vous me donner un enseignement, pour que j'atteigne aussi la réalisation que vous avez obtenue.

Le bouddha Sakyamuni dit : certainement ! Et il lui enseigna les quatre nobles vérités, expliquant que tout est souffrance, et en particulier que tous les plaisirs des sens étant des enchaînements au samsâra, il faut les abandonner. Le roi, quelque peu décontenancé, dit : Oui, c'est sans aucun doute très bien, mais ce n'est pas pour moi, je ne vais pas ainsi renoncer aux plaisirs des sens ; si vous n'avez pas d'autres enseignements, je crains de ne pouvoir pratiquer.

Le bouddha Sakyamuni avait reconnu par ses pouvoirs miraculeux qu'Indrabodhi était une personne de capacité supérieure et, faisant en sorte que les cinq cents arhats et le reste de l'entourage ne voient pas ce qui allait se passer, pour le roi seul, il fit apparaître le mandala du yidam Guhyasamâja et lui conféra ses quatre niveaux d'initiation, en même temps qu'il lui fit reconnaître la nature de l'esprit, Mahâmudrâ. Au moment même de l'initiation, le roi atteignit ce qu'on appelle, dans le mahâyâna, la " première terre de bodhisattva ", " la joie supérieure ". Puis il pratiqua Mahâmudrâ, dans la reconnaissance de la nature de son esprit, sans distraction, pendant douze ans, et ce, tout en continuant comme auparavant à jouir des cinq sens et des courtisanes.

Au terme de ces douze années, le roi atteignit la réalisation la plus élevée, la dixième terre de bodhisattva, la pleine réalisation de Mahâmudrâ. Il commença alors à conférer les quatre initiations de Guhyasamâja aux gens de son royaume et à leur transmettre Mahâmudrâ. Assez rapidement le pays se vida complètement, tous ses sujets s'en étant allés en les terres pures… Le roi Indrabodhi était un être aux capacités supérieures, c'est pourquoi, dès qu'il eut reçu l'initiation, il réalisa Mahâmudrâ.

Vous considérez peut-être que ce n'est qu'une histoire, une sorte de légende, parce qu'il est difficile d'admettre qu'Indrabodhi ait pu avoir cinq cents courtisanes le jour et cinq cents la nuit, et que tout son royaume atteignît l'éveil. Mais pourtant c'est une histoire vraie : de même que l'esprit peut, par la seule force de sa pensée, éprouver toutes les possibilités de bonheurs et de souffrances et faire toutes les expériences que nous connaissons d'ordinaire ; quand il est devenu parfaitement pur cette faculté rend possible des choses qui habituellement ne le sont pas. C'est pourquoi cette histoire est aussi une histoire vraie et possible.

Kalou Rinpoché, La voie du Bouddha, Points Sagesse, 2010, p. 356-58.

 

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Groupe de la parole du dimanche 12 mai 2013 à 18 h.

http://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/UVLibre/9900/bin25/page2.htm

Lankavâtara Sûtra

Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse

 

Chapitre VI L'Intelligence transcendantale

Alors Mahâmati dit: Je vous en prie, expliquez-nous, ô Béni du Ciel, ce qui constitue l'Intelligence transcendantale?

L'intelligence transcendantale ou l'état intérieur d'auto-réalisation de la Noble Sagesse
Le Béni du Ciel répondit: l'Intelligence transcendantale est l'état intérieur d'auto-réalisation de la Noble Sagesse. Elle est réalisée de façon soudaine et intuitive lorsqu'a lieu le "retournement" au plus profond de la conscience; elle n'entre ni ne sort, elle est comme la lune vue dans l'eau. L'Intelligence transcendantale n'est pas sujette à naissance ni à destruction; elle n'a rien à voir avec la combinaison ni avec la concordance; elle est dépourvue d'attachement et d'accumulation; elle transcende tous les concepts dualistes.
Lorsqu'on considère l'Intelligence transcendantale, il faut garder quatre choses à l'esprit: les mots, les significations, les enseignements et la Noble Sagesse (Arya-prajñâ). Les mots servent à exprimer les significations mais ils dépendent de la discrimination et de la mémoire pour leur cause, et de l'emploi de sons et lettres par lesquels un transfert mutuel de sens est possible. Les mots ne sont que des symboles qui peuvent, et ne peuvent pas, exprimer clairement et pleinement le sens voulu; et, de plus, on peut comprendre les mots de façon très différente de ce qu'entendait dire qui les a prononcés. Les mots ne sont ni différents ni non-différents du sens et ce dernier se trouve dans la même relation par rapport à eux.

Intérêt et limite des mots
Si le sens était différent des mots, il ne pourrait pas être rendu manifeste au moyen de mots; mais le sens est illuminé par les mots de même que les choses le sont par une lampe. Les mots sont justes comme un homme transportant une lampe afin de regarder sa propriété, ce qui lui permet de dire: ceci est ma propriété. De même, au moyen des mots et du discours qui prennent leur origine dans la discrimination, le Bodhisattva peut pénétrer le sens des enseignements des Tathagatas et par le sens il peut entrer dans l'état exalté d'auto-réalisation de la Noble Sagesse, qui est, en lui-même, libre de la discrimination entre les mots. Mais si un homme s'attache au sens littéral des mots et s'accroche solidement à l'illusion que les mots et le sens sont en accord, en particulier pour des choses comme le Nirvâna, qui est non-né et immortel, ou selon les distinctions des Véhicules, des cinq Dharmas, des trois natures propres, il échouera alors à comprendre le vrai sens et s'emmêlera dans les assertions et les réfutations. Tout comme les variétés d'objets qu'on voit et qu'on discrimine dans les rêves et les visions, c'est erronément que l'on discrimine les idées et les postulats et l'erreur va se multipliant.
Les ignorants et les simples d'esprit déclarent que le sens n'est pas différent des mots, que tels que sont les mots, ainsi est le sens. Ils pensent que comme le sens n'a pas de corps propre, il ne peut donc pas être différent des mots et c'est pour cela qu'ils déclarent que le sens est identique aux mots. En ceci ils sont ignorants de la nature des mots, qui sont sujets à la naissance et à la mort, ce qui n'est pas le cas du sens; les mots dépendent des lettres mais pas le sens; le sens est séparé de l'existence et de la non-existence, il n'a pas de substrat, il est non-né. Les Tathagatas n'enseignent pas un Dharma qui dépend des lettres. Quiconque enseigne une doctrine qui dépendrait des lettres et des mots n'est qu'un bavard, parce que la Vérité est au-delà des lettres, des mots et des livres. Ceci ne signifie pas que lettres et livres ne disent jamais ce qui est en conformité avec le sens et la vérité, mais que mots et livres sont dépendants des discriminations, alors que le sens et la vérité ne sont pas; qui plus est, mots et livres sont sujets à l'interprétation des esprits individuels, cependant que le sens et la vérité ne le sont pas. Mais si la Vérité n'est pas exprimée dans les mots et les livres, les écritures qui contiennent le sens de la Vérité disparaîtraient, et sans les écritures il n'y aurait plus de disciples ni de maîtres, ni de Bodhisattvas ni de Bouddhas, et il n'y aurait plus rien à enseigner. Mais il ne faut pas s'attacher aux mots des écritures parce que même les textes canoniques dévient parfois de leur cours direct à cause du fonctionnement imparfait des esprits sensibles.
Moi-même et d'autres Tathagatas donnons des discours religieux en réponse aux divers besoins et croyances de toutes les sortes d'êtres, afin de les libérer de la dépendance à la fonction pensante du système mental, mais ils ne sont pas donnés pour prendre la place de l'auto-réalisation de la Noble Sagesse. Lorsque il y a admission de ce qu'il n'y a rien au monde qui ne soit une vue de l'esprit lui-même, toutes les discriminations dualistes sont écartés, la vérité de l'absence d'image est comprise, et on constate qu'elle est en conformité avec le sens plutôt qu'avec les mots et les lettres.
Les ignorants et les simples d'esprit étant fascinés par leur imaginations personnelles et leurs raisonnements erronés, ils continuent de danser et de sauter partout, mais sont incapables de comprendre le discours en mots sur la vérité de l'auto-réalisation, et à plus forte raison de comprendre la Vérité elle-même. Agrippés au monde extérieur, ils s'accrochent à l'étude de livres qui ne sont jamais qu'un moyen, et ne savent pas vraiment comment s'assurer de la vérité de l'auto-réalisation, qui est la Vérité non défigurée par les quatre propositions. L'auto-réalisation est un état exalté de réalisation intérieure qui transcende toute pensée dualiste et qui est au-dessus du système mental avec sa logique, son raisonnement, ses théories, et ses illustrations. Les Tathagatas font des discours aux ignorants, mais soutiennent les Bodhisattvas lorsqu'ils voient l'auto-réalisation de la Noble Sagesse.

Ne pas s'attacher aux mots comme étant en parfaite conformité avec le sens
Laissons donc chaque disciple faire bien attention à ne pas s'attacher aux mots comme étant en parfaite conformité avec le sens, parce que la Vérité n'est pas dans les lettres. Lorsqu'un homme pointe vers quelque chose ou quelqu'un du bout de son doigt, on pourrait confondre le bout du doigt avec la chose vers laquelle on pointe; de la même manière, les ignorants et les simples d'esprit, comme des enfants, sont incapables, même au jour de leur mort, d'abandonner l'idée que le doigt que sont les mots, soit le sens lui-même. Ils ne peuvent réaliser la Réalité ultime à cause de leur attachement résolu à des mots qui ne se voulaient rien d'autre qu'un doigt pointé. Les mots et leur discrimination nous lient à la triste ronde des naissances dans le monde de naissance-et-mort; le sens reste seul et est un guide vers le Nirvâna. On arrive au sens grâce à beaucoup d'étude, et on arrive à beaucoup de connaissances en devenant familiers avec le sens et pas avec les mots; c'est pourquoi les chercheurs de vérité s'approchent des sages avec révérence, et évident ceux qui se braquent sur des mots particuliers.

L'intelligence transcendantale transcende toutes les discriminations
… Mais il y a ce qui n'appartient pas au matérialisme et qui n'est pas atteint par la connaissance des philosophes qui s'attachent à de fausses-imaginations et à des raisonnements erronés parce qu'ils n'arrivent pas à voir que, fondamentalement, il n'y a pas de réalité dans les objets extérieurs. Lorsqu'on s'aperçoit qu'il n'y a rien au-delà de ce qui est vue de l'esprit lui-même, la discrimination de l'être et du non-être cesse et c'est ainsi que dans le monde extérieur de l'objet de la perception, rien ne reste que la solitude de la Réalité. Ceci n'appartient pas aux philosophes matérialistes, c'est le domaine des Tathagatas. Si ces choses sont imaginées comme des allées et venues du système mental, une disparition et une apparition, une sollicitation, un attachement, une intense affection, une hypothèse philosophique, une théorie, une demeure, un concept sensoriel, une attraction atomique, un organisme, une croissance, la soif, la saisie, ces choses appartiennent au matérialisme, elles ne sont pas de moi. Ce sont des choses qui font l'objet d'intérêts mondains, qu'il faut sentir, manier et goûter; ce sont les choses qui apparaissent dans les éléments qui constituent les agrégats de la personnalité, là où, à cause de la force procréatrice de la luxure, se produisent toutes sortes de désastres: la naissance, le chagrin, la lamentation, la souffrance, le désespoir, la maladie, la vieillesse, la mort. Toutes ces choses concernent des intérêts et des plaisirs mondains; elles se trouvent sur le chemin des philosophes, qui n'est pas le chemin du Dharma. Lorsqu'on comprend la vraie absence d'existence propre des choses et des personnes , la discrimination cesse de se soutenir lui-même; le système mental inférieur cesse de fonctionner; les divers stages du Bodhisattva se suivent l'un l'autre; Le Bodhisattva peut proférer ses dix vœux inépuisables et recevoir l'onction de tous les bouddhas. Le Bodhisattva devient maître de lui-même et de toutes choses en vertu d'une vie d'effort spontané et d'absence radiante d'effort. Le Dharma, qui est l'Intelligence transcendantale, transcende donc toutes discriminations, tous faux-raisonnements, tous systèmes philosophiques , tout dualisme.

La matrice de l'Ainsité est la conscience intuitive de la Noble Sagesse
Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Dans les Ecritures, mention est faite de la Matrice de l'Ainsité (Tathagatagharba) et il y est enseigné que ce qui en est né est par nature clair et pur, originellement immaculé et doté des trente-deux marques d'excellence. Ainsi qu'elle est décrite, il s'agit d'une gemme précieuse mais qui est cependant enveloppée dans un vêtement sale, souillé par l'avidité, la colère, la bêtise et la fausse imagination. On nous enseigne que cette Nature-de-Bouddha immanente en chacun de nous est éternelle, inaltérable, auspicieuse. Mais ce qui est né de la Matrice de l'Ainsité n'est-il pas la même chose que la substance-âme qu'enseignent les philosophes? Le Divin Atman tel qu'il est enseigné par eux est également dit être éternel, inscrutable, inaltérable, impérissable. Y a t-il, ou n'y a t-il pas une différence?
Le Béni du Ciel répondit: Non, Mahâmati, ma Matrice de l'Ainsité n'est pas la même chose que le Divin Atman tel qu'enseigné par les philosophes. Ce que j'enseigne est l'Ainsité dans les sens du Dharmakaya, de l'Unité ultime, du Nirvâna, de la vacuité, la non-né-ité, de la non-qualification, dépourvus d'effort de la volonté. La raison pour laquelle j'enseigne la doctrine de l'Ainsité, c'est que je cherche à amener les ignorants et les simples d'esprit à mettre de côté leurs craintes quand ils écoutent à l'enseignement de l'absence d'existence propre et qu'ils en viennent à comprendre l'état de non-discrimination et l'absence d'image. Les enseignements religieux des Tathagatas sont tout comme un potier qui fait différents récipients de par sa propre habileté manuelle, avec l'aide d'un tour, d'eau et d'un fil, à partir d'une masse d'argile, de même les Tathagatas par leur maîtrise des moyens habiles issus de la Noble Sagesse, par divers termes, expressions, et symboles, prêchent la double absence d'existence propre afin d'éliminer la dernière trace de la discrimination qui empêche leurs disciples d'atteindre à l'auto-réalisation de la Noble Sagesse.
La doctrine de la Matrice de l'Ainsité est divulguée afin d'éveiller les philosophes de leur attachement à la notion d'un Divin Atman en tant que personnalité transcendantale, de sorte que leurs esprits qui se sont attaché à l'imaginaire notion d'une "âme" comme existant en soi, puissent être rapidement éveillés à un état de parfait éclaircissement.
Toutes les notions telles que la causalité, la succession, les atomes, les éléments primaires qui composent la personnalité, l'âme personnelle, l'Esprit suprême, le Dieu souverain, le Créateur &emdash; sont toutes des imaginations et des manifestations de l'esprit.
Non, Mahâmati, la doctrine de la Matrice de l'Ainsité qu'enseigne le Tathagata n'est pas la même que l'Atman des philosophes. Le Bodhisattva est dit avoir bien saisi l'enseignement des Tathagatas quand, tout seul dans un endroit isolé, grâce à son Intelligence transcendantale, il foule le chemin qui mène au Nirvâna. A partir de là, son esprit va se déployer en percevant, en pensant, en méditant, et, en demeurant dans la pratique de la concentration jusqu'à ce qu'il atteigne le "retournement" à la source de l'énergie de l'habitude, après quoi il mènera une vie d'actes excellents. Son esprit concentré sur l'état de Bouddhéité, il deviendra absolument familier avec la noble vérité de l'auto-réalisation; il deviendra le parfait maître de son propre esprit; il sera comme une gemme irradiant de nombreuses couleurs; il sera capable d'assumer des corps de transformation; il sera capable de pénétrer dans l'esprit de tous pour les aider; et; finalement, en parcourant graduellement les étapes il s'affermira dans la parfaite Intelligence transcendantale des Tathagatas.
Néanmoins, l'Intelligence transcendantale (Arya-jñana) n'est pas la Noble Sagesse (Arya-prajñâ) , elle n'en est qu'une conscience intuitive. La Noble Sagesse est un état parfait sans image : elle est la Matrice de l'Ainsité (Tathagatagharba); elle est l'Esprit-divin-qui-conserve-Tout (Alaya-vijñana) , lequel, dans son essence pure se maintient pour toujours dans la Parfaite Patience et dans la Paisible Tranquillité.


L'histoire de Sukhasiddhi

La femme qui devint Sukhasiddhi naquit au Cachemire, dans la même région que Niguma. Issue d'une famille très pauvre, elle vivait très modestement, avec son mari, ses trois fils et ses trois filles.

Une année, alors que sévissait la disette, et qu'il ne restait à la maison, pour toutes provisions, qu'un bol de riz, toute la famille partit en quête de nourriture : les trois filles vers le nord, les trois fils à l'ouest, et le père au sud. Seule la mère resta à la maison. Alors qu'elle y était seule, vint un mahâsiddha qui, par sa clairvoyance, sut qu'elle avait quelques provisions cachées. Il lui expliqua qu'il n'avait pas mangé depuis fort longtemps, et la supplia de lui donner un peu de riz. Emue par sa supplique et ses vertus, elle consentit. Elle cuisina le riz, le lui offrit, et en mangea un peu elle-même.

Quand les autres membres de la famille revinrent de leur recherche, bredouilles et affamés, ils demandèrent qu'elle prépare les dernières provisions, et elle dut avouer toute l'histoire, prétextant qu'elle avait agi ainsi car elle était sûre qu'ils rapporteraient quelque chose. Furieux, ils la chassèrent.

Su les conseils de voisins, elle se dirigea vers l'ouest et atteignit le pays d'Oddiyâna. C'était un pays merveilleux, prospère avec des habitants généreux. Arrivant à l'époque des récoltes, elle mendia, reçut une grande quantité de riz, duquel elle fit de la bière qu'elle vendit. L'argent qu'elle gagna lui permit d'acheter ce dont elle avait besoin, et d'installer un négoce de bière. Finalement, elle ouvrit une brasserie. Parmi les habitués, chaque jour, venait une jeune fille qui ne consommait jamais, mais lui achetait toujours bière et viande. Un jour, elle s'enquit de son activité et la jeune fille lui expliqua que, non loin dans la montagne vivait le mahâsiddha Virûpa, qu'elle l'approvisionnait quotidiennement. La mère dit alors : Dans ce cas, considérez ma bière comme une offrande pour lui. Et elle lui expliqua toute sa mésaventure.

Par la suite, elle lui offrit, chaque jour, en grande quantité, sa meilleure bière. Quelque temps plus tard, Virûpa demanda à sa jeune intendante comment elle pouvait lui apporter tant de bière sans qu'il ne lui en coutât jamais aucun argent. La jeune fille lui dit toute l'histoire, expliquant que la bière venait d'une vieille femme qui avait pour lui une grande dévotion. Virûpa dit alors : Cette femme doit avoir un excellent karma ; si je la rencontrais, je pourrais la diriger vers la pleine libération.

L'histoire fut rapportée à la vieille femme, qui fut enthousiaste et, avec de généreuses offrandes de bière et de viande, elle s'en alla visiter Virûpa. Il lui conféra une initiation qui, instantanément, l'amena à la réalisation d'une dâkinî d'expérience primordiale, dans l'esprit et dans le corps. Alors qu'elle avait déjà soixante et un ans, elle reprit la forme d'une jeune fille de seize ans, et devint connue sous le nom de Sukhasiddhi.

Elle eut la même réalisation que Niguma, reçut aussi des transmissions directement de Vajradhâra et, depuis lors, voici plus de mille ans, les êtres qualifiés peuvent encore la rencontrer, inchangée dans son aspect juvénile.

Elle fut l'un des principaux maîtres de Khyungpo Neljor, qui la rencontra dans un charnier où elle apparut sous une forme blanche, brillante, lumineuse, la main dans le " geste non-né ", entourée d'une cohorte d'autres dâkinîs et de nuées de lumière. Sukhasiddhi lui transmit ses enseignements et lui prédit qu'il en serait le principal détenteur. Ils ont été transmis jusqu'à nos jours comme les enseignements de Sukhasiddhi.

Kalou Rinpoché, La voie du Bouddha, Points Sagesse, 2010, p. 279-81.

 

 

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Groupe de la parole du dimanche 9 juin 2013 à 18 h.

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Lankavâtara Sûtra

Sûtra de la Descente au Lanka
Auto-réalisation de la Noble Sagesse


Chapitre XIII Nirvâna

Alors Mahâmati dit au Béni du Ciel: Je vous en prie, parlez-nous du Nirvâna?

Les significations différentes du Nirvâna
Le Béni du Ciel répondit: Différentes personnes utilisent ce terme, le Nirvâna, avec beaucoup de significations différentes, mais on peut répartir ces gens en quatre groupes: Il y a ceux qui souffrent, ou qui ont peur de souffrir, et qui pensent au Nirvâna; il y a des philosophes qui tentent de discriminer le Nirvâna; il y a la catégorie des disciples qui pensent au Nirvâna en relation à eux-mêmes; et finalement, il y a le Nirvâna des Bouddhas. Ceux qui souffrent ou qui ont peur de souffrir, pensent au Nirvâna comme une fuite et une récompense. Ils imaginent que le Nirvâna consiste dans la future annihilation des sens et des mentations sensorielles; ils ne se rendent pas compte que ce monde de vie-et-mort et le Nirvâna n'ont pas à être séparés.

Le Nirvâna n'est pas une simple cessation des discriminations
… Encore une fois, certains philosophes expliquent la délivrance comme s'il ne s'agissait que de la simple cessation des discriminations, comme quand le vent cesse de souffler, ou comme quand quelqu'un par ses propres efforts réussit à se défaire des vues dualistes de connaisseur et de connu, ou se défait des notions de permanence et d'impermanence; ou se débarrasse des notions de bon et de mauvais; ou surmonte la passion au moyen de la connaissance: pour eux, le Nirvâna est délivrance.
… Ces vues multiples qu'avancent les philosophes avec leur divers raisonnements ne sont pas en accord avec la logique, et ne sont pas non plus acceptables pour les sages. Ils conçoivent tous le Nirvâna de façon dualiste et dans un rapport causal; par ces discriminations, les philosophes imaginent le Nirvâna, mais là où il n'y a ni apparition ni disparition, comment pourrait-il y avoir discrimination? Chaque philosophe compte sur son propre manuel, dont il tire son entendement, et pèche à l'encontre de la vérité, parce que la vérité n'est pas là où il l'imagine être. Le seul résultat, c'est que ça égare son esprit et qu'il en devient encore plus confus, vu qu'on ne peut pas trouver le Nirvâna par la recherche mentale, et plus son esprit devient confus, plus il embrouille les autres.

Le faux Nirväna de ceux qui n'accèdent pas au retournement
Quant à la notion de Nirvâna telle que la tiennent disciples et maîtres qui s'accrochent toujours à la notion d'un Soi, et qui tentent de la trouver en s'isolant par eux-mêmes dans la solitude: leur notion de Nirvâna est une éternité de béatitude semblable à la béatitude des Samadhis pour eux-mêmes. Ils croient que le monde n'est qu'une manifestation de l'esprit et que toutes les discriminations sont du fait de l'esprit, et ils abandonnent donc leurs relations sociales et la pratique des diverses disciplines spirituelles et recherchent dans la solitude l'auto-réalisation de la Noble Sagesse par leur effort propre. Ils suivent les étapes jusqu'à la sixième et accèdent à la béatitude des Samadhis, mais comme ils sont toujours attachés à l'égoïsme, ils n'accèdent pas aux "retournement" au plus profond de la conscience et c'est pourquoi ils ne sont pas libres de l'esprit pensant et de l'accumulation de son énergie de l'habitude. Attachés à la béatitude des Samadhis, ils passent à leur Nirvâna, mais ce n'est pas le Nirvâna des Tathagatas. Ils sont de ceux qui sont "entrés dans le courant"; ils leur faut retourner à ce monde de la vie et de la mort.

Le vrai Nirvâna et l'assurance du coeur
… Le Béni du Ciel répondit: Mahâmati, cette assurance n'est pas une assurance de nombres ni de logique; ce n'est pas l'esprit qui doit être assuré mais le coeur. L'assurance du Bodhisattva vient au moment du déploiement de la pénétration qui suit celui où les obstacles de la passion sont dégagés, l'obstacle de la connaissance purifié, et l'absence d'existence propre clairement perçue et patiemment acceptée. Comme l'esprit mortel cesse de discriminer, il n'y a plus de soif de vie, ni de désir sexuel, ni de soif de science, ni de soif de vie éternelle; avec la disparition de cette quadruple soif, il n'y a plus d'accumulation de l'énergie de l'habitude; quand il n'y a plus d'accumulation de l'énergie de l'habitude, les souillures sur la face de l'Esprit universel s'en vont, et le Bodhisattva accède à l'auto-réalisation de la Noble Sagesse qui est l'assurance qu'a le coeur d'accéder au Nirvâna. Il y a des Bodhisattvas ici et dans d'autres Terres de Bouddhas, qui se sont sincèrement consacrés à la mission du Bodhisattva et qui ne peuvent pas encore oublier totalement la béatitude des Samadhis et la paix du Nirvâna-pour-eux-mêmes. L'enseignement du Nirvâna dans lequel il n'y a pas de substrat qui reste derrière, est révélé selon un sens caché au bénéfice de ces disciples qui s'accrochent toujours aux pensées de Nirvâna pour eux-mêmes, afin qu'ils puissent être inspirés de s'exercer dans la mission du Bodhisattva d'émancipation pour tous les êtres. Les Bouddhas de Transformation enseignent une doctrine de Nirvâna en considération de la situation telle qu'ils la trouvent, et pour donner un encouragement aux timides et aux égoïstes. Pour détourner leurs pensées d'eux-mêmes et pour les encourager à une compassion plus profonde et à un zèle plus sincère envers les autres, ils reçoivent une assurance sur le futur de par le pouvoir de soutien des Bouddhas de Transformation, mais pas par le Dharmata-Bouddha.

Il n'y a pas de Nirvâna pour les Bouddhas
Le dharma qui établit La Vérité de la Noble Sagesse appartient au domaine du Dharmata-Buddha. Pour les Bodhisattvas des septième et huitième stades, l'Intelligence transcendantale est révélée par le Dharmata-Buddha et le Chemin qu'ils ont à suivre leur est montré. Dans la parfaite auto-réalisation de la Noble Sagesse qui suit l'inconcevable mort-transformation du contrôle de la volonté individuelle du Bodhisattva, il ne rivalise plus avec lui-même, mais la vie qu'il dispute après cela, c'est la vie universelle du Tathagata telle que manifestée dans ses transformations. Dans cette parfaite auto-réalisation de la Noble Sagesse, le Bodhisattva se rend compte que pour les Bouddhas, il n'y a pas de Nirvâna. La mort d'un Bouddha, le grand Parinirvâna, n'est ni destruction ni mort, car autrement il serait naissance et continuation. S'il était destruction, il serait un acte producteur d'effets, ce qui n'est pas le cas. Ni n'est il une disparition ou un abandon, ni n'est il réalisation, et pas non plus une non-réalisation; ni n'est il signifiant ni non-signifiant, car il n'y a pas de Nirvâna pour les Bouddhas.

Le Nirvâna est là où s'exprime le parfait amour pour tous
Le Nirvâna du Tathagata est là où on a reconnu qu'il n'y a rien sauf ce qui est vue de l'esprit lui-même; il est là où, ayant reconnu la nature de l'esprit du soi, on ne chérit plus le dualisme de la discrimination; il est là où il n'y a plus de soif ni de saisie; il est là où il n'y a pas plus d'attachement aux choses extérieures. Le Nirvâna est là où l'esprit pensant avec toutes ses discriminations, attachements, aversions et l'égoïsme sont pour toujours mis de côté; il est là où les mesures logiques, comme elles s'avèrent inertes, ne sont plus saisies; il est là où même la notion de vérité est traitée avec indifférence parce qu'elle est cause de confusion; il est là où, lorsqu'on se débarrasse des quatre propositions, il y a pénétration dans la demeure de la Réalité. Le Nirvâna est là où la double passion s'est éteinte, où le double obstacle a été dégagé et la double absence d'existence propre est patiemment acceptée; il est là où, par l'accession au "retournement" au plus profond de la conscience, on entre pleinement dans l'auto-réalisation de la Noble Sagesse ; qui est le Nirvâna des Tathagatas. Le Nirvâna est là où les stades du Bodhisattva sont passés l'un après l'autre; il est là où le pouvoir de soutien des Bouddhas maintient les Bodhisattvas dans la béatitude des Samadhis; il est là où la compassion pour les autres transcende toutes pensées de soi; il est là où le stade de Tathagata est finalement réalisé. Le Nirvâna est le domaine du Dharmata-Bouddha; il est là où la manifestation de la Noble Sagesse qui est Bouddhéité s'exprime dans Le Parfait Amour pour tous; il est là où la manifestation du Parfait Amour, qui est l'Ainsité, s'exprime dans la Noble Sagesse pour l'éveil de tous ; là, effectivement, se trouve le Nirvâna!

Les choses sont par nature non-nées
…Allons plus loin, Mahâmati. Selon l'enseignement des Tathagatas du passé, du présent et de l'avenir, toutes choses sont non-nées. Pourquoi ? Parce qu'elles n'ont pas de réalité, étant des manifestations du Mental lui-même ; et, Mahâmati, comme elles ne sont pas nées de l'être ni du non-être, elles sont non-nées. Mahâmati, toutes choses sont comme des cornes de lièvre, de cheval, d'âne ou de chameau, mais les ignorants ou les esprits simples, prisonniers de leurs imaginations fausses, discriminent les choses où elles ne sont pas discriminables ; donc, toutes choses sont non-nées. Le fait que choses soient par nature non-nées, Mahâmati, est du domaine de la réalisation intérieure, obtenue par la noble sagesse et non du domaine de la discrimination dualiste tant prisée par les ignorants et les esprits simples.
La nature propre et les signes caractéristiques du corps, propriété, le domicile - ces choses surgissent quand les ignorants considèrent l'Alayavijñana comme un processus de saisie ou de prise ; ils tombent alors dans une vue dualiste de l'existence où ils voient son surgissement, sa durée et sa dissipation, en se faisant l'idée que toutes choses sont nées et sujettes à discrimination quant à leur être ou à leur non-être. Donc, Mahâmati, tu devrais t'entraîner à la discipline (c'est dire à la réalisation intérieure).


L'éveil de Mipam Gönpo

Il y eut autrefois au Tibet un homme du nom de Mipam Gönpo, qui estimait beaucoup le dharma mais avait passé toute sa vie à faire du commerce et à s'occuper de toutes sortes d'activités mondaines, tant et si bien qu'il n'avait jamais pris le temps de pratiquer. A l'époque de l'histoire, il avait quatre-vingt-dix-neuf ans, ne pouvait plus se déplacer et devait rester couché toute la journée. Il était fort triste et se disait : J'ai fait du commerce toute ma vie sans pratiquer le dharma, je vais maintenant mourir et ne sais ce qui va se passer.

En cette époque, vivait un très célèbre lama du nom de Vairochana, et le vieil homme pensa : Si au moins je pouvais rencontrer Vairochana et lui demander un enseignement. Vairochana perçut son souhait et vint un jour le voir. Il entra : Mais qui êtres-vous ? demanda le vieil homme. - Je suis Vairochana.

Extrêmement heureux, Mipam Gönpo lui expliqua qu'il allait bientôt mourir et qu'il aimerait recevoir un enseignement. Vairochana lui dit : Je vais te donner un enseignement, mais assieds-toi ; quand on est allongé, l'esprit n'est pas clair. Il eut du mal à s'asseoir et, comme il ne pouvait garder l'assise, il utilisa ce qu'on appelle un bâton de méditation (une sorte de mentonnière avec un support reposant au sol) et une ceinture de méditation, qui lui permirent de se tenir à peu près droit. Vairochana lui donna ensuite les instructions de Mahâmudrâ, et l'ouvrit à la nature de l'esprit. Le vieil homme put méditer et, en l'espace de quelques jours, il réalisa Mahâmudrâ. Cest là un exemple d'individu de capacité supérieure.


Kalou Rinpoché, La voie du Bouddha, Points Sagesse, 2010, p. 307-308.

 

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