Du sacrifice à la compassion envers l'autre, pour fonder le pouvoir

1. Une première tentative pour fonder le pouvoir est le sacrifice comme s'il y avait implication très étroite entre le religieux et le politique : Agamemnon sacrifie Iphigénie pour obtenir la victoire et assurer le renforcement de son pouvoir

2. Le sacrifice semble alors ouvrir la voie à la violence meurtrière : tout le texte va s'efforcer de montrer le sens fondamentalement pervers du sacrifice religieux dans cette perspective

3. Ici, la mère de la victime sacrifiée veut " sacrifier ", à son tour, celui qui a sacrifié sa fille

4. Elle s'allie avec un nouveau prétendant au pouvoir

5. Le meurtre d'Agamemnon se manifeste comme un meurtre sacrificiel qui vient fonder un autre pouvoir

6. Dès maintenant, la brèche est grande ouverte pour un déferlement apparemment justifié de la violence

7. Oreste, le jeune fils d'Agamemnon, est obligé de s'exiler pour y échapper

8. Mais ce temps d'exil est un temps de préparation à la vengeance

9. Devenu adulte, il revient à Mycènes en secret

10. Afin de justifier sa vengeance, un piège est tendu pour que se manifeste les sentiments meurtriers du pouvoir à son égard ; le père adoptif d'Oreste vient annoncer sa mort à Clytemnestre et à Egisthe

11. L'une et l'autre mordent à l'hameçon

12. C'est alors que le nouveau prétendant légitime au trône se sent justifié pour " sacrifier " à son tour la reine et le roi

13. Ce faisant il ne se rend pas compte qu'il perpétue un comportement qui détruit la famille

14. Bien plus, en tuant sa mère, il s'attaque à la racine de la vie

15. Il ne peut échapper au remord (les érinyes), qui l'enferme dans la mort

16. Pour le sortir de son cauchemar, l'oracle de Delphes lui demande de ramener la statue d'Artémis, tombée du ciel, qui se trouve en Tauride

17. Sur le moment, il ne comprend pas le sens de cette injonction

18. Il se rend en Tauride avec son ami Pylade

19. Ici le roi cruel sacrifie les étrangers à Artémis

20. C'est là que se révèle le sens pervers du sacrifice dans la confusion entre religieux et politique : sacrifier l'autre (l'étranger) pour fonder et maintenir un pouvoir tyrannique

21. C'est pour cela qu'il faut enlever la statue d'Artémis, qui justifie mensongèrement le sacrifice de l'autre, ce qui signifie ici séparer le religieux du politique

22. Mais l'opération est périlleuse et les deux hommes se font prendre

23. Ils sont eux-mêmes condamnés à être sacrifiés

24. Or la prêtresse qui doit les sacrifier n'est autre qu'Iphigénie, condamnée elle-même à être sacrifiée et sauvée par Artémis qui en a fait sa prêtresse

25. En un très grand raccourci, le mythe fait voir le lien très étroit entre le sacrifice comme fondement du pouvoir et le sacrifice de l'autre : celle qui a été sacrifiée contribue à perpétuer le sacrifice de l'autre en devenant elle-même le bras du bourreau

26. La perversité apparaît au grand jour et Iphigénie non seulement épargnera son frère et son compagnon mais emmènera avec eux la statue d'Artémis utilisée par un pouvoir tyrannique pour se justifier

27. Ce qui est pervers, c'est l'utilisation du religieux pour fonder le pouvoir tyrannique

28. Le déplacement de la statue est la volonté de sortir le religieux de cette perversité en le séparant du politique

29. Et finalement, le texte montre que ce n'est pas la sacrifice qui fonde le pouvoir, c'est la compassion envers l'autre (envers le corps de l'autre en souffrance) manifestée par Athéna

30. Oreste peut alors monter sur le trône

31. Il fallu toute une quête difficile pour trouver le véritable fondement du pouvoir et le sortir de la perversité dans laquelle il s'était enfermé, parce qu'il y avait confusion entre le politique et le religieux

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Oreste ou la contestation radicale de la sacralisation du pouvoir

1. Au départ, Agamemnon sacrifie sa fille Iphigénie pour fonder son pouvoir et assurer sa victoire sur Troie

2. Il sacralise ainsi son pouvoir comme pouvoir sur l'autre (la vie de l'autre)

3. Cette sacralisation par le sacrifice entraîne un déchaînement de la violence, qui conduit à la mort

4. Clytemnestre, la femme d'Agamemnon et la mère d'Iphigénie, se venge en provoquant la mort du roi, avec l'aide d'Égisthe, nouveau prétendant au pouvoir

5. Oreste, fils d'Agamemnon, stimulé par son entourage, finit par " sacrifier " à son tour Clytemnestre et Égisthe

6. Par son remord insupportable, il est lui-même victime de la force de mort qu'il a contribué à libérer

7. Il va être livré à son tour à la mort, en Tauride, par un tyran, qui sacrifie tous les étrangers à Artémis

8. La nature profonde du sacrifice qui fonde le pouvoir, se révèle ici comme destructeur de l'autre et de son altérité

9. Bien plus, la prêtresse qui porte le glaive est Iphigénie elle-même, sauvée par Artémis

10. On voit ainsi que le sacrifice contribue à faire de la victime un bourreau

11. Son bras pourtant s'arrête lorsqu'elle entend son nom " Iphigénie "

12. C'est donc qu'elle a été sacrifiée parce qu'elle n'était pas reconnue

13. Reconnue, de sacrificatrice elle devient sauveur de son frère Oreste

14. Avec elle, de nuit, Oreste emmène la statue d'Artémis, hors de l'emprise du pouvoir, répondant à l'exigence de l'oracle de Delphes

15. C'est une manière de séparer le religieux du politique

16. Peu après, Pallas Athéna, en prenant pitié d'Oreste pour le guérir de son remord, exprime, à sa façon, ce qu'est le véritable fondement du pouvoir : la compassion, c'est-à-dire la reconnaissance et l'écoute de l'autre

17. Le religieux n'est pas le fondement du pouvoir, mais il peut dire quel est ce fondement, à condition qu'il soit séparé du politique

18. C'est alors seulement qu'Oreste peut monter sur le trône

19. À ce moment, le pouvoir est enfin désacralisé