Le fonctionnement :- Chaque point représente une étape dans le déroulement de l'action
ou du récit. |
8 |
1
|
7 |
2
|
9 |
6 |
3 |
5 |
4
|
8 |
1
|
7
|
2
|
9 |
6 |
3
|
5 |
4 LE SOUPIRANT AMEINAS POUSSE AU SUICIDE |
8 |
1
|
7
|
2 |
9
|
6
|
3 |
5 |
4 |
Comme l'avait suggéré Tirésias, la solution, pour sortir du traumatisme, consiste à passer du regard à la parole.
Du traumatisme lie à une relation incestueuse, à la destruction de la vie
1. Un inceste originel effectué dans la violence (viol)
2. Il est lié à une non reconnaissance de l'autre
3. On constate un dédoublement de la parole où l'individu ne fait que s'écouter soi-même : ce dédoublement de la parole détruit la parole, qui implique un rapport à l'autre, la sienne et celle de l'autre. Lorsqu'on détruit la parole, c'est la relation à l'autre qui est détruite
4. Dédoublement du corps, qui détruit le corps, le sien et celui de l'autre ; il n'aime que son corps y compris dans le corps de l'autre
5. Le rapport sexuel devient impossible, même dans une relation homosexuelle
6. Dédoublement de soi, où l'individu n'est plus que l'image de soi-même : il devient une âme sans corps
7. Dédoublement de l'être (amour), où il ne peut que s'aimer soi-même, c'est-à-dire aimer sa propre image : en fait l'amour de soi lui-même est ici impossible
8. Finalement c'est la mort dans une forme progressive de suicide
9. L'amour qui se referme sur lui-même, entraînant l'effet d'une drogue, qui opère par dédoublement
10. La solution consiste à sortir du regard qui va se porter sur soi-même pour entrer dans la parole, qui oriente vers l'autre
11. Ce texte décrit par ailleurs les effets de la drogue : il peut donc aider à comprendre et peut-être à traiter ce problème
12. Il en va de même pour le suicide, comme effet possible d'un traumatisme originel ou, en tout cas, de dédoublements successifs, qui pourraient être traités par un passage de l'image à la parole
13. Finalement ce que veut signifier le texte, c'est que Narcisse a été engendré par un premier Narcisse : le Narcisse qui est tourné vers lui-même est dans une situation de violence incestueuse
_____________________________
Le retour vers la reconnaissance de l'autre
1. L'autre n'existe pas
2. L'autre n'existe pas parce que la parole n'existe pas
3. La parole n'existe pas parce que la sexualité n'est pas acceptée
4. La sexualité n'est pas acceptée parce que le corps est refusé
5. Le corps sexué n'existe pas parce que l'individu n'existe pas vraiment
7. L'individu n'existe pas parce que l'individu s'identifie à son image et qu'il n'aime que sa propre image
8. L'amour de soi est impossible parce que le soi n'est pas l'image
9. L'homme semble avoir fait inconsciemment le choix de la mort et non le choix de la vie
10. Il est conduit à la mort parce que le sujet n'existe pas
11. Le sujet n'existe pas parce que l'amour n'est pas accepté comme un don
____________________________________
Le retour vers la reconnaissance de l'autre
1. Pour que le sujet existe il faut commencer par renoncer à se détruire en acceptant, à l'origine, l'amour comme un don
2. Pour ne pas se détruire il convient de revenir à la réalité en cessant de s'identifier à sa propre image
3. Il devient alors possible de retrouver un véritable amour pour soi
4. L'amour de soi au sens positif permet de reconnaître son propre corps
5. En reconnaissant mon propre corps, je vais pouvoir accepter la sexualité
6. L'acceptation de la sexualité, la mienne et celle de l'autre, ouvre une place à la parole
7. La parole me conduit à la reconnaissance de l'autre
8. En reconnaissant l'autre, je vais pouvoir sortir de l'attitude incestueuse fondamentale, qui consiste à ne rechercher chez l'autre que sa propre image
_____________________________________________
Schéma du dysfonctionnement
humain
8
|
1
|
7
|
2 |
9
|
6
|
3 |
5 |
4 |
1. Le récit biblique de la chute semble mettre l'accent sur l'absence de parole
2. Freud insiste sur la mauvaise intégration de la sexualité
3. Le mythe de Narcisse insiste sur l'identification de
l'individu à sa propre image et finalement sur la non acceptation
de l'amour comme un don
Chaque approche est fondamentale : les trois approches sont complémentaires. Peut-être le mythe de Narcisse a-t-il le mérite de mieux expliquer l'inceste originel, en nous ramenant à la racine du dysfonctionnement humain.
________________________________
Narcisse, Les Métamorphoses d'Ovide
Traduction française en vers libres de Danièle
Robert:
Tandis que la loi du destin s'accomplissait de la sorte sur terre
Et que le berceau du petit Bacchus, né deux fois, était
en sûreté,
Jupiter que le nectar, nous dit-on, avait un jour détendu,
Mit de côté les occupations sérieuses pour se distraire
Avec Junon et badiner en toute quiétude: "Je parie
Que votre plaisir est plus grand que celui qu'éprouvent
Les mâles ", affirma-t-il. Elle n'était pas d'accord.
Ils résolurent
De demander l'avis du sage Tirésias. Celui-ci connaissait le plaisir
Des deux sexes car après avoir profané d'un coup de bâton,
Dans une forêt verdoyante, le coït de deux grands serpents,
Il avait été changé (stupeur!) d'homme en femme
Durant sept automnes; au huitième, les ayant revus,
Il avait dit: " Puisqu'un coup reçu vous donne le pouvoir
De changer le sexe de son auteur, je vais vous frapper
A nouveau. " Les deux serpents frappés, il avait repris
Sa forme première et son aspect naturel.
Donc, choisi comme arbitre dans cette querelle pour rire,
Il donna raison à Jupiter. La fille de Saturne, dit-on,
Le prit beaucoup plus mal que la chose n'en valait la peine
Et condamna les yeux de son juge à la nuit éternelle
. Mais le père tout-puissant (aucun dieu n'a le droit, en effet,
d'annuler
Les décisions d'un autre dieu) lui donna, pour pallier sa cécité,
la prescience
De l'avenir et adoucit sa peine en lui témoignant son estime.
Partout célébré dans les villes de l'Aonie,
Tirésias donnait à ses visiteurs d'infaillibles réponses.
La première à le consulter et à vérifier la
justesse
De sa parole fut Liriopé l'Azuréenne que jadis le Céphise
Avait enveloppée dans ses méandres et emprisonnée
dans ses eaux
Puis violée. Enceinte, cette beauté avait donné naissance
A un enfant qui ne pouvait que susciter l'amour des nymphes,
Et l'avait appelé Narcisse. Interrogé sur l'espérance
qu'il avait
D'une longue vieillesse, le devin répondit: " S'il ne se connaît
pas. "
Longtemps, cette parole prophétique parut sans fondement;
Ce qui atteste sa véracité, ce sont les circonstances
De la fin de Narcisse, la nature de sa mort, l'étrangeté
de sa folie.
A l'âge de seize ans, en effet, le fils du Céphise
Pouvait être pris à la fois pour un enfant et un jeune homme;
Beaucoup de jeunes gens, beaucoup de jeunes filles le désiraient.
Mais sa beauté naissante s'accompagnait d'une fierté cruelle:
Ni jeunes gens ni jeunes filles ne pouvaient l'approcher.
Celle qui l'aperçut, poussant vers ses filets des cerfs affolés,
Fut la nymphe loquace, qui ne sait ni se taire quand on parle
Ni parler la première: Echo qui répète les sons.
Echo avait un corps à l'époque - n'était pas qu'une
voix -
Mais n'avait déjà plus, la bavarde, l'usage de sa bouche,
Et ne pouvait que répéter les tout derniers mots d'une phrase,
Comme aujourd'hui. Junon en avait ainsi décidé car, voulant
surprendre,
Dans la montagne, les nymphes couchées avec son Jupiter,
La déesse était retenue par les histoires interminables
de la maligne
Qui aidait les nymphes à fuir. S'en étant aperçue,
la fille de Saturne
Lui avait dit: " Le pouvoir de cette langue qui m'a abusée
Sera diminué et ta parole réduite à sa plus simple
expression. "
Aussitôt dit, aussitôt fait: Echo répète désormais
Les dernières syllabes des mots qu'elle entend prononcer.
Donc, à peine a-t-elle vu Narcisse, circulant seul dans la campagne,
Qu'elle s'enflamme et suit ses pas à la dérobée.
Plus elle le suit, plus son ardeur se fait pressante:
Le soufre dont on enduit le bout des torches
N'est pas plus prompt à prendre feu.
Oh! Que de fois a-t-elle voulu l'aborder avec des mots d'amour,
User de tendres prières! Sa nature s'y oppose
Et l'empêche de commencer; mais elle est prête - et cela est
permis -
A attendre les sons auxquels elle renverra ses paroles.
Le jeune homme, s'étant par inadvertance séparé du
groupe
De ses fidèles amis, s'est écrié: " Y a-t-il
quelqu'un? "
" Quelqu'un ", répond Echo. Stupéfait,jetant les
yeux de tous côtés,
Il crie d'une voix forte: " Viens! " Elle lui renvoie son appel.
Il se retourne et, ne voyant arriver personne, reprend: " Pourquoi
Me fuis-tu ? ", et les mots qu'il a prononcés lui reviennent.
Il insiste et, trompé par cette voix qui imite la sienne, dit:
"Par ici, rejoignons-nous ", et aucun son ne saurait être
repris
Avec plus de plaisir: "Joignons-nous!" répète
Echo
Et, ravie de ses propres paroles, elle est sortie de la forêt,
Pensant jeter les bras autour de ce cou tant espéré.
Il prend la fuite et, en fuyant, lui crie: " Cesse de m'enlacer!
Plutôt mourir que te laisser disposer de moi! "
Elle ne peut répondre que: " Te laisser disposer de moi!"
Repoussée, elle se cache dans les forêts, abrite sous le
feuillage
Son visage couvert de honte et vit depuis dans la solitude des grottes.
Mais, délaissée, son amour s'obstine et la douleur l'accroît
Et son pauvre corps s'épuise en tourments sans trêve;
Sa maigreur lui ride la peau; toute la sève de son corps s'évapore;
Ne restent que la voix et les os: la voix est intacte ; les os
Ont pris, dit-on, l'aspect de la pierre. Elle est, depuis, cachée
Dans les forêts et on ne la voit plus dans la montagne;
Mais tout le monde l'entend: un son est là, qui vit en elle.
Comme de celle-ci, Narcisse s'était auparavant joué d'autres
nymphes
Issues des eaux ou des montagnes, ainsi que de garçons.
L'un de ces méprisés, tendant ses mains vers le ciel,
Avait dit: " Puisse-t-il aimer lui aussi et ne pas posséder
L'objet de son amour! " La déesse de Rhamnonte agréa
cette juste prière.
Il était une source limpide, source d'argent aux eaux miroitantes,
Que ni pâtres ni chevrettes paissant dans la montagne
Ni aucun autre bétail n'avaient approchée; que nul oiseau,
Nulle bête sauvage, nulle branche tombée d'un arbre n'avait
troublée.
Autour d'elle, de l'herbe, nourrie par l'humidité toute proche,
Et un bosquet pour empêcher les rayons du soleil d'attiédir
ce point d'eau.
Le jeune homme, épuisé de chaleur et d'ardeur à la
chasse,
Fut séduit par la source, son cadre, et s'y pencha;
Tandis qu'il essayait d'étancher sa soif, une autre soif grandit
en lui.
Pendant qu'il boit, fasciné par le reflet de sa propre beauté,
Il s'éprend de cet être sans corps, confond le corps avec
son ombre.
Ebloui, paralysé devant ce visage si semblable au sien, il reste
Pétrifié, une statue sculptée dans le marbre de Paros.
Rivé au sol, il contemple son double, ses yeux, son éclat,
Et ses cheveux dignes de ceux de Bacchus, ou encore d'Apollon,
Et ses pommettes juvéniles, son cou d'ivoire, le dessin parfait
De sa bouche, cette blancheur de neige et ce rouge mêlés,
Et il admire tout ce qui en lui est admirable.
Inconsciemment, il se désire, est à la fois sujet et objet
de sa quête,
Le chasseur et la proie, l'incendiaire et le feu.
Que de baisers sans réponse a-t-il donnés à la source
trompeuse
Que de fois a-t-il plongé les bras au milieu des eaux
Pour y saisir le reflet de son cou sans parvenir à l'atteindre
1
Que voit-il ? Il ne sait; mais ce qu'il voit le brûle,
Et l'erreur qui abuse ses yeux les excite pareillement.
Naïf, pourquoi chercher en vain à saisir une image fugace
?
Ce que tu cherches n'existe pas; ce que tu aimes, tourne-toi, tu le perds.
L'ombre que tu distingues est celle d'un pur reflet.
Elle est sans consistance, est apparue avec toi et demeure de même;
Elle s'éloignera avec toi - s'il t'est possible de t'éloigner.
Ni les exigences de la faim ni celles du sommeil ne peuvent
Le tirer de là; couché dans l'herbe épaisse, il fixe
d'un regard
Insatiable ce leurre, et son regard le tue; se soulevant un peu,
Tendant les bras vers les bois qui l'entourent, il leur dit:
" Quelqu'un a-t-il souffert, ô forêts, plus que moi en
amour?
Vous le savez, bien sûr, et vous avez été pour beaucoup
Un abri opportun. Vous dont la vie compte tant de siècles,
Vous souvenez-vous de quelqu'un qui, durant tout ce temps,
Se soit consumé à ce point? Il me plaît et je le vois,
Mais ce que je vois, qui me plaît, je ne peux le rejoindre;
Dans quel égarement est maintenu un amoureux !
Et, comble de douleur, il n'y a pour nous séparer ni mer immense,
Ni route, ni montagnes, ni murailles aux portes fermées:
L'obstacle n'est qu'un peu d'eau. Il me désire lui aussi
Car chaque fois que je tends mes lèvres vers l'eau claire
Sa bouche offerte s'efforce de m'atteindre.
Nous devons pouvoir nous toucher: rien n'arrête ceux qui s'aiment.
Qui que tu sois, sors de ce lieu; pourquoi me décevoir, ô
merveille ?
je viens vers toi, où t'en vas-tu ? Ni mon aspect ni mon âge
Ne sauraient, certes, te faire fuir: même des nymphes m'ont aimé.
Quel espoir me promet ton visage ami, je l'ignore,
Et quand je tends les bras vers toi, tu tends les tiens,
Et quand je souris, tu souris et lorsque j'ai pleuré j'ai souvent
remarqué
Que tu pleurais; tu réponds à mes signes d'un mouvement
de tête
Et, si j'en juge par les frémissements de ta bouche si belle,
Tu me renvoies des mots qui ne par-viennent pas à mes oreilles.
C'est moi qui suis toi, je le devine; et mon image ne me leurre point.
je brûle de l'amour de moi, déclencheur de ce feu et foyer
à la fois.
Que faire ? Attendre les questions, les formuler? Et qu'ajouter de plus
?
Ce que je désire est inséparable de moi, une richesse qui
crée le manque.
Ah ! si je pouvais me séparer de mon corps!
Vouloir l'absence de ce qu'on aime, voeu étrange pour un amant!
La douleur m'ôte déjà des forces, et il me reste peu
de temps
A vivre; je m'éteins dans la fleur de l'âge.
La mort m'est légère qui me délivrera de mes souffrances.
Celui que j'aime, j'eusse voulu qu'il vécût plus longtemps;
Mais nous allons mourir, deux coeurs dans un même souffle.
Sur ces mots, ce fou revint vers son image,
Troubla l'eau de ses larmes et l'agitation du bassin
En rendit les traits incertains ; la voyant disparaître:
" Où fuis-tu ? Reste, cruel, n'abandonne pas
Ton amant, cria-t-il, que je puisse au moins regarder
Ce que je ne puis toucher, et nourrir ma passion malheureuse. "
Tout en pleurant, il tira sur l'extrémité de sa tunique
Et de ses mains marmoréennes frappa sa poitrine nue.
Sa poitrine frappée se colora d'une rougeur vermeille
Tout comme les arbres fruitiers à demi blancs que l'on voit
Devenir rouges, ou le raisin à demi mûr dont les grappes
Aux tons changeants prennent une teinte pourpre.
Lorsqu'il la vit ainsi dans la limpidité de l'eau retrouvée,
Il ne peut en supporter davantage : comme fondent la cire blonde
Sous la flamme légère ainsi que les gelées matinales
Aux tièdes rayons du soleil, lui, exténué d'amour,
Se dilue, un feu secret lentement le consume.
Il n'a déjà plus ce teint où blancheur et rougeur
se mêlaient,
Ni éclat, ni force, ni cet aspect qui naguère plaisait,
Et il ne reste rien du corps jadis aimé par Echo.
Lorsqu'elle le revit, malgré le souvenir et la colère
Elle fut affligée et à chaque " Hélas! "
du malheureux enfant
Sa voix vibrante lui répondait: " Hélas! ",
Et, chaque fois qu'il se meurtrissait les bras,
Elle reproduisait le bruit des coups.
Sa dernière parole, les yeux fixés sur l'onde familière,
Fut: " Hélas! Enfant que j'aime vainement! ", et le lieu
La reprit mot pour mot; à son " Adieu! ", Echo redit:
" Adieu! "
Epuisé, il laissa tomber sa tête sur l'herbe verte;
La mort ferma ses yeux éblouis par l'éclat de leur maître.
Et même après qu'il eut été reçu au
séjour des Enfers,
Il se contemplait dans l'eau du Styx. Ses soeurs les Naïades
Pleurèrent et offrirent leurs cheveux coupés à leur
frère;
Pleurèrent les Dryades; Echo se joignit à leurs lamentations.
Déjà, on préparait le bûcher, le lit et les
torches funèbres:
Le corps n'était plus là. A la place du corps on trouva
Une fleur au coeur jaune safran entouré de pétales blancs.
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/itinera/actualites/nouvelles.cfm?num=63