Comment le serpent acquit ses dents venimeuses




Serpenrter


Comment le serpent acquit ses dents venimeuses


Le tout-puissant vient de créer les animaux.
Il a donné à tous ce qu'il faut pour vivre :
A l'aigle, ses ailes puissantes,
Au cerf, ses pattes agiles,
A l'ours, sa force extraordinaire.
Seul Kasur, le serpent, est laissé sans défense.
Il n'a pas la moindre dent.
Tout ce qu'il peut faire, c'est attraper des insectes.
Le lapin, qui n'est pas un héros, le tourmente sans cesse.
Il l'enterre dans le sable ou le jette à la rivière.
Kasur, sage de nature, sait que seul le grand Cipas peut lui venir en aide.

C'est pourquoi, un soir, il monte jusqu'à la demeure du Créateur.
Il voyage toute la nuit, passe par dessus les montagnes.
Le lendemain matin, le voici enfin devant la grande caverne.
Au centre, brûle un feu sacré.
Cipas se trouve là, assis, près du feu.
Il fixe le serpent de son œil pénétrant.
" Pourquoi viens-tu me voir ? " demande-t-il.
" Je suis très malheureux, " explique le serpent.
" Je suis incapable de me défendre quand les autres m'attaquent.
Vous pouvez seul me venir en aide.
Sinon, je vais sûrement périr.
- Oui, je vais t'aider, dit le Créateur ; approche-toi. "
Kasur rampe jusqu'auprès du feu.
Cipas se dresse sur ses pieds, s'enveloppe de fumée
Et prononce quelques paroles mystérieuses.
Puis il prend des tisons, les enveloppe dans quelques rayons de soleil,
Qu'il brise à cet effet.
" Ouvre la bouche, " commande-t-il au serpent.
Kasur sent des dents aiguës comme des aiguilles lui pousser dans la bouche.
" Te voilà maintenant doté d'une arme vraiment terrible, dit Cipas.
Tu as des dents empoisonnées.
Tous ceux que tu mordras mourront.
Avec une telle arme, tu te défendras aisément. "
Ce disant, Cipas raccompagne poliment Kasur jusqu'au seuil de sa caverne.

Le serpent rampe lentement sur le chemin du retour.
En route, il rencontre le lapin.
" Voyez qui se promène par ici ! crie le lapin.
C'est ce vieux copain de Kasur.
Où vas-tu comme ça, sans indiscrétion ?
- Je rentre chez moi, " répond le serpent, en essayant d'éviter le lapin.
" Tu ne veux pas jouer avec moi ? ", reprend le compagnon indélicat.
Aussitôt il se met sur le passage de l'animal rampant
Et plonge ses dents pointues dans son dos.
" Laisse-moi tranquille ou tu vas le regretter ! " avertit le serpent.
" Sûr que j'ai peur de toi ! " s'esclaffe le lapin moqueur.
Sans autre avertissement, le serpent mord son bourreau, qui tombe raide mort.
Kasur poursuit sa route, en toute quiétude.

Le décès du lapin sème la panique dans le monde des bêtes.
Chacun se met à respecter Kasur, en se demandant qui l'a rendu si puissant.
" Moi, je sais, dit la grenouille : c'est Cipas en personne. "
La nouvelle fait sensation.
Quelqu'un s'écrie alors, on ne sait qui :
" Allons tuer Cipas !
- D'accord, allons-y ! Allons tuer Cipas ! " s'écrient tous les autres.

Kasur ne perd pas un instant ; il part vers la caverne et avertit Cipas.
" Nous devons fuir, tout de suite, "décide Cipas.
" Il y a un passage souterrain ; là, je serai en sécurité… "
Déjà on entend les animaux arriver, menant un train d'enfer devant la caverne.
" Vite Kasur, prends-moi sur ton dos, et rampe à toute vitesse ! "
Cipas lève la main et prononce une formule magique.
Un gouffre, qui semble sans issue, s'ouvre devant eux.
Dès qu'ils sont entrés, la terre se referme, sans laisser de trace.
Les assaillants font irruption dans la caverne.
Ils fouillent partout.
Le Créateur a disparu.
Ils rentrent chez eux, bien désappointés.
Par la suite, Cipas renvoie Kasur sur terre,
Mais Lui-même n'y est jamais revenu.
Il est resté dans les entrailles de notre globe.
Quand il bâille, les volcans lancent de la fumée
Et la lave brûlante descend dans les vallées.
Quand il bouge, cela provoque des tremblements de terre,
Alors que les hommes frissonnent de terreur.
(Indiens d'Amérique, Ed. Gründ)

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