Goroba-Diké







Kandinsky

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Goroba-Diké


Goroba-Diké, de la famille des Seigneurs Foulbé
Est un prince invincible et redoutable.
Son aîné reçoit en héritage le royaume de son père.
Lui n'a droit qu'à la bénédiction du vieux monarque.

Il s'en va, accompagné de son confident Ulal,
Dans le pays de Bammamas.
Il est aventurier si farouche et ravageur
Que les hommes les plus sages de ce peuple
Viennent voir Ulal pour se plaindre
Et engager le prince à quitter leurs terres.
Le confident du prince leur promet
Qu'ils retrouveront bientôt la paix.

Il s'adresse à Goroba-Diké, le soir même.
"Sais-tu que le roi de Sariam, un Foulbé comme toi,
Veut marier sa troisième fille ?
Mais je crains que cette fille ne puisse satisfaire son désir.
Elle exige que son futur mari ait les doigts assez fins,
Pour porter un anneau très étroit,
Qu'elle a hérité de sa mère."

Goroba-Diké étend sa main gauche
Et contemple ses doigts aux fines nervures.
"Allons voir cette fille, dit-il."

Goroba-Diké part avec son confident
Et s'arrête dans un petit village,
Juste avant la cité de Sariam.
Il entre dans une hutte de paysan
Et échange ses habits princiers
Contre les haillons d'un bouvier.
Vêtu de loques, il va prendre rang
Dans la file des prétendants.
Quand arrive son tour, la princesse grimace
Et veut le repousser.
Le roi s'interpose et lui demande de donner sa chance
A ce prétendant inattendu.
L'anneau glisse sans peine
Le long du doigt tendu.
La princesse a les larmes aux yeux.
Elle gémit.
Le roi refuse de l'entendre.
Son mariage est célébré sur l'heure.

Le lendemain, une bande de pillards attaque la cité.
Goroba-Diké prend la fuite, juché sur un âne.
Il se rend secrètement au village,
Où il a laissé Ulal.
Il reprend ses vêtements princiers,
Retrouve ses armes et enfourche son cheval.
Il arrive près des combattants.
Il a une majesté d'ange sombre sur sa monture superbe.
Les hommes de Sariam ne le reconnaissent pas.
Ils lui demandent son aide.

Il leur répond.
"Le roi n'a-t-il pas des gendres,
Capables de défendre ses biens ?
- Il en a trois, répond-on.
Les deux premiers n'entendent rien à l'art de la guerre.
Le troisième a pris la fuite."
Goroba-Diké éclate de rire.
"Je vais combattre et je vaincrai, dit-il,
Si chacun des deux gendres du roi
Me donne une de ses oreilles."
Les deux gendres baissent la tête,
Se tranchent une de leurs oreilles,
La remettent à Goroba-Diké,
Qui enferme le précieux contenu dans sa bourse.
Le prince part à la bataille.
Il jette la stupeur.
Les pillards prennent la fuite.
Goroba-Diké retourne prendre ses habits de bouvier
Et revient au palais, monté sur son âne.
Personne ne fait attention à lui.
Les gendres du roi se vantent d'avoir perdu une oreille,
En plein coeur du combat.
Sa femme, qui ne veut pas dormir avec un fuyard,
Lui jette une couverture
Pour qu'il s'étende sur le plancher.

Le lendemain, les pillards attaquent à nouveau.
Goroba-Diké s'enfuit sur son âne.
Les femmes et les enfants l'insultent
Et lui jettent des cailloux.
Il retrouve son cheval, ses armes et ses habits princiers.
A peine arrivé sur le lieu des combats,
Il voit sa femme emmenée par deux énormes pillards.
Il se précipite, tue à droite et à gauche
Et transperce l'un des deux bandits.
Le second se retourne contre lui
Et lui ouvre la cuisse du revers de son sabre.

D'un coup de lance Goroba-Diké
Fait jaillir le coeur de son ennemi,hors de sa poitrine.
Il ramène sa femme à proximité du palais.
La princesse déchire un morceau de sa robe
Et enveloppe la blessure saignante.
Goroba-Diké repart au combat,
Ranime le courage des combattants
Et chasse les pillards, qui se dispersent.

La princesse est raillée par ses compagnes,
Qui se moquent de son poltron de mari.
Elle s'enfuit dans sa chambre
Pour y pleurer son amertume.
Son mari est affalé sur le lit,
Comme un ivrogne repu.
Elle lève sa lampe,
Découvre la cuisse, enveloppée du bandage sanglant.
Elle réveille doucement le dormeur.
"Qui t'a blessé ?
- Qui me demande cela ?
- Homme, qui t'a pansé ?
- Femme l'ignores-tu ?
- Qui es-tu donc ?
- Le fils d'un roi.
- Merci, fils de roi."
Cette nuit là, ils s'aimèrent.

Au petit jour, le prince retourne au village,
Revêt à nouveau ses habits de prince
Et revient à Sariam, accompagné de son confident Ulal.
Tout le monde l'escorte jusqu'au palais.
Dès qu'il paraît, la princesse s'avance vers lui,
Le prend par la main
Et le présente à son père.
"Voici l'homme que j'ai épousé.
A lui, tu dois le royaume."
Les deux gendres protestent
Et crient à l'imposteur.
Alors Goroba-Diké plonge dans sa bourse
Et retire les oreilles piteuses
De ses deux beaux-frères.
"Les reconnaissez-vous ?"
Les deux pendards s'enfuient sous les huées.
Le roi ouvre ses bras
A son gendre aux doigts fins.
Le bonheur s'allume dans tous les regards.
(Conte africain - L'arbre aux trésors)

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