L'homme vert






Noikette, La perruque

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L'homme vert


En Guyenne était un homme vert.
Il apparaissait à l'improviste,
Engageait un brin de conversation
Mais disparaissait lorsqu'on voulait l'approcher.
Il savait tout de ses interlocuteurs,
Comme s'il les avait vu grandir.
Il perçait leurs pensées
Et révélait leurs intentions.
Personne ne savait rien de lui
Sauf qu'il était le gardien des oiseaux.
Beaucoup ne l'ont jamais vu
Et ne cherchent plus à le voir.
Ils laissent son histoire aux rêveurs.
Mais ceux qui ont eu la chance de le rencontrer
En gardent un souvenir impérissable.
C'est le cas du vieux Cazaux.
Deux fois, dans sa jeunesse,
Il parla avec le maître des oiseaux.

La première fois, il n'avait que dix ans.
Il cheminait avec son père,
Sous les murailles d'un château fort.
Subitement son père l'interpelle :
"Regarde".
Son doigt désignait la cime des ruines.
Le jeune enfant aperçoit l'homme vert,
Assis sur le rempart, les jambes dans le vide.
Il était entouré de centaines d'oiseaux,
Qui voletaient autour de lui.
Et lui semblait leur jeter des graines invisibles.
"Bonjour, homme vert, fit le père.
- Bonjour, homme vert, reprit le fils.
- Bonjour Père Cazaux, bonjour petit Cazaux,
répondit l'homme vert."
Au bout de quelques mètres, l'enfant se retourna.
L'homme vert avait disparu.

Le jeune Cazaux n'eut ensuite de cesse
De revoir ce personnage mystérieux,
Qui l'avait tant impressionné.
Il n'en dormait plus la nuit.
Il s'approchait du château,
Scrutait les murailles.
L'homme vert restait invisible.
Un après-midi, il grimpa jusqu'au sommet du roc.
Il s'étendit à l'ombre d'un arbre,
Au milieu des ruines, et s'endormit.
Tout à coup, le grondement du tonnerre le réveilla.
Des nuages noirs s'amoncelaient sur le château fort.
Subitement, un craquement se fit
Et les nuages déversèrent un déluge d'eau,
A la lumière des éclairs, qui sillonnaient le ciel,
Et au bruit de violents coups de tonnerre.
Petit Cazaux n'avait pas peur.
Il était même heureux de se trouver
Au centre de la tempête.
La tempête s'arrêta.
Il sortit de son abri.
Il entendit alors un bruit au-dessus de sa tête.
L'homme vert était là, assis sur la muraille.
"Bonsoir, petit Cazaux,lança-t-il à l'enfant.
- Bonsoir homme vert, reprit l'enfant.
- Dis-moi, il y a longtemps que tu me cherches.
Que me veux-tu ?"
L'enfant était bouleversé de bonheur.
Mais, au fait, il ne voulait rien.
La présence de l'homme vert lui suffisait.
Il fallait pourtant qu'il réponde à la question.
"Homme vert, vous êtes le maître des oiseaux.
J'aimerais que vous me donniez un merle.
Un merle qui siffle bien.
- Enfant, je ne donne pas mes oiseaux.
Je ne les vends pas non plus.
Si tu veux un merle,
Un beau merle qui siffle bien,
Attrape-le toi-même.
Maintenant, petit Cazaux, rentre chez toi.
Tes parents commencent à s'inquiéter."

Petit Cazaux se frotta les yeux,
Encore mouillés de pluie.
Quand il releva la tête,
l'homme vert avait disparu.
Il courut chez lui conter l'aventure.
On le crut sans peine.
De ce jour-là,
Les oiseaux venaient manger dans sa main,
Sans crainte d'être emprisonnés.
Aujourd'hui, petit Cazaux est devenu vieux.
Il n'a jamais revu l'homme vert.
Peut-être avait-il compris son message ?
L'homme vert n'avait plus rien à lui dire.
(Conte français, d'après Henri Gougaud, L'arbre aux trésors)

 

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