Le cavalier et le soufi





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Le cavalier et le soufi


Un cavalier aperçut un serpent venimeux au moment où il se glissait dans la bouche d'un homme endormi. Que faire ? S'il laissait l'homme dormir, tôt ou tard le serpent le mordrait, le tuerait. Alors il fouetta l'homme de toute sa force. Il le réveilla brutalement d'un coup de fouet, il l'entraîna dans une remise où se trouvait un tas de pommes pourries. Sous la menace de son épée, il obligea l'homme, qui hurlait de rage, à manger une masse de pommes. Puis il lui fit boire une quantité d'au saumâtre sans prêter attention à ses cris. "Mais que t'ai-je fait, ennemi de l'humanité, pour que tu me traites de cette manière ?"

Après plusieurs heures de souffrance, d'insultes et de larmes, l'homme s'écroula sur le sol. Il vomit les pommes, l'eau et le serpent. A la vue de l'animal, il comprit ce que l'homme avait fait. Il lui demanda pardon de l'avoir insulté et le remercia.

"Pourquoi m'as-tu sauvé ? demanda-t-il enfin. - Parce que la connaissance est mère de la responsabilité. - Que veux-tu dire ? Le cavalier resta silencieux. Il aida l'homme à se relever et à nettoyer ses vêtements. Celui-ci lui dit encore : "Si tu m'avais prévenu de la présence de ce serpent dans mon estomac, j'aurais accepté ton traitement de très bonne grâce. - Je ne crois pas, dit le cavalier. - Pourquoi ? - Si je t'avais prévenu, tu ne m'aurais pas cru. Ou bien la peur t'aurait paralysé. Ou bien tu te serais enfui à toutes jambes. Ou bien encore tu serais retourné au sommeil, y cherchant l'oubli.

Là-dessus, le mystérieux cavalier sauta sur son cheval et s'éloigna très vite.
(Conte soufi, Jean-Claude Carrière, Le cercle des menteurs, éd. Plon)

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Analyse du cavalier et du soufi