Pélops




 


Figure athénienne

Musée d'Arezzo

http://www.beazley.ox.ac.uk/CGPrograms/Dict/ASP/OpenDictionaryBody.asp?name=Pelops

 

Zeus ayant envoyé Tantale au royaume des ombres, le trône royal devint vacant. Le jeune Pélops prit le pouvoir, mais il ne régna pas longtemps : un roi voisin, désireux de s'emparer des richesses de Tantale, envahit la contrée et chassa Pélops du palais de son père. Pélops partit, accompagné du plus fidèle de ses serviteurs. Ils errèrent au hasard et finirent par atteindre la Grèce. Ils traversèrent des régions pauvres, où les champs ne produisaient que des pierres, et de riches cités aux maisons blanches et aux statues de marbre. Ils arrivèrent, un soir, devant les imposantes murailles d'une grande ville. Ils entrèrent par une grande porte et se mirent en quête d'un logis pour la nuit. Le soleil couchant jetait ses dernières lueurs quand ils parvinrent au palais royal. Ce qu'ils virent les glaça d'horreur : treize piquets étaient plantés devant le palais, et sur chacun d'eux était fichée la tête d'un homme. Un vieillard qui passait par là remarqua leur mouvement et interrogea les voyageurs : " Êtes-vous surpris ? dit-il, tous ces gens ont perdu la vie à cause d'un présage. - Je ne connais aucun dieu qui laisserait se produire un tel présage, objecta Pélops. - Ainsi donc la mort vous paraît-elle un sort cruel ? reprit le vieillard avec un bon sourire. Eh bien, notre roi pense comme vous, et c'est pourquoi il tue pour ne pas être tué lui-même. - Vous parlez comme si vous faisiez des prédictions, à l'instar de la prêtresse Pythie, dit le serviteur au vieillard, d'un ton sec. Vous feriez mieux de nous dire carrément ce qui se passe dans votre ville ". Le vieillard si loquace hocha la tête et dit : " Pise, notre ville, est gouvernée par le roi Œnomaos. Ce roi a une fille ravissante, prénommée Hippodamie. Œnomaos, qui avait un jour demandé à l'oracle de lui dévoiler son avenir, se vit faire cette prédiction : 'l'homme qui épousera ta fille sera la cause de ta mort.' Qui donc, dans un semblable cas, ne craindrait pour sa vie ? C'est le cas d'Œnomaos. C'est pourquoi il force chaque soupirant de la belle Hippodamie à disputer une course de chars contre lui. Les chevaux d'Œnomaos sont plus rapides que le vent du Nord. Il donne lui-même le départ au prétendant puis, après avoir offert un sacrifice à Zeus, part à sa poursuite. L'itinéraire de la course va de Pise à l'autel de Poséidon, élevé sur l'isthme de Corinthe. Si le prétendant l'atteint le premier, il pourra épouser Hippodamie. Mais si Œnomaos le rattrape, il le transperce de sa lance. Jusqu'à présent, Œnomaos a rattrapé tous les prétendants. Ces têtes que vous avez vues sur les piquets sont les leurs. Le roi espère de cette façon effrayer tous ceux qui pourraient vouloir tenter leur chance à la course. Il y parviendra peut-être : il y a longtemps que personne ne s'est présenté pour concourir. - Cela n'a rien d'étonnant, dit le serviteur de Pélops. Chacun doit prendre soin de sa propre vie : on la perd en un rien de temps, et on ne la retrouve jamais ensuite ! " Pélops, songeur, restait silencieux. " Vous avez sans doute parcouru un long chemin, poursuivit le vieillard, " après avoir examiné Pélops et son serviteur. " Si vous êtes à la recherche d'un gîte pour la nuit, je peux vous héberger. - Entendez-vous mon maître, dit le serviteur tout réjoui en se tournant vers Pélops, nous allons bientôt pouvoir nous reposer. "

Pélops s'arracha à ses pensées et ils se rendirent tous les trois à la maison de l'hospitalier vieillard. Cette nuit là, Pélops ne parvint pas à trouver le sommeil. Il se glissa hors de la maison, et un étrange désir l'attira vers le palais royal. La pleine lune flottait dans le ciel, éclairant le palais et les piquets, sur lesquels étaient plantés les crânes des malheureux prétendants, projetaient leurs ombres sinistres. Pélops se demandait à quoi pouvait bien ressembler cette Hippodamie pour laquelle tant d'hommes avaient perdu la vie. A cet instant, une porte s'ouvrit sur la façade du palais et une jeune fille vêtue de noir apparut. Pélops se cacha à l'ombre d'un mur et l'observa. La beauté de son visage pâle égalait celle des étoiles qui scintillaient dans le ciel. Elle passa devant les piquets et laissa échapper un profond soupir. Puis elle disparut comme elle était venue. Très agité par cette étrange apparition, Pélops s'en retourna à la maison et, après s'être recouché, passa une nuit agitée.

Le lendemain matin, les rayons du soleil effleurèrent le visage du serviteur, qui s'éveilla et se mit à penser tout haut : " Mon cher maître, nous devrions nous dépêcher de reprendre notre route. J'ai rêvé toute la nuit des prétendants décapités. Je pense que nous ne sommes pas en sécurité ici. Partons, faisons nos adieux à notre hôte et quittons la ville. - La nuit dernière, dit Pélops, j'ai vu Hippodamie. Elle est belle et triste. Je vais aller trouver le roi Œnomaos et lui demander la main de la princesse. Je courrai contre lui et gagnerai la course. Je délivrerai Hippodamie de sa tristesse et quitterai le pays avant de laisser à la prédiction le temps de se réaliser, car je n'ai aucune raison de souhaiter la mort du roi. - Le dieux se sont-ils mis en colère contre vous, se lamenta le serviteur, pour vous avoir inspiré une telle pensée ? " Il sauta de son lit et courut chercher le vieillard pour qu'il dissuade Pélops. En vain, sa décision était irrévocable.

Le char du soleil avait à peine commencé sa course dans le ciel que le fils de Tantale se présentait devant le roi Œnomaos. Œnomaos l'écouta attentivement, et, parce que ce jeune homme beau et courageux lui plaisait, il tenta de lui faire abandonner son projet. Pélops, cependant, ne se laissa pas fléchir. Pour la première fois, Œnomaos trouva pénible d'avoir à sauver sa vie en sacrifiant celle d'un jeune étranger. " Puisque tu insistes tant, eh bien ! prépare toi ! " finit par s'écrier Œnomaos, clôturant la discussion. " Demain, nous disputerons la course. "

Dans la grande salle du palais, Pélops vit Hippodamie. A la lumière du jour, elle lui sembla plus belle encore que la nuit. Elle jeta à Pélops un regard plein de chagrin, et se voila aussitôt la face. Elle aussi aimait ce jeune étranger plus que tous ceux qui jusqu'alors avaient prétendu l'épouser. Son serviteur attendait Pélops devant le palais. A peine sut-il que son maître allait disputer la course le lendemain qu'il commença à le pleurer, comme s'il était déjà mort. Pélops doutait lui aussi de ses chances de remporter la victoire. Les chevaux avec lesquels Œnomaos courait avaient été donnés par Arès, le dieu de la guerre en personne ; il était difficile de prétendre les vaincre avec des chevaux venant d'écuries ordinaires. Torturé par l'angoisse, Pélops marcha jusqu'au bord d'une rivière qui coulait vers la mer. Là, il invoqua le dieu de la mer, Poséidon, et implora son aide. Il supplia le dieu avec tant d'insistance que celui-ci l'entendit. La rivière se mit à imiter le bruit d'un torrent, et, au milieu des eaux tourbillonnantes, apparurent des chevaux ailés. Des gerbes d'étincelles jaillissaient de leurs sabots. Ils étaient attelés à un char léger qui brillait derrière eux comme l'écume à la crête des vagues. Pélops stupéfait remercia Poséidon, lui promettant un riche sacrifice.

C'est en cet extraordinaire équipage qu'il se mit en route le lendemain à la rencontre du roi. Œnomaos attendait son rival. Il reconnut de loin les chevaux de Poséidon et, dans son agitation, oublia même d'offrir le sacrifice qui habituellement précédait son départ. Il ne laissa pas à Pélops autant d'avance qu'à ses prédécesseurs : il sauta sans attendre sur son char et se lança à la poursuite du jeune homme. L'attelage de Pélops s'était déjà élancé, et seuls les petits nuages de poussière qu'il soulevait sur la route témoignaient de son passage. Il avait devant les yeux l'image de la pauvre Hippodamie, et le désir de la délivrer de sa peine le faisait aller sans cesse plus vite. Derrière lui venait le char du roi, avec ses chevaux qui couraient plus vite que le vent du Nord. Le roi avait devant les yeux le spectacle de sa propre mort et il ne savait qu'il ne pouvait échapper à son sort qu'en rattrapant Pélops. Il pressa donc ses chevaux tant qu'il put. La distance entre les deux chars diminua, l'espoir revint au roi et la crainte à Pélops. Déjà ce dernier était proche du poteau d'arrivée quand le roi le rattrapa et leva sa lance. Mais, à cet instant précis, une roue du char royal heurta un caillou et se brisa. Le char bascula, le roi tomba et sa tête heurta un rocher qui lui fracassa le crâne. Il mourut à l'instant même où Pélops, sur son char, passait la ligne d'arrivée.

Pélops, vainqueur, s'en revint à Pise. Son fidèle serviteur l'accueillit avec des transports de joie et le peuple le proclama roi. Pélops fit enterrer avec faste le défunt roi Œnomaos et épousa Hippodamie. Son règne fut fameux. La Péninsule où il avait gagné la course prit son nom et devint le Péloponnèse. Dans la ville d'Olympie, il fonda les fameux jeux olympiques en mémoire de sa victoire. Mais Pélops ne fut pas heureux : après sa victoire, il se querella avec un serviteur d'Œnomaos, Myrtilos. " Si je n'avais pas été là, s'écria Myrtilos, ta tête serait actuellement la quatorzième à être exposée devant le palais. C'est moi qui ai desserré les essieux du char d'Œnomaos, et c'est pour cela que le roi est tombé et s'est tué. Et à présent tu dois me récompenser d'avoir fait cela ! " Pélops, exaspéré de voir ainsi Myrtilos se vanter d'un meurtre et demander à être payé pour cela, précipita le traître dans la mer, du haut d'une falaise. Myrtilos, en mourant, maudit Pélops. Et c'est ainsi que la malheureuse famille de Tantale eut à subir une nouvelle malédiction. (Mythes et légendes de la Grèce antique, éd. Gründ, Prague 1991)

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Analyse de Pélops