Phaéton




 

Rubens

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Un jour, le jeune Phaéton accourut en larmes vers sa mère. " Personne ne veut croire que mon père est un dieu, sanglotait-il, les garçons avec qui je joue se moquent de moi en disant que je me vante. " Sa mère l'embrassa et le consola : " Mon petit garçon, ton père est vraiment un dieu. Regarde le ciel. Ce soleil éblouissant et brûlant qui l'illumine, c'est ton père. Il te voit jouer et nager dans la rivière, il voit tout ce qui se passe sur la terre. Ton père est Hélios, le dieu Soleil ". Phaéton regarda le soleil et eut envie de rejoindre son père. " Je vais le voir, dit-il à sa mère, j'ai envie de connaître mon père. " Sa mère ne le lui interdit pas. " Va, dit-elle, en lui caressant les cheveux, il sera sûrement heureux de te voir. Tu dois aller droit vers l'est jusqu'à un grand rocher. Un sentier grimpe au flanc du rocher et, tout au bout du sentier, dominant le ravin, est bâti le palais de ton père Hélios. "

L'impatient Phaéton se prépara bien vite à ce voyage. Il marcha inlassablement vers l'est, et parvint au grand rocher. Le palais du dieu soleil brillait au loin et les colonnes d'or qui le supportaient s'embrasaient dans le ciel. Les doubles barrières qui, forgées dans des rayons d'argent, se dressaient devant la palais pour accueillir Phaéton bien que, en bas, sur la terre, la nuit soit tombée depuis longtemps déjà. Phaéton entra, mais dut bientôt s'arrêter et fermer les yeux, tant la lumière était éblouissante. Au milieu de la galerie était assis le dieu Hélios lui-même, sur un trône serti de pierres précieuses. Les Heures, les Jours, les Mois, Les Années et les Siècles l'entouraient. Lorsque les yeux de Phaéton se furent accoutumés à tant d'éclat, il distingua d'étranges silhouettes derrière le trône de son père. Il y avait le jeune Printemps avec une guirlande dans les cheveux, l'Eté avec une couronne d'épis de blé, l'Automne avec la robe maculée de jus de raisin et l'Hiver avec ses cheveux gris et ébouriffés. C'est alors que la voix du dieu Hélios retentit dans le palais : " Sois le bienvenu, mon fils Phaéton. Pourquoi as-tu fait tout ce chemin pour me voir ? " Phaéton surmonta sa timidité et s'avança bravement en face de son père. " Sur terre, les hommes se moquent de moi, ils disent que je mens et que je me vante et que mon père n'est pas un dieu. Peux-tu, s'il te plaît, montrer vraiment à tous que je suis ton fils ? "

Hélios rejeta les rayons étincelants qui entouraient sa tête et, attirant Phaéton, l'embrassa et lui dit : " Tu es mon fils, Phaéton, et je veux te le prouver. Demande-moi n'importe quoi et je te l'accorderai ". Phaéton sourit fièrement. " Je sais que tu conduis chaque jour, à travers le ciel, de l'Est à l'Ouest, un char d'or tiré par des chevaux extraordinaires. J'aimerais, juste une fois, le conduire moi-même. " Hélios s'effraya et regretta sa promesse. Il essaya de raisonner son fils : " Demande-moi autre chose. Tu es jeune et tu ne peux tenir les rênes des coursiers sauvages. Le voyage du char est périlleux. Le matin, il s'élève tout droit vers le ciel et lorsqu'il est tout en haut, même moi je me sens étourdi par la hauteur du midi. Puis le sentier descend à pic vers la mer. Il faut une main très forte pour éviter que le char, le conducteur et les chevaux aillent se jeter la tête la première dans les profondeurs ". Malgré tous ces arguments, Hélios ne put dissuader Phaéton, trop impatient de montrer à ses amis et à tout le monde qu'il était le fils du dieu. Hélios dut se résoudre à tenir sa promesse. Avec un soupir, le dieu mit son bras autour des épaules de son fils et le conduisit vers le char doré qui envoyait ses rayons dans toutes les directions.

Pendant que Phaéton s'émerveillait, l'Etoile du matin ouvrait les barrières pourpres de l'Est et montrait des salles pleines de roses. La nuit s'envolait devant le ciel rougissant et le moment approchait d'atteler les coursiers impétueux. Le dieu Soleil mit un onguent magique sur les joues de Phaéton pour le protéger de la chaleur et lui donna ce dernier conseil : " Mon cher fils, puisque rien ne peut te dissuader d'entreprendre ce périlleux voyage, aie au moins la prudence de ne pas emmener ce char trop haut, pour ne pas brûler les cieux, ou trop bas, pour ne pas consumer la terre. N'utilise pas le fouet : les chevaux galopent d'eux-mêmes. Tu trouveras facilement le chemin d'après les traces de mes roues : suis-les ".

Phaéton acquiesça, bien qu'il écoutât à peine les paroles de son père. Il sauta dans le char, prit les rênes et partit au galop. L'équipage étincelant s'éleva dans les airs à travers le brouillard. Au début, les chevaux suivirent le chemin habituel. Les cheveux de Phaéton voltigeaient autour de sa tête. Puis les coursiers s'aperçurent qu'ils étaient conduits par une main étrangère et malhabile et que le char était plus léger que d'habitude. Ils se secouèrent de façon à faire lâcher prise à leur jeune maître et quittèrent le sentier. Le char vacilla tandis qu'ils se précipitaient où bon leur semblait. Terrifié, Phaéton regarda la terre du haut des cieux. Loin, au-dessous de lui, il vit les montagnes, les rivières et les villes qu'illuminait son char. Il trembla et fut saisi de vertige. Les rênes glissèrent de ses doigts et se mirent à flotter librement sur le dos des chevaux. Ceux-ci se cabrèrent et se précipitèrent vers les étoiles, puis ils traversèrent les nuages en direction de la terre. Lorsque le char fut près du sol, celui-ci devint aussitôt aride et des flammes s'élevèrent. L'argile se fissura, provoquant l'inquiétude du roi des profondeurs, surpris de voir la lumière violer son royaume de ténèbres infinies. L'herbe, le blé, les arbres, tout était en feu et les villes n'étaient plus qu'un monceau de cendres. Les rivières sifflèrent et s'évaporèrent, les montagnes rougirent avant de s'écrouler, en cendres. Les poumons et la bouche irrités par l'air chaud, Phaéton comprit sa faute, tandis que, sous lui, le char rougeoyait. En Afrique où l'attelage frôla la terre, la peau des nations entières noircit et d'immenses déserts se formaient. La terre elle-même se mit à bouillir, et les poissons durent se réfugier dans les profondeurs. La terre torturée supplia Zeus d'arrêter ses souffrances et Zeus l'exauça en précipitant la foudre sur Phaéton. Les chevaux s'échappèrent de l'attelage et se jetèrent de côté, tandis que le char allait s'écraser en direction opposée. Quant à Phaéton, il fit une chute vertigineuse à travers l'espace brûlant et alla s'écraser à terre, sans vie.

Quelques nymphes des eaux trouvèrent son corps et l'enterrèrent. Accablé de chagrin , son père Hélios se voila la face et, au milieu du jour, ce fut la nuit, éclairée uniquement par la lueur des feux qui embrasaient encore la terre. La mère de Phaéton erra longtemps à la recherche de la tombe de son fils et, lorsqu'elle la trouva, elle pleura et embrassa l'argile sous laquelle il reposait. Ses soeurs aussi eurent beaucoup de peine : elles se lamentèrent et portèrent le deuil pendant des mois entiers. Puis, un jour, elles sentirent qu'elles étaient enracinées dans le sol ; elles tordirent leurs cheveux, mais ce furent des feuilles qu'elles froissèrent entre leurs doigts. Leur mère, pour les sauver, attacha les branches portant des bourgeons. Des gouttes s'échappèrent des blessures, le soleil les durcit et elles devinrent de l'ambre. La douleur avait changé en aunes les soeurs de Phaéton. De nos jours encore, le soleil pleure son fils : le soir, après son coucher, des larmes coulent des étoiles, ces yeux argentés de la nuit. Les hommes les nomment la rosée. (Mythes et légendes de la Grèce antique, éd. Gründ)

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Analyse de Phaéton