Troisième temps : le sens

Comment rompre le nœud gordien : tuer pour ne pas être tué

1. Pélops a été tué par son père Tantale et découpé en morceaux pour être servi aux dieux, au cours d'un repas

2. Tous les dieux se sont insurgés sauf Déméter, étourdie, qui a mangé un morceau d'épaule de Pélops

3. Les dieux ont alors rassemblé les morceaux découpés qu'ils ont mis dans un chaudron et Clotho en a retiré un superbe jeune homme

4. Le problème, c'est qu'il manquait le morceau d'omoplate mangé par Déméter. Il a été remplacé par un morceau d'ivoire

5. Toute l'histoire de Pélops est contenu en germe dans ce récit mythique

6. Il s'efforcera de rassembler tous les éléments d'un ensemble, tous les hommes entre eux, pour promouvoir la vie, aux dépens de la mort

7. Toutefois il est possible que le morceau d'omoplate qui lui manque lui joue des tours

8. Il est évincé de son royaume car il gêne les rois voisins attirés par ses richesses

9. Mais il est rapidement mis en face d'un problème apparemment insoluble, qui va solliciter son intelligence

10. Le roi Oenomaos, très attaché à sa fille par une relation presque incestueuse, s'oppose à la venue de prétendants

11. En réalité, il a peur que les prétendants ne prennent sa place et le tuent

12. Il a déjà tué 13 jeunes hommes à la suite d'une course de chars, qui était pour lui une sorte de combat contre la mort

13. Pélops veut rompre le nœud gordien qui enferme dans la mort : il opte pour la vie et veut obtenir la fille qu'il commence à aimer intensément sans passer par la mort du père

15. Les chevaux d'Oenomaos lui ont été fournis par Arès, le dieu de la guerre : ils représentent l'impétuosité de la violence qui écarte et sépare

16. Pélops implore Poséidon, le dieu de la mer

17. Poséidon lui accorde des chevaux ailés, qui sortent de l'eau : ceux-ci très liés à l'origine de la vie, représentent l'impétuosité du désir

18. Pour échapper à la fatalité de la mort, Pélops pense qu'il faut transformer le combat contre la mort que représente la course de char en un jeu : c'est lui qui, plus tard, instituera les jeux olympiques

19. Le jeu laisse une place à l'autre et offre un espace de parole sans annuler, pour autant, une forme de compétition

20. Mais pour que l'opération réussisse, il est nécessaire que la force du désir prenne le pas sur la force de mort que représente la violence : il doit donc gagner à tout prix

21. Le roi finit par se tuer, à la suite de l'éclatement d'une roue de son char, avant d'arriver

22. Cet éclatement d'une roue indique qu'il était sorti du jeu. Pourquoi ? On ne le sait pas encore

23. Pélops peut se marier avec Hippodamie et devenir le roi du territoire

24. Mais il manque quelque chose à Pélops pour réussir complètement sa vie : il lui manque un morceau d'omoplate

25. Les choses deviennent plus claires lorsque Myrtilos avoue qu'il a desserré les essieux du char d'Oenomaos

26. Il a ainsi faussé le jeu que voulait instaurer Pélops en réintroduisant une logique du mort

27. Le meurtrier veut sa part du gâteau

28. C'est la part qui manque à Pélops

29. Pélops furieux le précipite dans la mer

30. Sans le vouloir vraiment, il a cédé lui-même à la violence meurtrière

31. Alors Myrtilos l'a maudit, ce qui a engendré de nouveaux malheurs pour la famille de Pélops

32. Dans cette affaire, les choses ont été mal dites : la part manquante a été la parole

33. Comme il n'avait pas intégré la violence (le morceau d'épaule), Pélops n'a pas pu la nommer ou la parler : pour parler, il faut avoir intégré la violence car la parole n'est rien d'autre que de la violence symbolisée

34. Pélops n'a pas su transformer la violence (non intégrée) en parole pour éviter la mort d'un homme

35. Sa parole devait dénoncer le mensonge inconscient qui avait amené Myrtilos à fausser le jeu

36. La vérité qui n'a pas été dite est celle-ci : la violence, comme force de séparation, est une force de vie à condition d'être au service du désir

38. La parole reste toujours à inventer